24.10.17

1150 - #moipas

J'ai vécu avec une femme qui avait été violée. C'était sa première expérience, elle me l'avait racontée - je crois que j'étais le premier à qui elle l'avouait.

J'étais furieux. Je voulais aller casser des vitres chez le garçon, chez l'homme, qui lui avait fait ça - oh, oui, parce qu'elle le connaissait, parce qu'elle était amoureuse de lui, parce qu'elle aurait peut-être voulu que sa première fois soit avec lui, mais elle avait dit non, pas ce soir, pas comme ça, et il n'avait pas écoutée, il l'avait fait taire. Qu'est-ce que je l'ai haï, ce garçon.

Une autre fois, dans la rue, un homme l'avait touchée. "Je lui ai mis mon genou dans les couilles", m'a-t-elle dit quand j'ai proposé de retourner sur place, d'appeler la police. Je m'en voulais de ne pas avoir été là pour la protéger. Elle disait que ce n'était rien - n'empêche, elle avait cessé de sortir seule.

Des années après, je me demande si elle se joindra aux centaines de milliers de voix qui hurlent leur colère, leur tristesse et leur peur. Je n'en suis pas certain - sa voix était précieuse, elle craignait je crois d'attirer l'attention sur elle. Et tout le monde le remarquait - elle brillait comme une lampe noire.

Et moi je me demande combien de fois, avec elle et avec d'autres, j'ai été trop lourd, insistant, trop "Ah mais si je te jure j'ai envie je ne comprends pas que toi non, t'es sûre  ?". Je crois avoir toujours entendu "Non" comme une limite infranchissable, mais ça ne m'a pas empêché d'argumenter. Et à y bien réfléchir, il y a sans doute eu des soirs où je n'étais pas tout à fait en état d'entendre.

Je demande pardon. Je crains que ça ne suffise pas, mais je ne vois pas d'autre premier pas.

Je ne suis que très rarement l'objet de violence ; peut-être mon côté ex-rugbyman débonnaire,  ou mon côté couard qui ne s'aventure jamais très loin, mais je suis rarement confronté à une menace physique. Les dernières fois que ça m'est arrivé, j'en ai souri - même si après, j'en ai tremblé de colère et de frustration.

J'ai vécu avec une femme dont le premier rapport avait été forcé par un homme qui portait mon prénom ; je me suis toujours demandé à quel point cet homme-là s'imposait chaque jour dans notre vie, dans notre lit. J'étais toujours sur mes gardes, je la trouvais timorée, je ne voulais pas la brusquer mais son calme, son silence, son effacement me rongeaient. Je voulais la protéger et elle ne voulait pas que je la protège ; je voulais l'aider et elle voulait s'aider elle-même. Ou pas, je n'ai jamais su.

Je ne me souviens plus pourquoi nous nous sommes séparés, mais je me rappelle cette sensation près d'elle, ce point incandescent dans sa colonne vertébrale, cet endroit qu'il ne fallait pas toucher. Comment aimer quelqu'un qui refuse qu'on le touche ? Comment aimer quelqu'un qui cherche à s'effacer ? Comment aimer quelqu'un à qui quelqu'un d'autre a volé en partie la possibilité de s'aimer ?

Je me demande si elle a écrit son hashtag, elle aussi ; je n'irai pas vérifier. J'ignore si j'aurais dû être plus fort, meilleur, si j'aurais pu l'aider à guérir dépasser surmonter vaincre ou oublier. On n'a jamais la force qu'on voudrait pour ceux qu'on aime.

Et j'écoute depuis les débats en ne sachant qu'une chose - c'est qu'à cette violence-là je ne sais pas faire face.

Je me méfie des modes et des réseaux sociaux ; mais quand ils reflètent un mouvement de fond, un changement brutal dans l'angle mort de nos pensées, ils ont sans doute leur utilité.



15.9.17

1149 - Seize nuances

On marchait à Paris avec Séverine. J'adore marcher avec Séverine, elle sait où elle va.
On marchait tranquille en s'envoyant des histoires, des projets, des trucs qu'on pourrait faire.

- J'avais un projet X, qu'elle a dit. X nouvelles, c'était le titre.
- C'était quoi ? j'ai demandé*.
- Ben, dix nouvelles X.
- Du cul ?
- Du cul. Avec des auteurs jeunesse.
- Cool idée. Et ça a marché ?
- Ben non, banane**, sinon tu l'aurais lu.
- Ah oué.

On a continué à marcher. Il y avait la Seine et des maisons genre hautes, tu vois, avec des pierres et des gens autour qui les regardent. Moi, je découvrais - à Paris, je découvre toujours. Comme si c'était la première fois

- Ce serait plus marrant si c'était la première fois, ai-je fait remarquer***.
- La première fois quoi ? a demandé Séverine, qui regardait ailleurs (elle était déjà passé à autre chose, ça va vite dans sa tête).
- Bin****, la première fois qu'on.Genre, quinze nuances de première fois.

Elle a fini par comprendre. Alors on a appelé les copains, Dis, on a eu une idée, et puis Eyrolles, un éditeur avec qui je travaille depuis un bout de temps et qui cherchait justement des trucs un peu hors-normes.

