30.6.09

705 - MArdi, je te raconte


Rahoul marcha longtemps sous la lune. Ses yeux restaient fixés sur la grande silhouette, là-bas, au fond de la forêt.

Le silence, à cette époque, était si profond qu'on aurait dit que rien d'autre n'existait. Ce n'était même pas du silence - pas l'absence de sons, pas le calme de la nuit - mais presque le contraire : le bruit assourdissant du vide de la forêt.

Bref, ça filait quand même un peu les jetons. Ou était-ce la fraîcheur de la nuit qui faisait trembler les jambes de Rahoul ? Mais sa décision était prise : il se rendrait jusqu'à l'Arbre, l'escaladerait, et découvrirait son secret.

Là-bas, au campement, Esag dormait comme une souche. Comme une souche qui aurait ronflé. Il faut dire qu'Esag-le-farouche dormait de la même façon qu'il vivait : farouchement. Quand il posait la tête sur son oreiller de rondins, quand il fermait les yeux, le monde pour lui cessait d'exister.

Cette nuit-là, pourtant, quelque chose vint le tirer de son sommeil extrême. Quelque chose, ou plutôt, son absence : l'absence de quelque chose, de quelqu'un...

-
Nom de groumpf, mon Rahoul ! " La pensée transperça son crâne épais, le réveillant tout à fait. A côté de lui, sur la branche, la place de son fils n'était plus occupée.

Et Esag, bien qu'il ne fût pas le plus intelligent des papas, comprit tout de suite que son fils était parti pour escalader l'arbre. Et il s'en voulut, évidemment - après tout, s'il ne lui avait pas raconté toutes ces histoires...

Esag sauta à terre et, sans hésiter, s'élança vers la forêt.

Kiki, la pleïstéchionne, le regarda partir d'un oeil inquiet ; au bout de quelques minutes, elle se mit à le suivre de son pas lent et chaloupé.

Cette nuit-là, elle et Esag inventèrent la poursuite haletante.

29.6.09

704 - Vidéopoèmes

Toulous'up, c'est le nom de l'appel à projets que lance la mairie de Toulouse. Il met l'accent sur "les nouvelles écritures" et le "mélange des genres".

J'y vois l'occasion de présenter mes multimédiaclips, déjà appelés ici "clipous" ou "poèmes vidéo". Je les rebaptise "Vidéopoèmes", et j'ai comme projet de réaliser (avec des moyens un peu plus sérieux que ce que j'ai fait jusqu'alors, et davantage de temps) une série de 4 à 12 petits métrages multimédias, sur le thème de... Toulouse, et de la poésie d'ici.

Histoire de montrer un peu mieux ce que j'ai en tête, voici trois exemples de réalisations.

D'abord, le petit dernier, Enfin seule (en cours de construction), que nous devrions envoyer aux libraires et bibliothécaires d'ici septembre pour leur présenter l'album éponyme, paru aux éditions Où sont les enfants, avec les photographies de Juliette Armagnac.

C'est ici :







Voici ensuite un "clip" plus standard, celui du slam/chanson Le parc Bonnefoy. Là encore, il y aurait pas mal d'images à refaire, sans parler de la piste son ni du titrage monstrueux ; mais l'idée est là...




Pour finir, un montage serré des premiers "vidéopoèmes" conçus en tant que tel, ceux qui ont accompagné la série de peintures intitulée Souvenirs de la fin du monde ou La bibliothèque Hic & A". Vous aviez pu voir en avant-première sur ce blog ces courtes séquences mélangeant peinture, improvisations poétiques et musique ; en voici une version un peu plus brève, avec quelques éléments nouveaux (sur la voix en particulier).





Voilà la vitrine. De toute évidence, j'adorerais continuer à réaliser ce genre d'objets, surtout avec des images en extérieur - ne serait-ce que pour faire passer sur ce blog (ou d'autres) un peu de l'essence du temps qu'il fait ici...

Bonne écoute d'images.

26.6.09

703 - Les inconvénients du direct


J'aurais voulu dire que je trouvais magnifique l'album Enfin seule, et que j'allais le baptiser demain à la librairie La Maison du livre à Rodez (ouééééééé !) ; mais l'actualité m'oblige à supprimer ces messages pour faire place à une annonce brûlante.

24.6.09

702 - Consulter les oracles


Faut dire que j'avais tout fait pour. En espérant, naturellement, que ça n'arriverait pas - mais tout de même.

Madame l'Educ Nat m'écrit que, dès septembre, je pourrai faire renaître le prof en moi dans un collège de Toulouse.

Gasp ! s'exclamerait à ma place un personnage de BD.
Moi, je ne sais pas quoi dire.

Dois-je renoncer à mes journées sans suite, à mes vagues contemplations, à ma liberté toujours de passer mes journées rivé à l'ordinateur, attendant une vague traduction, l'envie d'achever quelque chose ou ce fameux contrat de ouatchif millions de dollars que Steven Spielberg devrait m'envoyer d'un jour à l'autre ?

Combien de mes amis et proches mépriseront-ils, comme je le fais moi-même, cette prostitution volontaire, cet entravement de ma volonté, ce retour en arrière ?

Et tout ça pour quoi ? L'appât du gain, évidemment. Un salaire, surtout relativement conséquent, ça fait bien quatre ans que j'ai oublié ce que c'était. Sans parler de la possibilité grassement rémunérée de départ volontaire, dont M'sieur Nicolas notre chef avait parlé, et dont l'exécution dort encore dans les cartons des ministères.

Il serait sans doute plus simple que je me rende chez mon recteur à moi, et qu'avec un sourire je lui dépose ma démission. Pour tout dire, cette perspective fait battre mon coeur vivant. Et puis bon, l'argent, c'est sympathique, mais j'ai commencé à aimer cette incertitude, ces hauts et ces bas qui tranchent sur la monotonie des revenus réguliers. Bordel, si je commence à penser à ma retraite (à part pour me dire que je la voudrais maintenant), c'est que je suis déjà mort, un peu, non ?

