21.11.06

Le texte du mardi matin


C'est un fait, le mardi matin rien ne me vient.

Du coup, je vous propose un petit texte, un de mes premiers avec "Personnel de maison" qui doit figurer dans le coin si vous fouillez...


Je le relis à l'instant ; il n'est pas si mauvais, même s'il m'avait valu une levée de boucliers sur le forum où je l'avais posté. Bon, je suppose qu'il faut des avertissements d'usage, du genre "Femmes enceintes (coucou Cetdemi) passez votre chemin" et autres "Meuh non, je blaaaaague"...

Bref, ça s'appelle

Sagesse


Chère Sage-femme,

D’accord, c’est pas vraiment le moment d’écrire. Mais comme mes poumons baignent encore dans le liquide amniotique, je n’ai pas d’autre solution.

Je sais très bien ce que tu es en train de faire. Et tu n’y arriveras pas. Si je n’ai pas mis ma tête là où elle devrait être, c’est parce que, une fois pour toutes, je ne sortirai pas. Inutile d’essayer tes médicaments, ton ostéopathie : je reste là.

Oh, je sais très bien ce qui va se passer : je vais mourir.

Ca me va. Ca fait certainement moins mal que de naître, et j’arrive directement au bout du voyage sans passer par les gares de province. Ca me semble préférable.

Et pourquoi je naîtrais, d’abord ? Parce que mes parents m’aiment ? Parce qu’ils m’ont voulu ? Arrête. Vue d’ici, ma mère n’est qu’un flux d’hormones. D’accord, en ce moment, elle me veut. Mais les hormones sont changeantes. Demain matin, elle sera en pleine dépression, et elle se mettra sans doute à me détester. Et ne me dis pas que ça passe vite. Pas toujours.

Quant à mon père… Je l’ai entendu hurler dans les embouteillages, quand il nous emmenait ici. Vraiment, tu penses qu’il trouvera la patience de s’occuper de moi ?

Si tu es aussi sage que tu le prétends, tu sais comme moi que ça ne vaut pas le coup. Tu connais les chiffres : les chances sont contre moi. Un enfant sur dix privé de tout. Un enfant sur deux cents qui n’atteindra pas quinze ans…

Et même si je fais partie des privilégiés, si je n’ai qu’à me laisser vivre : dis-moi, toi qui y es depuis un moment, elle a quel goût, la vie ? Non, parce que d’ici, quand on voit vos regrets, vos oublis, vos renoncements, vos bassesses… on se dit allez zou, direct chez les anges, ce sera peut-être l’ennui, mais au moins sans la souffrance.

Quoi, l’amour ? Tu vas pas me faire ce coup-là ? C’est bien de vous, les vivants, de parler d’amour à tout bout de champ… Des hormones, je t’ai dit, un truc concocté par vos cellules juste pour se multiplier.

Réfléchis, sage-femme. Dans un tout petit milliard d’années, il ne restera rien de tout ça. Même plus de vie, même plus l’idée de vie, ni l’idée d’une idée. Rien que le silence des étoiles – et peut-être même pas. Alors, ton amour, hein…

Je t’ai dit d’arrêter de manipuler ma mère. Non, c’est non. Je ne bouge pas. Tiens, tu entends, le rythme de mon cœur ? Ne t’affole pas, c’est ce que je veux, j’en suis sûr.

Eh, je t’ai dit de ne plus me toucher. Arrête ça ! Oh nom d’un… A la seconde où je sors, tu vas m’entendre hurler…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bon je l'ai lu quand meme, ton texte, na. A voix haute dans ma tete (vachement dur a maitriser comme technique) pour le petitou qui me colle des coups de latte tout le temps. C'est marrant comme ca me rappelle pleins de trucs que je pense dans ma ford interieure. Pourquoi il voudrait naitre ce petit? Et pourquoi celui d'avant il avait pas voulu? Et est-ce que c'est vrai ce qu'elle dit Madonna que les enfants choisissent leurs parents et pas l'inverse? Non passque, si c'est vrai, Petitou il est doucement allume quand meme. Pas grave, son Papanou et moi on est heureux comme des imbeciles qu'il arrive...
Tout ca pour dire, j'adooooore c'que vous faites!