Et puis on a bossé. Au téléphone, par mail. Et la morale de la nouvelle par-ci, et le passage trop explicite par là, et la couv' qui, et les représ dont, les coups de fil les coups de chaud les coups de gueule. Au dernier moment, qu'on se trouvait encore un peu, on est tombés sur un.e auteur.e débutant.e dont le texte nous a impressionnés. Alors on l'a pris.e avec nous, parce que hein, bon.

Et donc, dans l'ordre alphabétique comme il vient,

Gilles Abier,
Sandrine Beau
Clémentine Beauvais
Benoît Broyart
Moi-même Causse
Axl Cendres
Cécile Chartre
Rachel Corenblit
Antoine Dole
Chrysostome Gourio
Driss Lange
Taï-Marc Le Thanh
Hélène Rice
Emmanuelle Urien
Arnaud Tiercelin
Séverine Vidal

Et donc...
Dans ta librairie le 21 septembre. Fonce.





* Je déteste écrire "j'ai demandé" après un ?, mais ça fait jeune, faut croire.
** J'aime bien quand Séverine m'appelle Banane.
*** C'est quand même vachement plus classe "ai-je fait remarquer".
**** Je dis "Bin" et Séverine "Ben", exactement. C'est la subtile nuance de l'accent, tu vois ?


Et je mets un lien pour l'achetage dès que.

31.8.17

1148 - Manger liquide

Bon, ça va mieux - à part le mal de tête, ça devient lassant ces apéros qui dégénèrent - même en très bonne compagnie.

Pourquoi je te parle de ça ? Il y aurait plein d'autres trucs à dire, sur les projets, les admirations, les débuts, les reprises. Nan, je te parle de gnôle. Un peu contre mon gré - je suis là pour faire un post sur les escaliers et les premiers chapitres. Tiens, d'ailleurs,

Les escaliers sont en carton, comme quoi la chanson raconte n'importe quoi



Hein, voilà, n'en parlons plus.

J'allais te dire que j'ai perdu dix kilos à la mort de mon père et que je suis en train de les reprendre, en particulier parce que j'ai quelques difficultés avec ma consommation d'alcool. Mais on s'en fout, non ? On n'est pas là pour.

L'écrivain va bien, il est content. Il a trouvé son angle, une voix, le premier chapitre est en cours de tapuscritation, les personnages se développent et la recherche est passionnante.

Mais moi... non, pas "mais". Moi, à côté, j'ai un tout petit souci avec moi-même. Quelque chose qui tient de l'addiction, de la dépression, ou peut-être d'une émotion méconnue, la péribilité - le sentiment que cesser de s'enivrer d'actions, de travail, d'alcool ou de paroles comporte le risque de choir dans une dépression profonde et morbide. Bref, ça tient de la peur d'avoir mal.

Zut, jui désolé, mais apparemment ce post a des visées thérapeutiques. Je crois qu'il vaudrait mieux que tu n'aies pas commencé pas à le lire. Je ne sais jamais si tu es 23 ou 1054 à passer par là, ou si tu n'es qu'un clic de robot, j'ignore si tu me connais dans la vraie vie ou si tu as juste lu un truc qui t'a fait penser que ; mais, vois-tu, ce blog fonctionne parfois comme le carnet de révision d'une voiture qui carbure comme elle peut. Donc, arrête-toi là, le reste ne concerne que moi.

Je pensais sincèrement en avoir fini avec mes côtés exhibitionnistes, et voilà que. Après tout, chacun poste sur facebook des photos de son chat, de ses gosses, de ses vacances. Moi, je te passe une rapide description de cette lézarde que j'observe en moi-même, en particulier les matins de soirées difficiles. J'espère que tu me le pardonneras.

Mon corps n'est pas à moi, pas tout à fait. Je le regarde depuis quelques décennies sans vraiment le comprendre. J'aime bien mes mains, que je vois souvent - parce qu'une femme les trouve belles. J'ai découvert mon crâne tardivement, alors que ma mère l'avait toujours pronostiqué difforme ; c'est aussi par le regard des autres que j'ai perçu mes jambes - trop grosses quand j'étais petit, musclées quand je faisais du vélo et du rugby, belles un été au parfum d'adultère. T'ai-je dit que longtemps j'avais refusé de porter des shorts pour ne pas qu'on les voie ?

Je ne vais pas continuer à me foutre à poil (c'est sur un site payant réservé aux adultes), mais je n'ai jamais été ravi de mon ventre, sauf dans les moments où je fumais du cannabis - dont c'était un de mes effets préférés, d'ailleurs, ça me le rendait supportable.

Et écrire, peut-être, c'est regarder ce qu'on a dans le bide. Ma p'tite soeur préférée me l'a dit un jour, Putain Manu je sais pas comment tu fais pour foutre à chaque fois tes tripes sur la table. J'ai décidé de prendre ça pour un compliment (toutefois, j'évite depuis de me répandre de façon trop sanguinolente). Mon éducation post-freudienne m'incite à chercher à tout ça une cause fondamentale, un traumatisme, un abus refoulé ; mais j'ai fini par penser que c'est juste un fonctionnement aux influences multiples.

(Vraiment, j'insiste, je voulais juste écrire "Finalement, ce premier chapitre avance bien" et donner des conseils super utiles pour fabriquer des romans).