Sauf que la tâche. Sauf que l'hérédité. Sauf que la foi, pourtant encore, dans ces histoires de transmission.

Car dans son courrier sybillin, le rectorat indique m'avoir trouvé une place dans le collège de L., au nord de Toulouse - établissement dont un petit tour sur le Net m'apprend que, peuplé des gens des quartiers nords et de manouches, il est au moins dans les faits un collège difficile.

Et je me surprends à me fantasmer prof incontrôlable, éloigné des programmes et des cours de syntaxe pour raconter à des êtres en devenir l'histoire de la culture (oui, dans mes fantasmes, j'utilise ce mot), leur parler d'art, de littérature, de libération de soi, de créativité...

Tout ça peut-être pour que tous ces petits jeunes se tiennent bien dans les carcans de la société sarkosienne ; qu'ils acceptent avec philosophie les glorieux emplois d'apprentis manoeuvres que l'ANPE leur proposera, si tant est qu'ils n'en soient pas radiés pour avoir eu une demi-heure de retard à l'entretien que personne ne leur avait signalé.

Ou alors qu'ils aient une petite chance supplémentaire - celle, peut-être, qu'ont eu certains de mes ancêtres de devenir autre chose que ce que leur naissance leur promettait d'être.

Et puis il existe une possibilité infime (et sans doute peu rationnelle) que ce métier-là me fasse avancer dans mon travail - m'obligeant à sélectionner trier choisir les projets les voies les voix les oeuvres, les orientant d'une façon inattendue.

Ou au contraire m'en éloignant pour toujours ou presque ; me rendant peut-être à un goût de vivre (consommer des voitures m'allonger au soleil faire des grillades) qui m'a paru si vain il y a quelque temps.

Et là, par exemple, j'hésite à conclure façon prof
voici illustré un exemple de dilemme, dilemme qui constitue au fond l'essence de la tragédie classique - à ne pas confondre évidemment avec la tragédie baroque, plus proche de ce que l'on pourrait nommer mélodrame ou, pour se situer dans une perspective plus moderne, comédie dramatique, et qui privilégie l'expression de l'humain là où la tragédie classique se consacre davantage à l'impossibilité de la coexistence des sentiments et de la raison, et pour mieux dire au déchirement consubstantiel de la condition humaine... (ça devrait bien passer, ça, en 5e techno option gens du voyage)

ou, plus simplement,

dilemme mercredi, vendredi en rira.

On verra aussi ce que vous en dites. Et d'autres paramètres que j'essaie simplement de ne pas laisser m'envahir, vu que j'ai quand même quelques autres trucs à faire.

Hier soir, vernissage de Vincent Lafrance, artiste québécois en résidence au bbb, grâce à laquelle il réalise en ce moment un court métrage avec les habitants... des quartiers nord, justement. J'ai bien aimé ses vidéos autobricolées, ses jeux de l'égo, ses T-shirts et l'atmosphère de foire. Sur son site, la page "writings" m'a fait hurler de rire.
Et tant qu'à parler d'artistes que j'ai rencontrés, même à travers leurs oeuvres, le recueil Presque rouge de Sébastien Amiel m'a beaucoup plu. Plu, plu.

Comme quoi je peux aussi arrêter de faire des choses artistiques pour me consacrer à la monotonie de l'enseignement (ou l'inverse ?), vu qu'il y a des gens qui ont du talent, quand même.

Et pour justifier le titre du post, ajoutons également que les signes sont ironiquement prolixes : c'est aujourd'hui que je reçois par la poste le premier exemplaire d'Enfin seule... à vos libraires !

23.6.09

701 - MArdi, je te raconte


La nuit s'était levée, et dans les arbres, les hommes dormaient.

Seul Rahoul veillait ; sous la clarté de la lune ronde, il regardait l'arbre. Il regardait l'arbre, et écoutait les questions qui venaient à lui. Elles chantaient sans cesse dans son esprit, petites choses mal formulées, un peu confuses, qui l'empêchaient de trouver le sommeil.

Quel est le sens de tout ça ? Que puis-je faire pour les autres ? Qu'est-ce que les autres peuvent faire pour moi ? Pourquoi ne puis-je pas simplement attendre, comme tant de mes semblables, que les jours se répètent, espérer que rien n'arrive, que rien ne change ? Pourquoi y a-t-il au fond de moi cette petite flamme qui me pousse à parler, à inventer, à réfléchir, à passer d'arbre en arbre sans jamais m'arrêter sur une branche ? Est-ce une maladie, une anomalie génétique ? Pourquoi ne puis-je pas jouer toute la journée avec la pléïstéchion (le pléistéchion était un genre de dinosaure relativement inoffensif, très courant à l'époque de Rahoul, dont la fonction principale était de garder les enfants. La tribu de Rahoul avait adopté une femelle, avec laquelle il adorait s'amuser ; mais pour une raison mystérieuse, les grands ne les laissaient pas passer toute la journée avec elle).

Toutes ces questions, et bien d'autres encore, tournaient sous le crâne de Rahoul, partaient, s'effaçaient, et revenaient sans cesse, comme le tourbillon de l'eau prise entre des roches. Et plus elles revenaient, plus Rahoul pensait à l'arbre.

Il lui arrivait de douter des paroles de son père ; après tout, Esag adorait raconter des histoires, toutes sortes d'histoires, et il lui arrivait certainement d'en inventer pour toutes sortes de raisons. Mais ce qu'il disait de l'arbre, que ce soit vrai ou non, avait éveillé dans le coeur de son fils une vague d'images et d'idées.

- Si je pouvais entrer dans l'arbre, pensait Rahoul, peut-être trouverais-je la réponse à toutes mes questions..."

