23.6.17

1146 - When you were god

When you were god
You shone in the blue summer light
When you were god
You were master of the water and the air and the sun
You were my dolphin father
You were my warm copper skin

Your wrath was
- oh, there were no words for that it sounded like a whip cutting right through my flesh

And your smile was
- I forgot. Too rare

(once in the night you walked home gently drunk and I was on your heels
oh that magic night were you laughed so soft and merrily)

Sometimes from your godly mouth felt

A Compliment !

No spartan guard, no soldier, no knight
Ever had such a perfect shield
No space rocket such a fuel


And now amidst a distant world
Where I don't seek you anymore (but in thoughts and sad smiles)

Sometimes I wonder
If I have been, if ever there was,
as good a god as you.






20.6.17

1145 - En vertu du chèvrefeuille

- Tu penses à quoi ? lui demanda-t-il.

Elle était silencieuse, la tête sur ses genoux.

- A rien, répondit-elle. Je regarde le chèvrefeuille.

Un peu impressionné, il tenta de faire de même. Le chèvrefeuille, il l'aimait bien ; il l'avait planté lui-même, il lui avait fabriqué un portique pour qu'il monte le long du mur. Et il faut avouer qu'il sentait bon, le soir, dans la brise.
Seulement voilà : regarder un chèvrefeuille, ça n'est pas aussi simple.
Il commença par penser qu'il faudrait qu'il le taille. Qu'il lui mette un nouveau tuteur. Qu'il fasse quelque chose pour libérer le passage, pour aérer le tout, pour harmoniser.
Puis son regard descendit vers les racines, et il se rendit compte qu'il venait de penser Et s'il tombait malade ? Déjà, il traquait les feuilles plus jaunes.
Alors, il s'aperçut qu'au fond de lui-même, il se demandait toujours quoi faire, comment soigner. Et qu'il craignait plus que tout ces maladies rampantes qui vous tombent dessus sans crier gare et vous niquent d'un seul coup un si joli bonheur au parfum de chèvrefeuille.
Ensuite, il se dit que décidément, il était incapable de regarder simplement un chèvrefeuille.

- Il a beaucoup de fleurs et beaucoup de feuilles, murmura-t-elle contre sa cuisse.

Il fit de son mieux pour ne pas se comparer à elle - silencieuse, peut-être, mais tranquille (ou en tout cas c'était ce qu'elle disait, mais pouvait-il vraiment la croire ?), et concentrée sur le chèvrefeuille, tel qu'en lui-même, pas déformé sous le poids des pensées - pensées qui par leur croissance anarchique ressemblaient au chèvrefeuille. Encore que, côté couleur des fleurs, voire odeur, ça n'avait rien à voir, la métaphore était nulle, et ça lui faisait justement penser au Bac français du deuxième qui révisait en ce moment ses figures de style et...

- Je vais me coucher, annonça-t-elle.

Il se demanda si rater sa vie, ce n'était juste rater des moments comme celui-là - l'essence du chèvrefeuille.

19.6.17

1144 - En aucun cas une prière

J'aurais dû faire les vitres
Ce matin-là d'un cerveau brumeux
Si je n'avais pas eu mieux à faire
Je me serais adressé

Au dieu des fleurs et du jardin
Au dieu des moineaux, des insectes.
J'aurais prié le dieu du vent poussif, de l'écho des voitures, 
le dieu des fatigués, le dieu des infidèles,
le dieu de ceux qui sourient perdus au milieu de leur puzzle

pour qu'il m'explique.
 
Je cherchais simplement 


(ou : j'aurais cherché, s'il n'y avait eu l'existence à assurer au jour le jour)

La source
dans le désert
Le granit
sous le calcaire
Le signe sous les signes.

Une tarente de Maurétanie descendit le long du mur de chaux 
cachée par
les bambous
pattes rondes

et un instant je la considérai comme
un message
relativement indéchiffrable
ou
une leçon sur le réchauffement climatique
ou
le hasard d'un voyageur ramenant dans ses valises une sous-espèce de gecko facilement adaptable à
nos latitudes
comme une bénédiction muette

le temps que j'y réfléchisse,
elle était partie.

Je me remis à mon travail presque sans maudire
ma religieuse indécision.
 

14.6.17

1143 - Imaginons qu'il s'inquiète

Et ce jour-là, pour une fois, ce ne serait pas pour lui, pour son petit nombril, ni même pour ses rejetons chéris qu'il s'inquièterait ; même pas, pardonnons-lui, pour le sort du pays, de la planète, de l'univers et de la quête cosmique du sens. Non, ce jour-là, il serait inquiet pour Elle.

Il aurait appris, au fil des jours, que souvent c'était ses propres sentiments qu'il peignait sur le visage de sa compagne ; il aurait compris comment formuler ces émotions, comment dire "je me sens triste", ou "inquiet", ou "en colère", "parce que dans cette situation j'attendrais ceci, et que c'est cela qui arrive ; parce qu'à ta place, je ferais ça, et que le fait que tu fasses autre chose me trouble".

Il serait assez content de lui.
Ce couillon.

Mais il se souviendrait aussi d'une autre femme - celle d'avant, celle qui un jour sous l'arbre où ils se séparaient lui avait lancé cette accusation,

tu m'as laissé vivre deux ans dans la dépression sans t'en rendre compte

(Et c'est vrai qu'il n'avait rien vu. Tout au plus avait-il pensé, pour se trouver des excuses, que ces moments de sa vie où il rêvait de mort et de falaises, de rochers qui se perdaient stériles dans l'infini du cosmos - ces jours où il arrêtait la voiture sur le bord de la route pour essayer de comprendre s'il devait pleurer, hurler ou mourir mais sans que ça fasse trop mal s'il vous plaît -  c'était sa façon à lui de reprendre à son compte les angoisses dissimulées de celle qu'il aimait tant bien que mal.)

Ce jour-là, donc, il serait inquiet pour Elle. Il mettrait des mots sur ses silences, il ferait dans sa tête la comptabilité du malheur : c'est comme la fois où, ça montre bien que, c'est toujours la même chose.

Et retors comme il l'était, il se chercherait peut-être quelques portes de sortie - il aurait tant besoin de réconfort, n'est-ce pas, et quel meilleur réconfort que des bras amis, qu'une main qui se pose sur la poitrine, qu'un battement de cœur et de cils peau contre peau ?

Quelques semaines plus tôt, il aurait coché une date sur son calendrier. Arbitrairement. Ce jour-là, il faudra que la situation ait changé. D'ici là, je laisse faire. Ensuite, je verrai.

Le jour serait arrivé. Il n'aurait rien vu. Rien de spécial. Il aurait toujours autant de mal à interpréter ses silences, et toujours autant de facilité à y lire ce dont il était convaincu. Il serait sorti, serait rentré tard. Et, oui, quelques yeux, quelques corps, l'auraient troublé au passage.

Et puis le lendemain, elle aurait préparé des pâtes fraîches à la tomate et au basilic du jardin. Alors, il commencerait, hésitant - tu sais, je m'inquiète, je voudrais que...

Et là, elle lui aurait répondu, Tout va bien grand couillon, arrête de te nouer les tripes aux neurones, il fait trop chaud pour s'agiter. Oh, et pour ta gouverne, je suis heureuse - même avec toi, de temps en temps.

Il se dirait alors qu'au moins, les grandes inquiétudes font de belles chansons.