J'ai lu ce matin des textes sur la violence dans l'éducation d'Alice Miller et de son fils Martin. Curieusement, dans une interview en anglais, ce dernier semble continuer, sept ans après sa mort, à creuser l'immense traumatisme qu'il a subi de la part de cette mère qui écrivait pour libérer les enfants et espionnait son fils via le thérapeute de celui-ci. On en vient à douter de ce qu'il raconte - que sa mère a épousé l'homme qui la faisait chanter sur ses origines juives en Pologne, le père de Martin, donc.

C'est peu crédible, comme si j'écrivais "Mon père m'a donné des fessées qui m'ont poussé à le haïr parfois et m'ont en partie dégoûté de mon corps, et pourtant je l'ai aimé très fort et j'écris encore un livre qui parle de notre relation ou en tout cas s'en inspire". Tu vois, ce serait moche - et au moment où j'écrirais ces mots j'aurais les larmes aux yeux, des larmes d'alcoolique qui s'apitoie sur son sort et enjolive ses minables traumatismes d'enfant trop gâté.

Sinon, toi, ça va ?
Je ne me souviens plus de l'endroit où j'ai pris cette image


C'était le deuxième conseil pour l'écrivage d'un livre (et j'ose espérer une gestion plus saine des addictions) : creuse un peu pour voir si les fondations sont saines. Ce sera mieux pour continuer.



Et toutes mes plus plates, ce post est parti pendant que je nettoyais ma tête.



En arrière-pensée, je me dis qu'il serait juste d'avouer aussi qu'il m'est arrivé de frapper mes fils et de me mettre contre eux dans des colères qui n'avaient rien de justifié. Si un jour ils lisent ces lignes, j'espère qu'ils pourront me le pardonner. Moi, je me trouve des excuses, mais ce n'est pas suffisant.

Insère ici une blague pour détendre l'atmosphère.











26.8.17

1147 - Writer, go home

Toute façon je crains en 3D
Alors cette fois ça y est, tu t'es dit "Je vais vivre de ma plume". Ou "Je ne fais plus qu'écrire". Ou "j'arrête les traductions un moment". Bref, je me consacre à l'écriture pendant un certain temps.

Oh le merdier.

Leçon n°1 : on écrit mal avec la gueule de bois. Enfin, je dis on je dis tu je dis moi ; trop de blanc de rouge et de cidre hier soir, et ce matin j'ai du caca dans les doigts et du mou dans la tête. Chouette. Belle façon de commencer son ouikend d'écrivain.

Hier pourtant j'étais facile. Six pages comme ça, hop, à l'inspir, et en cadeau une chouette scène avec des Playmobils. Je me suis dit "Allez, zou, vendredi 25 août 2017, le jour où je deviens écrivain professionnel, attends de voir le".

Nan, je suis décousu, je sens bien.


Ce matin je m'approche du clavier négligemment, genre pour pas lui faire peur, juste retoucher deux trucs du chapitre d'hier et

Ah bordel.

Copier-coller, couper, éliminer. Chambarder. Merder
J'ai mal aux cheveux. Je les coupe.En quatre, même.

Chiotte, elle est pas si terrible, cette scène de Playmobils. Et je suis même pas foutu de résumer pour moi-même le contenu du premier chapitre. Et je sais pas si je dois rester assis au clavier ou aller marcher un carnet à la main. Et en plus j'ai chaud et j'ai mal au ventre et d'abord je dois planter du lierre et des trucs ombrageux.

Sa mère la loutre.

Chapitre 1

Début des années 1980. Alexandre, cinq ans, vit dans l'Aveyron, à Saint Geniez d'Olt, entre son père Paul, animateur sportif, et sa mère Mado, documentaliste en disponibilité.

Souvent absent, Paul est un homme timide, effacé. Il n'exprime son affection à son fils qu'en tentant de lui faire partager ses activités comme le ski de fond ou la photo. Il ignore, ou choisit d'ignorer, que sa femme Mado témoigne

Merdemerdemerde c'est en train de

que sa femme Mado brutalise fréquemment Alexandre, physiquement et psychologiquement. L'enfant, doux et rêveur, se sent responsable de la violence de sa mère

Opitainpitainpitain j'ai envie de mettre un truc que j'avais pas prévu, là, non, attend, on verra plus tard*

En 1984, Paul décède dans un accident de la route tandis qu'il se rend 

Mais merde je vais pas faire une phrase correcte ou quoi ?

qu'il se rend à une course de ski de fond en Suède. Alexandre,

Quoi, Alexandre ? Chiédeputemoite je peux pas redire "se sent responsable de la", ça fait répétition et

Alexandre, qui a fait une scène au départ de son père, croit qu'il a provoqué cette mort.

Comme style c'est bien pourri.


Voilà voilà. T'as plus qu'à trouver un point de vue, un ton, des scènes intéressantes, et caser une journée au ski sur l'Aubrac, une visite à la Maison du livre et dans une agence de voyage de Rodez, un gosse qui dégueule sa purée de pois cassés, des Playmobils pêcheurs, un kraken, les étagères, les grands-parents et...