Lorsque la lune se trouva exactement au milieu du ciel, Rahoul se mit sur ses pieds ; sans un bruit, il se laissa glisser de l'arbre. L'air était doux, l'herbe tiède sous ses pieds ; le vent murmurait des aventures.

Après un dernier regard pour le campement où dormaient les Zautres, il vit volte-face, et s'enfonça dans la forêt en direction du Grand arbre.

18.6.09

700 - Comment s'appelle


Comment s'appelle
Cet instant dans le ventre
Où tout repose et bascule à la fois

Ce pas qui médite
Entre rien et le rien
Ce temps
Qui tient sans promettre
Sinon sa fin,
Prochaine encore,

Le bruit de ce silence,
Avant de repartir
Retourner
Faire taire
Hésiter,

Avant même
Qu'un avant existe ?

Comment s'appelle le flot
Quand, rimbambelles,
Les souvenirs se taisent,

Et qu'il ne reste d'une braise
Qu'un rouge au fond du noir ?

Peut-être (sans appel,
sans espoir de justesse)
Pourrais-tu nommer moi
Ou Je, illusoire

Cet instant que tu appelles
Et effraies à la fois.

16.6.09

699 - Mardi, je te raconte


Esag s'interrompit pour mâchonner une racine.

Rahoul ne dit rien. Il avait l'habitude que son père lui fasse le coup : et que je te raconte une histoire à suspens, et que je m'interromps, et que je change de sujet... C'était agaçant, bien entendu, mais d'une part cela faisait partie du jeu (même s'il n'était pas vraiment drôle), et d'autre part cela allait en général beaucoup plus vite quand on attendait la suite sans dire un mot. D'ailleurs, Esag reprit bientôt son récit :

"... C'était comme si l'arbre avait le pouvoir d'annuler le temps. Ou de le détisser, qui sait. C'était comme si, au coeur de l'arbre gigantesque, existait un autre monde, une autre dimension... A propos, tu n'as pas un petit creux, toi ?"

Cela faisait déjà longtemps qu'Esag avait inventé le coq-à-l'âne, aussi Rahoul ne prêta pas attention à cette discontinuité dans la thématique du discours.

Ses pensées s'agitaient en tout sens. C'était quoi, cette histoire ? Une légende ? Une affabulation ? Une parabole symbolique sur la condition des Zoms ? Un radotage ringard ? Il tenta d'en avoir le coeur net :

- Mais, dis-moi, Papa, tu crois que si on entre dans cet arbre, on peut..."

Esag l'interrompit :

- On ne peut pas entrer dans cet arbre. C'est défendu. Enfin, je crois - il me semble qu'il y a une histoire, avec un arbre et un truc qu'il ne faut pas faire... Ou alors je me trompe ? En tout cas, ça suffit, maintenant : est-ce que tu as fait des deux voirs ?

Les enfants du campement devaient tous les soirs regarder l'horizon, d'abord vers là-bas, et ensuite vers là-bas ; les adultes les y obligeaient. Les enfants ne savaient pas vraiment à quoi ça servait, et ils trouvaient cela plutôt pénible, vu qu'ils avaient envie de voir autre chose que du déjà-vu ; parce que quoi qu'on en dise, la vision était plus ou moins la même tous les soirs, par là et par là. Mais bon, il fallait les faire, les deux voirs, alors autant s'y coller tout de suite.

Rahoul monta sur sa branche préférée, et regarda par là un moment. Voilà. C'était fait. On ne pourrait pas lui reprocher de...
Puis il se tourna dans l'autre sens. Par là, on voyait l'arbre. Ce fameux arbre.

Ce soir-là, Rahoul le contempla longuement. Peut-être que dans cet arbre, il trouverait les réponses aux questions qu'il se posait.

Parce que des questions, Rahoul s'en posait beaucoup.



(photo Juliette Armagnac)

698 - Enfin, enfin seule


... Trois ans je crois, ou presque, depuis cet été où j'avais reçu (c'était un 14 août, je crois) ce coup de fil de Tieri Briet, des éditions Où sont les enfants ? : "On aime ton texte, on voudrait le publier, illustré par des photos de Juliette Armagnac..."

Et mon coeur, et ma fierté d'auteur qui se remettaient à battre (écornés je crois par un premier refus ou peut-être même un commentaire lapidaire du genre "c'est d'la merde", "ringard" venu d'un presqu'ami... comme quoi l'histoire est un éternel recommencement ?)

J'ai rencontré Juliette, ses photos merveilleuses, son jardin enchanté ; nous avons travaillé ensemble sur le clip de Prénom Camille, puis échangé sur les photos, ce qu'elle voyait, ce que je croyais qu'elle voyait, ce qu'elle ne croyait pas que je voyais... L'histoire du petit garçon suspendu dans les arbres et le doute est devenue, grâce à elle, grâce à Tieri, l'histoire d'une petite fille rêveuse, les pieds bien accrochés sur l'écorce ; Enfin seul s'est transformé en Enfin seule.

Puis il y a eu une mini-tempête, qui m'a fait croire un moment que ce projet, comme d'autres avant lui, ne verrait pas le jour (et je tairai par simple pudeur le goût des doutes à ce moment-là).

Mais parfois le vent se calme. Parfois les fleurs renaissent. Et il semblerait bien aujourd'hui qu'Enfin Seule soit sur la route, s'acheminant à cloche-pieds vers les librairies.

Il y aura un clip, il y aura d'autres images. En attendant, je devrais baptiser le bébé le samedi 27 juin, à la librairie La Maison du livre à Rodez - ce qui me paraît un joli signe, vu que j'y ai passé quelques samedis de mon enfance en respirant les reliures.

And so, the chauve must go on...


15.6.09

697 - Only the lonely


Pourquoi ce titre ? Je ne sais pas.