J'y arriverai pas. C'est pas humain ces conneries. J'avais soixante pages dans une première version, j'en ai cinquante dans une autre, puis dix dans mais meeeeeeeeeerde c'est pas un peu fini cette prolifération ? Il est où, mon lien ?

C'est pas Stockholm, là ?
Chapitre 1


Début des années 1980. Alexandre, cinq ans, vit dans l'Aveyron, à Saint Geniez d'Olt, entre sa mère Mado, documentaliste en disponibilité, et son père Paul, animateur sportif. Souvent absent, celui-ci n'exprime son affection à son fils qu'en lui faisant partager ses activités comme le ski de fond ou la photo. Il ignore ou choisit d'ignorer que Mado brutalise leur fils physiquement et psychologiquement. 

En 1984, Paul décède dans un accident de la route tandis qu'il se rend à une course de ski de fond en Suède. Alexandre,qui a fait une scène au départ de son père, est certain d'avoir provoqué cette mort.

Bordel. C'est pas un chapitre. C'est une partie. Mais alors, qu'est-ce que je fais des photos de Suède ?




Ça commence bien, tiens...



* Ah merde, j'ai perdu le truc que je voulais mettre en plus. J'aurais dû le.







23.6.17

1146 - When you were god

When you were god
You shone in the blue summer light
When you were god
You were master of the water and the air and the sun
You were my dolphin father
You were my warm copper skin

Your wrath was
- oh, there were no words for that it sounded like a whip cutting right through my flesh

And your smile was
- I forgot. Too rare

(once in the night you walked home gently drunk and I was on your heels
oh that magic night were you laughed so soft and merrily)

Sometimes from your godly mouth felt

A Compliment !

No spartan guard, no soldier, no knight
Ever had such a perfect shield
No space rocket such a fuel


And now amidst a distant world
Where I don't seek you anymore (but in thoughts and sad smiles)

Sometimes I wonder
If I have been, if ever there was,
as good a god as you.






20.6.17

1145 - En vertu du chèvrefeuille

- Tu penses à quoi ? lui demanda-t-il.

Elle était silencieuse, la tête sur ses genoux.

- A rien, répondit-elle. Je regarde le chèvrefeuille.

Un peu impressionné, il tenta de faire de même. Le chèvrefeuille, il l'aimait bien ; il l'avait planté lui-même, il lui avait fabriqué un portique pour qu'il monte le long du mur. Et il faut avouer qu'il sentait bon, le soir, dans la brise.
Seulement voilà : regarder un chèvrefeuille, ça n'est pas aussi simple.
Il commença par penser qu'il faudrait qu'il le taille. Qu'il lui mette un nouveau tuteur. Qu'il fasse quelque chose pour libérer le passage, pour aérer le tout, pour harmoniser.
Puis son regard descendit vers les racines, et il se rendit compte qu'il venait de penser Et s'il tombait malade ? Déjà, il traquait les feuilles plus jaunes.
Alors, il s'aperçut qu'au fond de lui-même, il se demandait toujours quoi faire, comment soigner. Et qu'il craignait plus que tout ces maladies rampantes qui vous tombent dessus sans crier gare et vous niquent d'un seul coup un si joli bonheur au parfum de chèvrefeuille.
Ensuite, il se dit que décidément, il était incapable de regarder simplement un chèvrefeuille.

- Il a beaucoup de fleurs et beaucoup de feuilles, murmura-t-elle contre sa cuisse.

Il fit de son mieux pour ne pas se comparer à elle - silencieuse, peut-être, mais tranquille (ou en tout cas c'était ce qu'elle disait, mais pouvait-il vraiment la croire ?), et concentrée sur le chèvrefeuille, tel qu'en lui-même, pas déformé sous le poids des pensées - pensées qui par leur croissance anarchique ressemblaient au chèvrefeuille. Encore que, côté couleur des fleurs, voire odeur, ça n'avait rien à voir, la métaphore était nulle, et ça lui faisait justement penser au Bac français du deuxième qui révisait en ce moment ses figures de style et...

- Je vais me coucher, annonça-t-elle.

Il se demanda si rater sa vie, ce n'était juste rater des moments comme celui-là - l'essence du chèvrefeuille.

19.6.17

1144 - En aucun cas une prière

J'aurais dû faire les vitres
Ce matin-là d'un cerveau brumeux
Si je n'avais pas eu mieux à faire
Je me serais adressé

Au dieu des fleurs et du jardin
Au dieu des moineaux, des insectes.
J'aurais prié le dieu du vent poussif, de l'écho des voitures, 
le dieu des fatigués, le dieu des infidèles,
le dieu de ceux qui sourient perdus au milieu de leur puzzle

pour qu'il m'explique.
 
Je cherchais simplement 


(ou : j'aurais cherché, s'il n'y avait eu l'existence à assurer au jour le jour)

La source
dans le désert
Le granit
sous le calcaire
Le signe sous les signes.

Une tarente de Maurétanie descendit le long du mur de chaux 
cachée par
les bambous
pattes rondes

et un instant je la considérai comme
un message
relativement indéchiffrable
ou
une leçon sur le réchauffement climatique
ou
le hasard d'un voyageur ramenant dans ses valises une sous-espèce de gecko facilement adaptable à
nos latitudes
comme une bénédiction muette

le temps que j'y réfléchisse,
elle était partie.

Je me remis à mon travail presque sans maudire
ma religieuse indécision.
 

14.6.17

1143 - Imaginons qu'il s'inquiète

Et ce jour-là, pour une fois, ce ne serait pas pour lui, pour son petit nombril, ni même pour ses rejetons chéris qu'il s'inquièterait ; même pas, pardonnons-lui, pour le sort du pays, de la planète, de l'univers et de la quête cosmique du sens. Non, ce jour-là, il serait inquiet pour Elle.

Il aurait appris, au fil des jours, que souvent c'était ses propres sentiments qu'il peignait sur le visage de sa compagne ; il aurait compris comment formuler ces émotions, comment dire "je me sens triste", ou "inquiet", ou "en colère", "parce que dans cette situation j'attendrais ceci, et que c'est cela qui arrive ; parce qu'à ta place, je ferais ça, et que le fait que tu fasses autre chose me trouble".

Il serait assez content de lui.
Ce couillon.

Mais il se souviendrait aussi d'une autre femme - celle d'avant, celle qui un jour sous l'arbre où ils se séparaient lui avait lancé cette accusation,

tu m'as laissé vivre deux ans dans la dépression sans t'en rendre compte

(Et c'est vrai qu'il n'avait rien vu. Tout au plus avait-il pensé, pour se trouver des excuses, que ces moments de sa vie où il rêvait de mort et de falaises, de rochers qui se perdaient stériles dans l'infini du cosmos - ces jours où il arrêtait la voiture sur le bord de la route pour essayer de comprendre s'il devait pleurer, hurler ou mourir mais sans que ça fasse trop mal s'il vous plaît -  c'était sa façon à lui de reprendre à son compte les angoisses dissimulées de celle qu'il aimait tant bien que mal.)

Ce jour-là, donc, il serait inquiet pour Elle. Il mettrait des mots sur ses silences, il ferait dans sa tête la comptabilité du malheur : c'est comme la fois où, ça montre bien que, c'est toujours la même chose.

Et retors comme il l'était, il se chercherait peut-être quelques portes de sortie - il aurait tant besoin de réconfort, n'est-ce pas, et quel meilleur réconfort que des bras amis, qu'une main qui se pose sur la poitrine, qu'un battement de cœur et de cils peau contre peau ?

Quelques semaines plus tôt, il aurait coché une date sur son calendrier. Arbitrairement. Ce jour-là, il faudra que la situation ait changé. D'ici là, je laisse faire. Ensuite, je verrai.

Le jour serait arrivé. Il n'aurait rien vu. Rien de spécial. Il aurait toujours autant de mal à interpréter ses silences, et toujours autant de facilité à y lire ce dont il était convaincu. Il serait sorti, serait rentré tard. Et, oui, quelques yeux, quelques corps, l'auraient troublé au passage.

Et puis le lendemain, elle aurait préparé des pâtes fraîches à la tomate et au basilic du jardin. Alors, il commencerait, hésitant - tu sais, je m'inquiète, je voudrais que...

Et là, elle lui aurait répondu, Tout va bien grand couillon, arrête de te nouer les tripes aux neurones, il fait trop chaud pour s'agiter. Oh, et pour ta gouverne, je suis heureuse - même avec toi, de temps en temps.

Il se dirait alors qu'au moins, les grandes inquiétudes font de belles chansons.





2.5.17

1142. Un si joli pays

Nous avons passé le ouikend à la montagne, dans le terrain de chasse de mes ancêtres. C'était bien - j'ai partagé avec ma mère les angoisses qui nous tordent le ventre en cet entre-deux tours.

Anton et Zadig ont bien grandi. Urbex oblige, ils ont voulu aller visiter l'immense centre de vacances aujourd'hui désaffecté qui surmonte le promontoire au-dessus du village.

C'est drôle que tout soit tombé en ruine. Il reste les murs, les toits en pente, les triangles des fenêtres ; à l'intérieur, tout est dévasté. Juste parce qu'un jour, plus personne n'a eu envie de faire vivre ce lieu - un peu vaste, un peu ambitieux, un peu incertain. Désormais, il attend de savoir s'il durera plus longtemps que le granit. C'est peu probable.

Anton a voté, l'autre dimanche. J'ai même voté comme lui - pour l'espoir, pour l'entrain, pour l'enthousiasme, le changement. Même si je sais que celui-ci est permanent et se fait souvent dans la douleur.
Et Anton hésitait à voter, le prochain dimanche.

On s'est assis à côté de lui. On a écouté son désespoir adolescent, son dégoût d'un ancien monde, son refus de se laisser faire, son envie d'agir. Pour plus de liberté, de tolérance, d'écoute, de respect ; pour plus de justice, d'égalité. De fraternité, bien sûr, même s'il a un peu tendance à se disputer toutes les cinq minutes avec son frère.