D'ailleurs, je n'ai rien à dire, à part qu'il fait lourdement doux, que nous nous laissons glisser avec délice dans le flot des tâches à faire et des projets à naître,

que, comme les lundis, l'amorce d'un sourire, tout nous porte à croire ;

Sinon, nous avons joué, hier, de l'acoustique sympathique et du talent des techniciens de l'Ostal d'Occitania pour une lecture très intense de la ravissante Emmanuelle Urien ; dans le cadre du Marathon des mots, si vous voulez savoir.

Et que je ne pouvais décemment laisser naître une semaine sans partager un peu sur ce blog (mais que j'aimerais inscrire une pensée sinon définitive du moins saisissante, puissante, intrigante, holistique pourquoi pas ? Au lieu de cela, je suis à peine capable d'écrire "j'ai un peu la tête dans le slip, moi...")

13.6.09

696 - Feels verni, punk ? (exposant, dernière)


Voilà, c'était mon premier vernissage.

Moments de mal à l'aise, pas envie de parler, détaché des piques des potes, effrayé du regard ; questions, bien sûr, sur la légitimité pour, le droit à, la possibilité de... Questions, quoi. Comme d'hab.

Mais il y avait du monde, et du beau.

Lire enfin, nous cacher tout à loisir derrière nos pages nos guitares ; entendre JPB dit Bob Smith dire la première mouture de la version théâtre de La Fête à Fred (qui réclame paraît-il une autre partie, ce sera peut-être l'occasion de continuer un peu sur l'adaptation du Petit guide des transports).

Puis, comme souvent, se détacher (grâce à diverses substances, dont les fameuses rillettes au thon d'E.U), retrouver le plaisir de sourire de soi et aux autres.

Ecouter (malgré les coups dans la poitrine) ce qui se disait - univers étrange, continuez, amplifiez - qu'estce que cela veut dire ?

La perle de la soirée, ravie par N., dont c'est la spécialité : Celui-là (69 directions, le carré de l'affiche) non, ça devient figuratif, un côté masque africain... Et comme souvent quand j'entends une critique, quelque chose s'éclaire - ma propre peur du figuratif, justement, et le fait qu'il s'impose même si je tente de l'éviter ; le fait qeu je me foute assez éperdument des parti-pris de telle ou telle école de pensée.

Rodolphe qui jouait du sourcil, P. qui nous a soutenu tout au long, Zoé qui me faisait rire et chaud, gentille - on aimerait bien arrêter, dire merde, tout foutre en l'air - mais on ne le peut pas, tout simplement.

Qu'est-ce qui fait qu'on ?

Ce qui est dedans, et qui veut sortir, quoi qu'on fasse et quoi qu'on dise pour l'oublier, le disqualifier. Ce qui nous pousse à respirer la prochaine bouffée d'air, à courir vers la prochaine histoire, à nous jeter encore dans les bras les mains le regard tendre les uns des autres.

Même si c'était nous, j'ai fini par bien aimer cette exposition.

Et ce matin, comme pour me rappeler à la réalité tangible, un hélicoptère s'est posé dans mon champ de traduction.

Permission to flight granted, commandant. Just watch out for the storms around the Rio area.


(et, pour Régis qui préfère mes titres à mes toiles, le tableau illustrant s'appelle
Don't be square (je ne déprime pas, j'attends les formes).

12.6.09

695 - KESKIFéCON, dernière ligne droite (vaguement)


Montrer, ne pas montrer.
Voilà de quoi il s'agit.

Je tripatouille pour terminer une série de vidéos maisons - parfois très maison. Pas certain d'avoir envie de les montrer, pas certain de devoir les laisser sur place.

Du coup, je me réflexionne sur ce besoin d'exhiber, de mettre en avant ; du rapport avec les mots, aussi.



Hier soir, j'ai vu Emmanuelle Urien devenir un fantasme (sage), une comédienne, pour préparer une de ses lectures de ce soir.

Romans. Nouvelles. Théâtre. Peinture. Musique. Vidéo.
Soit nous sommes incapables de nous consacrer à un art, soit nous sommes des artistes multimédia. Suivant les moments, j'hésite entre les deux définitions.


À moins qu'un artiste soit, par définition, un incapable - incapable de vivre, de montrer, sans passer par la médiatisation, l'intériorisation/extériorisation/mise à distance.

Ou à moins, encore, que nous soyons tous des artistes multimédia - cherchant à dire à travers, à passer, à (se) dire au mieux de nos moyens forcément limités.

Et si c'est le cas, n'y a-t-il pas faute, péché et tout ce genre de trucs : parler de(puis) soi, n'est-ce pas d'un égoïsme honteux ? N'est-ce pas se fermer les yeux au monde ?

Partager. Montrer, ne pas montrer. Regarder les ombres. Chercher la transparence, aussi laid et effrayant que puisse nous sembler ce qui se cache en dessous. Sortir les monstres, les ramasser. Les recycler, peut-être.

Et une partie de moi rêve et meurt de dire merde à l'art (ou l'inverse ?), en espérant que les questions aussi se tairont.


Voilà pour le programme de ce soir. Ensuite, nous reprendrons une vie normale d'écrivains : dimanche après-midi, vers 17h, en clôture du Marathon des Mots, musicalecture de Tu devrais voir quelqu'un.

10.6.09

694 - Il y aura (Exposant 5)


Grosse séance de travail avec les Yrf, hier soir. Programme, flyers, affiches, accrochage, qui va acheter les concombres - autant de questions simples auxquelles on peut répondre sans hésiter plus de deux heures.

L'épineuse question des pr... évoquée plus bas, sans être complètement résolue, en est au moins réduite à sa plus simple expression : doit-on écrire "feuille de salle", "feuille de sale" ou "feuille de sales" ?

Mais laissons cela de côté, et parlons de ce qu'il y aura en plus des toiles.