Et nous les désormais vieux on lui a parlé des infirmières, des enseignants, des banlieues, de l'Europe dont on rêvait ; de l'espoir de grandir tous ensemble, d'aborder ce monde qui vient et qui nous semble complexe. On lui parlé du faux futur qu'est le retour en arrière. On lui a parlé, aussi, du sens du vote - qui est choisir,  pas décider ; répondre à la question nous qu'on pose, comme un adulte (oui, comme un vieux) qui préfère le moins pire. De la haine et de la colère qui constituent des réactions, pas des réponses.Et aussi de cette certitude - plus l'ennemi est fort, déterminé, vindicatif, plus il est difficile de le combattre sans y laisser une trop grande partie de sa vie.

Entre les murs abandonnés du village de vacances, on a regardé la piscine, vide aujourd'hui, qui donnait sur la vallée. Je me rappelais encore m'y être baigné, avoir fait la fête au bar jonché désormais de détritus de verre et d'extincteurs vidés.

Je me suis demandé un instant si un jour je regarderais ce week-end avec les mêmes yeux, en me disant c'était un si joli pays. Si on peut se lasser de la démocratie, la laisser aux autres, l'abandonner à son sort - pour que quinze ans plus tard des urbexplorateurs de la chose politique viennent constater avec un frisson étrange qu'il ne reste désormais plus qu'un espace vide là où il y avait la vie.

C'était un si joli pays, Zadig. Oh, pas parfait, pas idéal, avec ses antagonismes, ses disputes, ses oppositions. C'était un pays qui fonctionnait tant bien que mal, bon an mal an, avec presque assez d'espace pour tout le monde et un tout petit peu d'espoir pour la suite ; avec des idéaux, avec des beaux moments, avec des choses qui marchaient. Et puis peu à peu, on s'est mis à penser que ç'aurait dû être énormément mieux, qu'il nous fallait tout, tout de suite ; que ce vieux monde-là ne nous donnait pas assez. Alors, on est partis, sans répondre à ses demandes.

Au repas, après l'avoir écouté, dit à Zadig, Je ne suis pas d'accord, mon grand. Voter, c'est important - c'est même ce qui détermine ton appartenance à cet ensemble de destins bousculés qu'on appelle un pays. Voter, c'est décider si on veut encore faire quelque chose du cadre, ou si on le laisse aux autres - ou à la destruction, c'est selon.

Un jour, mon grand, tu feras peut-être de la politique. Pas dans la rue, où le combat est trop inégal ; pas sur le Net, où les blocs de parole et les invectives tiennent lieu de débat. Un jour, tu auras les rênes du monde entre tes mains - après tout, elles sont là, disponibles, pour peu qu'on ait le courage et l'abnégation de s'en emparer. Un jour tu avanceras vers le pays dont tu rêves ; mais je ne crois pas que ce soit possible si tu laisses péricliter celui dont tu viens, celui qui existe.

Et puis on est passés à autre chose - on souriait, avec ma mère, de ces instants de bonheur, et bien sûr on pleurait un peu en pensant que sans notre absent, c'était un peu triste, cet anniversaire. On avait peur pour la suite, en petits vieux qui savent que la joie est précaire, et qui prient pour que les gentils gagnent vraiment à la fin.

L'après-midi, Anton et Zadig sont retournés explorer les ruines. Je ne sais pas ce qu'ils y ont trouvé.
Le soir, Anton m'a dit qu'il irait voter. Peut-être pas pour, mais contre, certainement - parce que, m'a-t-il dit, la question l'intéresse et elle s'adresse à lui.

Répondre sans répondre est peut-être la posture du sage, mais on n'est pas sérieux quand on a dix-huit ans. Et toute une vie à construire en démocratie.

17.3.17

1141 - L'amour, la mort, la merde

1. L'essentiel du message pour les gens pressés (descends jusqu'au 2 si ce n'est pas ton cas)

Robinson a failli s'appeler D'amour et de merde - et pas mal d'autres titres accrocheurs. Il raconte le quotidien entre un père non-autiste et son fils oui-autiste. La communication sans parole, les agacements à répétition, les jouets jetés en haut de l'armoire, les langes qui se remplissent ou qu'on arrache quand Papa n'est pas là, parce que c'est quand même rigolo de jouer avec son caca. Ou parce que c'est la seule façon de communiquer avec lui.


Il faudrait des mots à part pour t'évoquer la douceur, la délicatesse, la bienveillance, l'amour plein de finesse et d'élégance de ce père-là pour ce fils-là ; il faudrait souligner les passages qui mettent les larmes aux yeux, ceux qui font sourire, ceux qui font résonner dans ta poitrine le coeur de l'humanité.  Sauf qu'alors, il ne resterait pas grand-chose sans soulignage dans le bouquin.

Laurent Demoulin, père, homme, belge, poète, universitaire, cite Roland Barthes avec l'humilité des grands érudits ; mais plus encore, il le convoque - dans le récit des promenades dans Liège, dans l'analyse minutieuse et douce de la façon dont Robinson change son regard, sa présence au réel, on retrouve des échos de la voix du sémiologue. Et du haut de douceur, il détaille pour nous l'ordre du monde gentiment chamboulé (ou violemment mis à bas) par cet enfant radicalement autre. Au-delà du journal d'un corps, du quotidien cru, il nous montre l'affection immense qui relie les êtres, même les plus lointains.

Alors merci, Laurent, merci infiniment.
Bon, et maintenant, il va falloir que j'achète ton livre. Pour l'offrir à ceux que j'aime et le prêter à mes amis.