- des tirages originaux de nouvelles d'Emmanuelle Urien
- des lectures musicales (surtout pendant le vernissage, mais on peut revenir)
- un manuscrit entièrement recyclable intitulé That huge thing you call a novel et comprenant deux romans inédits, E(u)x et Ma vie n'est pas un roman, bordel (consultable sur place, le premier qui essaie de le prendre je le mords)
- des livres
- des Gmörks - qui m'ont chargé de transmettre le message suivant :

Eyü Gmorkü & AäA Gmörks
être dans le plaisir inviter vous
événement expositoire & livres

KESKIFéCON ?

Emmanuyelle Uriien
Maa^n Cauuss

Ateliersxpo Zofer
Dizaine deux unités 3 rue du Dizaine Avril

(présence Gmörks probabilité)



Comme quoi ça promet...

9.6.09

693 - J'affirme (exposant 4)


Comment ça, "tu te poses trop de questions ? "

Non mais imaginez. C'est ce que vient de me dire V. au téléphone.
Trop de qu..., moi ?
Ce n'est pas vrai, si ?
Et puis les questions, c'est bon, non ? Ca aide à avancer ?
R'et puis c'est normal, puisque le titre de l'expo se termine par un '?'

Mais bon, j'écoute toujours V. Même si je ne comprends pas forcément ce qu'elle dit.

Donc, j'affirme.

Emmanuelle Urien et moi-même avons des images à montrer. Elles ont quelque chose à voir avec nous, avec la forme du truc à l'intérieur. Avec nos mots. Avec le recyclage, aussi - quelque chose comme de la peinture raisonnée.

Encouragés (malgré leurs remarques sarcastiques) par les Zofer et quelques autres amis, nous avons décidé d'exposer lesdites images, accompagnées de notre univers habituel de mots et de sons, du 11 juin au 11 juillet à l'Atelier-expo Zofer, 23 rue du 10 avril, métro Marengo, Toulouse évidemment (ou comme le fait remarquer l'ami Cyrille - enfin trouvable sur Internet ! - il se passera plein de trucs intéressants cet été).

Pour la liste des prix qui me posait problème, j'ai demandé à l'ami Rodolphe de me prêter une fonction polynausocomiale qui calculera d'elle-même, sans état d'âme, afin de m'alléger de ce poids. Et de toute façon, c'est secondaire : nous peignons, venez voir, si ça vous dit. Nous en parlerons ensemble.

Partager. C'est ça kifékon.


Voilà, c'était assez décidé, là ?

(d'accord, reste le quoi le qui le pourquoi le pour qui, mais bon, ça peut attendre...)

692 - Mardi, je te raconte


- Et ce grand arbre", continua Esag, le papa de Rahoul, "possède paraît-il un pouvoir mystérieux. Enfin, ce que je t'en dis, c'est ce qu'on m'a raconté, hein, évidemment. Je n'y suis pas allé, moi. Une fois, je me suis trouvé pas loin, et j'ai vu... j'ai vu... non, je préfère ne pas t'en parler."

Rahoul leva les yeux au ciel. Ce que son père pouvait être assommant, avec sa façon de dire sans dire !

- Papa, dit-il, qu'est-ce que tu as vu, cette fois-là ?

Esag hésita un instant, puis se mit à raconter, en murmurant presque :

- C'était un jour où je chassais, un jour avant que tu sois né, avant que tu inventes toutes ces histoires de mots et de langage. Je suivais un oiseau, un grand bougla gris, tu vois ?" (un bougla, c'était une sorte d'oiseau préhistorique, avec une couleur un peu comme ça et deux ailes comme ça) "Je le suivais dans toute la forêt - à l'époque, il y avait beaucoup plus de forêt que maintenant. Et je le suivais depuis deux jours, parce qu'il avait l'air particulièrement appétissant, tu vois ? Et au bout de deux jours, il s'est perché sur l'Arbre. Et..."

La voix d'Esag se brisa, comme s'il avait peur d'avouer quelque chose.

- Papa, tu peux arrêter les effets mélodramatiques ? On se croirait dans un manga (un manga, à l'époque, c'était une sorte de petite caverne où on s'enfermait pour se faire peur pour jouer). Tu la craches, ta valda ? (une valda, à l'époque, c'était une feuille qu'on mâchonnait pour se donner une contenance).

Le père de Rahoul se renfrogna bien un petit peu, parce qu'il aimait bien se renfrogner ; mais il reprit son récit.

- Vois-tu, le grand bougla gris s'était posé sur une des plus hautes branches ; et puis, au moment où je cherchait une pierre pour le descendre, il a disparu."
- Il s'est envolé, tu veux dire ?" demanda Rahoul.
- Non, il a disparu. Pfff, comme ça. Grand bougra gris, hop, plus de bougra gris."
(à l'époque, la différence entre "l" et "r" était sans grand importance, aussi pouvait-on dire aussi bien bougla que bougra)
Rahoul fit un truc avec ses sourcils, qui marquait son incrédulité :
- Et tu avais mâchonné beaucoup de valdas, ce jour-là, mon papa ?"
- Ne te moque pas, enfantounet. Ca s'est passé comme je te le dis. Mais le pire..."

- Tu recommences avec tes effets. Chaque fois que tu vas dire un truc important, tu mets des pierre, pierre, pierre (à l'époque, les pierres remplaçaient les points de suspension).

- Le pire, c'est ce que j'ai vu après. Tu sais, beaucoup de légendes courent sur cet arbre, chez les animaux comme chez les Zoms. On dit qu'il a beaucoup de pouvoirs. On dit qu'il soutient le monde. On dit qu'il est plus vieux que le monde. On dit surtout qu'il a des effets bizarres sur ce que tu appelles le temps...

Quand le grand bougra gris a disparu, j'ai voulu en avoir le coeur net. Alors j'ai collé mon oeil contre une fente de l'arbre, et j'ai vu.

Là-bas, sous l'écorce, il y avait un monde. On aurait du vide, on aurait dit de l'espace. Et à l'intérieur de cet espace, minuscule et pourtant tout à fait visible, il y avait mon grand bougra gris. Sauf que c'était devenu un petit bougra gras. Un bougrillon. Un gros bébé bougra ; et en même temps, c'était un vieux bougra, un bougrolde, comme on les appelle. Comme si, dans l'arbre, le bougra était en même le temps le petit bougra gris qu'il avait été, le grand bougra gras qu'il restait, et le gris bougra rabougra qu'il deviendrait. Comme si l'arbre avait le pouvoir de..."

Ce jour-là, Esag inventa, pour son petit Rahoul, le cliffhanger, la concordance des temps et l'approximation sonore.

8.6.09

691 - On en parle


Un joli article sur Visitez le Purgatoire / Emplacements à louer (qui vient de ressortir dans un nouveau format, le saviez-vous ?)...

Et les questions qu'on se pose sur cette fameuse liste des pr...

Voyons, comment faire ? Additionner les matières premières, le temps de travail, ajouter un petit plus pour faire manger les enfants, une marginette pour l'atelier-expo ?

Bin oui, mais justement, les matières premières, c'est particulier : on adore travailler sur des supports "recyclés", des bouts de papier journal, des planches récupérées dans la rue ; bon, il y a la peinture, évidemment, mais là aussi, question de valeur : peut-on considérer, par exemple, que 20 euros de peinture achetés grâce à un bon-cadeau, ça vaut ?

Et le temps de travail, parlons-en, du temps de travail. On peint souvent dans nos moments flottants, ceux où on se laisse glisser entre les gouttes du temps, généralement entre une heure et trois heures du matin, alors qu'on devrait dormir, en honnêtes citoyens européens... (ou alors c'est le décalage horaire ?). Et puis on n'en tient pas le compte, du temps. Est-ce qu'un tableau qui a été recouvro-palimpsesté une dizaine de fois doit se vendre dix fois plus cher ? (et plus cher que quoi ?)

En plus, cela dépend aussi des visiteurs. On pensait inviter au vernissage tous nos amis princes saoudiens, plus deux gagnants du Loto, Antoine Gallimard-Vuitton, Nicolas S. (ah non, pas Nicolas S.) ; mais il paraît qu'ils ont déjà une Rolex, ça fait double emploi. Et nos amis creveux-intermittards-artisss attendent toujours, comme nous, la lettre du vieil oncle d'Amérique qui fera d'eux des héritiers richissimes. Du coup, c'est pas gagné.

On imagine déjà les spectateurs se poussant du coude et murmurant entre eux "Ah bin ils se mouchent pas avec le dos de la main morte, ces deux-là". Ou alors des amateurs éclairés (les amateurs sont toujours éclairés, à part ceux qui n'ont pas payé leur facture EDF) lançant dans un soupir "Mon dieu, laisser partir de tels chefs-d'oeuvre à ces tarifs-là, c'est la mort du marché de l'art".

Ou pire encore "Laisse tomber, coco, je ne comprends pas leur projet... Dire qu'on a raté un concert de John et Jehn à cause de ça !". Voire "Maman, maman, j'ai fait le même à l'école cet après-midi !"

Oui, ça va plus loin qu'une simple liste de pr...

Tiens un brouillon de tarifs, quand même :

1. Trois points d'exclamation
2. Un sourire qui fait rêver
3. 100 000 dollars
4. Un abonnement AMAP
5. 'Aaa boire un coup.
6. Une nuit avec toi
7. Ca se discute
8. A la tête du client
9. Une rolex en pétrole
10. 329,99 € prix maximum constaté en magasin
11. Une semaine de vacances au soleil
12. Deux pneus 165x75x14
13. Un terre-neuve de moins de deux mois
14. 450 € en timbres fiscaux
15. Un bon kilo d'amour
16. Des cours de dessin
17. Une batterie
18. Vas-y, prends-le, c'est la maison ça fait plaisir
19. Un ordinateur neuf
20. Le loyer du mois de juillet
21. Des cheveux qui poussent plus vite
22. La reconnaissance interplanétaire
23. Une heure de chat avec un Gmörk
24. Les moustaches de Dalida.
25. L'appeau d'Ephèse (ça permet d'inviter des amis turcs)
26. Un calendrier 2010 bien rempli
27. € £ $
28. Racine de a+b carré divisé par le quotient du théorème de Pythalès avec une fonction affine dérivée

and so on...

Voui, voui, c'est à retravailler.

690 - Exposant 3 - le douloureux problème du p...



Tu aimes bien l'affiche. Tu trouves qu'elle.






















Et tu te poses en ce moment la question des p... des pr.... des pridvantedukeskifécon

Qu'est-ce que tu fais con, devant ton clavier, à te demander ça ? Tu aurais quand même mieux à faire...

Bon, pour les prix, tu as décidé de faire simple : une fourchette de pr... allant d'un sourire à un million d'euros (en yens). Voilà. C'est démocratique, et tu te sens profondément démocratique, aujourd'hui que tu as voté (sans regarder les résultats, d'ailleurs, qui a gagné ? Euh, tu reformules, est-ce que quelqu'un a gagné quelque chose ? ). Et pour faciliter encore, tu vas essayer de bricoler un système type "roue de la fortune" pour attribuer aléatoirement* un prix à une oeu... à une peint... à une toil... à un tableau.

Ou à un texte, d'ailleurs. Ou à un mélange des deux.

Bon. Tu vas y réfléchir. C'est un épineux problème, pas la peine de s'apensantir dessus.

7.6.09

689 - Exposant 2

Il te semble que des titres seraient, pour commencer, une bonne chose. Une liste simple qui tiendrait sur un A4, qui indiquerait en quelques mots à chaque fois que l'assemblage de traits-couleurs-matières-formes a, ou a eu, ou a pu avoir un sens, une signification. Que, grosso modo, tu n'as pas fait n'importe quoi (encore que si, justement, c'est un peu ce que tu cherches, fuir le systématisme, partir à l'aventure, découvrir chaque fois, te laisser surprendre par ce qui se passe, ce qui se dit, quelque part entre toi et la toile, de toi, ou à travers toi tu n'en es pas certain - mais voilà cette ligne de pensée t'emporte à chaque fois vers des dérives pas forcément signifiantes, alors tu cherches à te raccrocher à quelque chose de solide, une ligne, un fil, et pourquoi pas, tiens par exemple quelle idée intéressante, une liste des titres).