Finalement, tu es un super commercial.



2.  Introduction à lire avant si tu as le temps

Il était là, dans son costume en velours grenat, surveillant un peu nerveux les acheteurs potentiels de son livre, s'essayant au rôle difficile de commercial assis. J'étais à côté de lui, derrière nos romans respectifs, à manger des chiques et à boire du café dans un gobelet en carton.

C'était sans doute une de ses premières signatures ; il hélait les passants de la Foire, se demandait comment faire pour qu'ils s'arrêtent. Je me sentais vieux de la vieille, nonchalant, repérant du coin de l'oeil le lecteur en puissance, baissant la tête quand surgissait l'inévitable non-acheteur mu d'un besoin irrépréssible de nous parler de sa vie. N'empêche, le salon commençait, on était vendredi matin, et la plupart des visiteurs avaient moins de douze ans - pas le public idéal pour de la littérature générale et sans petits dessins. Alors, entre commerciaux, on s'est mis à bavarder.

- Il parle de quoi, ton livre ?
- C'est une sorte de journal où je parle de la vie avec mon fils. Il est autiste. Et le tien ?

Euh... bin, c'était La 2CV verte. Où il y a un père et un fils autiste.
//Bref, l'impression immédiate d'être un usurpateur//
J'allais louer le hasard ou la sagacité des maisons Gallimard et Denoël réunies quand une dame s'arrêta devant nous.

- J'ai lu votre livre, Monsieur. Il est magnifique. Je l'ai dévoré d'une seule traite. Il fait du bien au coeur. A l'humanité.

Et mon grand gaillard au costume grenat - à qui s'adressait le compliment -   de bafouiller une réponse presque adaptée.

- Je t'achèterai ton livre, m'a-t-il dit après le départ de la dame (et celui de l'autre monsieur venu lui tenir le même discours, et celui de l'autre dame encore).
- Moi pas.

Tu m'imagines surjouant l'impolitude pour masquer ma gêne - mais bon, je n'avais pas de sac et il faut avoir les mains libres pour marcher dans Bruxelles, non ?

Alors j'ai pris le titre - Robinson - et le nom du grand belge en costume - Laurent Demoulin - en lui promettant d'acheter son livre dès mon retour à Toulouse.

Je n'ai pas tenu parole ; j'ai attendu presque une semaine, et je l'ai emprunté à la médiathèque Jojo-Cannabis, où il trônait en tête de pas gondole (parce que c'était sur une table, pas une gondole, mais tu vois le truc).

Et le soir même, comme la dame, le monsieur et la dame avant moi, je l'ai lu d'une seule traite.


7.3.17

1140 - Marraine-la-fée

et la nouvelle te tombe sur le coin de la, comme ça, le matin - ce matin où tu t'es levé gris et pourtant prêt à te couler dans le moule de ta vie, sans conviction peut-être mais sans vraie colère, tu t'es dit ça passera, encore un jour sans, un jour un peu moyen, juste attendre que le bleu revienne après la pluie,

et puis non, facebook te l'annonce (et tu en as marre de cette machine à annonces, et pourtant tu es reconnaissant de le savoir, de l'avoir su)

elle est partie, Marie, que j'appelais Marraine.

Un jour, je ne me souviens plus comment, elle m'a dit qu'elle aimait mes textes ; un jour, elle m'a montré un peu du métier d'auteur jeunesse.

 A un jour et quelques années près, nous étions jumeaux. Elle m'a offert un disque de Reggiani, un livre de recettes. Ma page Wiki, aussi.

Je ne sais plus ce que je lui ai offert.

On a pris ensemble des tisanes particulières ; on a beaucoup parlé. On a eu des projets, on a déménagé ; j'ai croisé ses enfants, un ou deux de ses amoureux - nous avons ri de sa vie, de sa liberté. Elle était une aventurière. Elle gardait au chaud une part de mystère, une part de douleur, derrière son sourire toujours doux, presque timide.

Un jour, je m'en souviens très bien, elle m'a appelé pour que je l'emmène au salon de Montgiscard.
- On peut prendre une copine ? a-t-elle demandé. Elle s'appelle Emmanuelle Urien.

Nous sommes partis tous les trois dans ma petite Fiesta. Sous la statue de Riquet, j'ai croisé pour la première fois le regard d'Emmanuelle. Le reste en a découlé. C'est de ce jour que Marie-Marraine est devenue Marraine la fée.

Et puis ? Et puis on s'est revus, et puis on s'est perdus de vue. On s'écrivait, heureusement. On échangeait des mails, des nouvelles, des cartes de vœux. Son dernier message m'annonçait un nouveau déménagement - je crois que je n'y ai pas répondu, la période était sombre pour moi, autour de la mort de mon père.

Ce matin, je ne me demande pas à quoi ça sert d'écrire. Je pense à ses enfants, à ce qu'il reste de nous quand nos parents s'en vont ; je pense que ça ne sert à rien d'envoyer des fleurs, mais que je veux le faire comme pour être là une dernière fois, t'écrire un dernier message ; te tenir la main pour boire un thé de sauge, t'entendre raconter une histoire l’œil pétillant, murmurer un je t'aime, te prendre dans mes bras.

à toi, Marie.