Et tu fourrages dans ton atelier, dans la petite vingtaine de keskifécons, tu les écoutes un par un dans un ordre vaguement chronologique, et tu commences par

1.
celui qui te résistait, parce que justement tu sais aussi ce qu'il est,
mais tu respires un bon coup, tu prends un stylo et tu griffonnes au dos quelques mots,



et tu te sens comme un envie d'expliquer ce que selon toi ça voudrait dire, tu voudrais parler du support, de ce que tu y revois ou y découvre, mais tu as décidé, ou plutôt tu espères, que que ce ne sera pas nécessaire,

puis tu passes au

2.
celui-là est facile, l'image est restée dans ta tête, ce que tu représentais - ce que tu pensais - ce que tu ressentais - et l'adéquation temporaire entre les deux, il suffit de nommer les deux éléments et,

3. 4. 5. 6. 7

ce sont des papiers, des lignes, des encres-fusains où parfois tu as écrit quelques mots, ils feront des titres convenables même si tu as parfois du mal à les déchiffrer ; et lorsque certains ne portent pas de traces, il te semble tout de même simple de les nommer, des mots te viennent sans effort, tu passes au suivant avec un presque sourire,

8.9.

Et zut. Deux carrés de toile, petit format, matière, couleurs. Extraits d'une série qui t'a occupé quelques temps. Quand tu te demandais si exlure la forme identifiable, ce n'était pas mieux peindre.
Va-t'en titrer ça, toi.

L'exercice te semblait pourtant plus simple ; mais keskifécon titre ? Un titre, çafépakon ? tu es quand même en train de donner des pistes, et tu te sens des envies de te gonfler d'importance, d'aller vers le conceptuel, le global, le politique. Tu pourrais penser à des titres comme "Impact de l'anamnèse", "Réchauffement du capitalisme global - 9.11", voire, carrément classe, "carré n°1" ou " sans titre #3". Sauf que bon, au niveau des numéros, tu as oublié l'ordre exact. Et puis même, tu es lancé dans les titres, autant continuer. Bon, tu griffonnes à nouveau, tant pis pour les numéros, et tu passes au suivant.

11. 12. 13
Ah bin là, c'est simple. Ta série de femmes. Tu te souviens même de l'ordre, donc il n'y a qu'à faire "Femme 1", "Femme 2" et ainsi de suite.
Sauf qu'évidemment, tu as trouvé le moyen d'en titrer une, au dos de la grande planche. Donc, encore une fois, te voilà à faire des mots...

Quoi ? De l'anglais ? Mais pourquoi de l'anglais ? Ca fera mieux au Metropolitan ? Dis, tu la pèterais pas un peu, là ?

Oui, tu as beau invoquer le fait que tu penses aussi en anglais, que quand tu peins, tu te racontes (ou tu écoutes ?) des histoires dans la langue de John Cleese, n'empêche que... Oh et puis continue, maintenant.

14. C'est le bouquet. Le titre y est déjà, au dos. Et en anglais. Décidément, c'est une manie.
Mais celle-là, tu ne la commenteras pas : tu l'as déjà fait.

15. Celle-là, tu n'oseras jamais l'appeler Autoportrait. Alors tu ruses.

16. Celle-ci porte son titre sur la face peinte. Elle s'apparente aux Gmörks. Avec des techniques plus mixtes, évidemment.

17. 18. Tu réprimes une fois de plus l'envie de titrer "untitled 1/2" - tu préfèrerais laisser le sens ouvert, puisque les deux toiles ne parlent que de ça. Tu t'en sortiras par une pirouette.

19. Encore une fois cette tentation d'expliquer, de mettre des mots... pourtant, ils sont déjà très nombreux ici. Même si tu ne les vois plus, recouverts qu'ils sont. Tu tentes de te souvenir de ce qu'il y avait dans les 6, non, 9 pages de carnets que... oh et puis tant pis.

Tu te demandes pour finir si c'était une vraie bonne idée. Et si tu auras envie d'exposer Le papillon et What I wrote, que tu viens tout juste de terminer. Ou qui viennent de, tu ne sais toujours pas.

Ca y est, tu l'as, ta liste.

Et tu ne sais pas ce que tu vas en faire.




Par ordre de non-apparition à l'écran :


1. Visitez le purgatoire - Recouverture
2. Enfant / écran

3. Paziols
4. Small
5. Quelque chose à voir avec elle
6. Portrait de toi en sainte / shintô
7. J'ai envie de nous

9. Ca finira bien par arriver n°µ
10. Ca finira bien par arriver n° papier

11. Première femme (La)
12. And it was all
13. Us in 1

14. Another lost morning in this place

15. Don't be square (je ne déprime pas, j'attends les formes)

16. "Do I really look like a killer whale ?" Alicia kept wondering.

17. 18. Fally 1&2

19. 69 directions, 1 terre

5.6.09

688 - Exposant, 1

Keskifécon ?