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12.1.17

1139 - En musique, bis

Ceci est un addendum au post précédent : pour mieux voir, écouter, admirer les groupes dont je te parle ci-précédemment, tu vas pouvoir aller

- demain vendredi 13 au Taquin, à Toulouse (ex-Mandala, rue des Amidonniers), écouter 2h30 de concert de Mee&Mee - en plus, c'est pour financer leur nouvel album, c'est te dire si ça va être bien ;

- faire un tour sur la chaîne Yt de Pas plus haut pour voirécouter la performance de ReNaiqa (20', 40' et fin)

- écouter sur Bandcamp la nouvelle démo de Sundew, mais aussi te balader sur leur Yt à eux qui garde la trace de quand ils s'appelaient Eye Station Zebra.

Non, non, ne me remercie pas - mais va les soutenir, les poucevertiser, les ululer, leur dire que tu les aimes et que c'est magnifique ce qu'ils font.

J'attends des niouzes de Lisieux (croix, il faut ajouter une croix après leur nom) des fois qu'ils auraient de.



11.1.17

1138 - En musique

Enregistrant hier une nouvelle émission de Pas Plus Haut que le Bord dans la cave rock'n'roll d'un restaubar grec délicieusement louche, je me faisais la réflexion que, décidément, grâce à notre programmatrice musicale Christelle, on voyait passer par chez nous des groupes de plus en plus étonnants, novateurs et passionnants. Et que, côté folk/rock, la scène toulousaine me paraît d'une vitalité prometteuse en ce moment. Du coup, tiens, pour tes étrennes, je t'en fais profiter, des fois que tu aimes ça autant que moi.
 
Voilà déjà un certain temps qu'on a eu le plaisir de recevoir, dans un genre plus noisy, Marie Sigal et Sound Sweet Sound (je crois qu'on n'a jamais invité les doux rêveurs d'Uniform motion, que j'adore pourtant). La relève semble assurée avec trois jeunes groupes reçus récemment.

Lisieux, d'abord, bricoleurs géniaux d'une pop planante et éthérée, qui rappelle Dead Can Dance ou des trucs que tu connais mieux que moi parce que tu n'es pas un vieux ; leur énergie sur la scène improvisée de l'Autruche nous avait laissé un souvenir brûlant. J'ai adoré leur son entièrement bricolé via un ordinateur, et leur façon d'utiliser la voix comme un instrument à part entière. On espère les retrouver bientôt - ils avaient promis un album, non ?

C'est chez les voisins de la Mécanique des fluides qu'on a découvert un peu avant Noël  Re Naiqa, avec une chanteuse dont les inventions mélodiques rappellent Kate Bush et des compositions d'une originalité radicale. Sans parler du fait qu'ils écrivent certains morceaux dans une langue inventée... Il me tarde de les entendre en concert - comme pour beaucoup de ces "petits" groupes, les Bandcamps et autres sites ne servent qu'à te donner une idée, il faut les voir sur scène pour partager la rage joyeuse qu'ils transmettent et, surtout, saisir un instantané de leur créativité bouillonnante.

Hier soir, c'était au tour de Mee and Mee, qui nous a transportés. Après deux albums en solo (disponibles sur Bandcamp, et qui valent le détour), Fanny, la chanteuse prodige, a adopté une covocaliste d'une impressionnante maturité et un bassiste à la nonchalance mélodique pleine d'élégance. Ne reculant devant aucune expérimentation, sauvage, enjoué, le trio nous a bluffés par sa maîtrise, ses compositions ciselées, son énergie et sa puissance. Là aussi : on veut vous revoir très vite !

Pour faire plaisir à ma copine S., j'ajouterai un dernier groupe qui n'a pas la chance d'être toulousain, mais dont je suis la progression depuis quelques mois parce que j'adore quand c'est doux dans les oreilles. Sauf que comme Eye Station Zebra est je crois en cours de changement de nom, je t'en reparlerai une prochaine fois.

En attendant, inspiré par les voeux prononcés hier par l'infâme Amédée Scatoufailh, je me permets de conclure par un tout petit



Et meilleurs voeux, hein.





3.1.17

1137 - Untimely ou presque

Aujourd'hui, 3 janvier, j'ai 45 ans

Je viens de traduire dix feuillets d'un roman policier prometteur,

hier soir j'ai répété basse choré spectacle,

un mouvement commun joyeux et anarchique,

ce soir nous jouons au Bijou ;

la musique s'est mise en place,

je vis entre bois, chaux et verdure dans une belle ville

un roman pousse doucement dans les soirées paisibles. J'aime les miens, ils me donnent la force d'aimer plus loin que moi.


Bien sûr je ne suis pas en avance, bien sûr je n'ai pas encore eu le temps de te souhaiter comme il faudrait la bonne année
bien sûr mon coeur frissonne encore du départ des ombres chères
bien sûr il ne faut pas tenir un instant suspendu pour la paix ou le bonheur
bien sûr tout passe mais

un jour, longtemps avant ce jour-là, j'avais rêvé d'une vie nouvelle,
et ce 3 janvier, vers le milieu de ma vie j'espère,
j'étais -

bon, j'y étais, voilà. J'ai un peu grandi, encore. J'y suis.

Je t'embrasse