Tu as lancé le titre comme une boutade, quand ils ont parlé d'exposition. Qu'est-ce qui fait qu'on, que tu peins, que tu ne te cantonnes pas à l'écriture, petits signes noirs sur fond blanc, sens enchaînés avec une certaine logique sur le repère syntagmatico-paradigmatique ? Qu'est-ce qui te pousse, en plus, en outre (en trop va savoir), à étaler des pâtes et divers ingrédients sur des surfaces, et plus encore, sans qu'on ait vraiment besoin de t'y pousser, à les exposer - à t'exposer, avec une certaine dose de désinvolture, au risque de t'entendre dire que ça fait un peu con, ces trucs que tu n'oses pas vraiment appeler des toiles, ni des tableaux, et surtout pas des oeuvres

ou alors tu penses à l'anglais work, le travail, la tâche, et d'un coup ça te paraît moins prétentieux, parce que là oui, tu sais le temps que tu y passes, la façon que tu as de le faire, comme un paysan derrière une charrue - un paysan qui s'amuse, quand même, parce qu'il profite de l'odeur du vent et de la sensation sous ses pieds de la terre, bref, du taf, c'en est, disons-le comme ça ; et qu'est-ce qui fait qu'on, qu'est-ce qui fait que tu taffes, que tu t'essaies, que tu t'acharnes parfois, à représenter quelque chose sur un bout de quelque chose (encore que le terme de "représenter" soit sujet à équivoque, tu as plutôt tendance à regarder ce qui se décide à naître entre tes doigts et la fameuse surface) ?

Mais bon, la question est rhétorique : tu peins, point. Si on sort de là, on risque de se risquer aux considérations psychologico-spiritualo-métaphysiques - et tu veux bien le faire, tu es même plein de bonne volonté sur ces domaines, mais l'expo commence vendredi prochain, alors c'est une question qui espérons-le pourra attendre.

Qu'est-ce qui fait qu'on expose ? C'est que Yannick "Yrf" et Véronique Zofer nous l'ont demandé, nous accueillent. Et aussi en vertu du sage adage qui dit qu'on écrit pour être lu, et conséquemment qu'on peint pour être vu. Orgueilleux, certes, mais tu auras tout le temps plus tard pour te passer du regard des autres.

Bon, admets-le carrément, le "keskifécon" a sans doute une réponse dans le désir vaguement conscient d'exister, d'exister autrement, différemment. Un peu plus, un peu moins, tu l'ignores ; de laisser quelque part la trace d'un regard, de rencontrer à mi-chemin le regard des autres. Et puis de se pencher un peu sur cette matière, sur ces couleurs, qui t'échappent parfois.

Mais tu y reviendras. Parce que pour l'heure, tu dois préparer l'expo. construire des cadres, peut-être quelques mots de présentation.

Tu entres dans ton atelier, farfouille dans la sélection qu'on a opérée pour toi (tu t'es enfui, à ce moment-là, mais c'est une anecdote). Et tu commences à regarder.

Il te faut une pincée de secondes à peine pour savoir que tu vas en baver.

D'abord, trouver un point commun à toutes ces toiles. Qui n'en sont pas - il y a aussi des papiers, des planches, des collages, des recouvrements.

OK, disons : "trouver un point commun à toutes ces peintures".

Sauf que là non plus, ce ne sont pas des peintures - encre, feutre, crayon, craies, fusains, acrylique, enduits, huiles, colles, terre, pollen, liquides indéfinis, où tu serais bien en peine de retrouver tes petits.

Bon. Faisons court. Il est temps de mettre un nom sur ces assemblages-de-techniques-diverses-sur-supports-d'origine-variée.

Des noms. Comme des titres, quoi.

Donc, tu prends le premier. Ce qui te semble être le premier, chronologiquement. Tu te souviens qu'il s'intitule... qu'il s'intitule...

Et merde, tu le savais, pourtant. C'est quand même toi qui l'as fait. Ou le contraire.

Pas grave, tu te fies à ce qu'il représente.

Oui mais...

Tu le regardes bien. Puis tu le regardes mieux. Puis tu cesses de le regarder. Est-ce que ça te regarde, comment il s'appelle, et ce qu'il représente.

Tu le mets de côté. Tu y reviendras plus tard. Demain, par exemple.

Bon. Ca commence à se compliquer...

4.6.09

686 - Déjà en retard


Ce soir vendredi,
Emmanuelle Urien lit Tu devrais voir quelqu'un
et quelques autres nouvelles
(je ferai la discrète guitare )
à la librairie Ombres Blanches, pas loin du Capitole,
Toulouse,
évidemment.

686 - Déjà en retard

Ce soir vendredi,
Emmanuell Urien lit Tu devrais voir quelqu'un
et quelques autres nouvelles
(je ferai la guitare discrète)
à la librairie Ombres Blanches, pas loin du Capitole,
Toulouse,
évidemment.

2.6.09

685 - MArdi, je te raconte


Quand il eut fini sa petite crise de voyance publicitaire, le papa de RAhoul se mit à raconter l'histoire du grand arbre.

- Il y a longtemps, tout au début - ou peut-être même un peu avant, personne ne sait - il n'y avait pas d'arbre. Il y avait la terre, qu'on appelait la terre, et le ciel, qu'on appelait le ciel. C'était plus pratique comme ça, de les appeler par leur nom. Enfin, quand je dis "qu'on appelait", c'est une ook, bien sûr. Il n'y avait pas grand monde pour les appeler.

D'ailleurs, ils n'étaient pas si différents que ça, la cerre et le tiel. Ils étaient, comment dire ? Mélangés. Comme s'ils avaient été trop fatigués, ou trop heureux, pour se compter deux ; pour dire "toi tierre / moi cel".
Disons qu'ils étaient, comment dire ? Un.

Et puis un jour - pour rien, pour une broutille, ou alors parce qu'ils se rendirent compte que quelque chose en chacun d'eux les différenciait de l'autre - ils décidèrent de se séparer. Dorénavant, chacun remplirait une fonction : le ciel ciellerait, la terre rondrait. Plouf, comme ça. Pas qu'ils se faisaient la tête, mais chacun avait décidé de faire son petit bonhomme de chemin.

Mais au moment où ils se séparèrent, quelque chose se créa.
Quelque chose qui était à la fois terre et ciel, et qui était autre chose. Quelque chose qui plongeait dans l'un et l'autre, et les reliait, pour toujours, d'une certaine façon.

Voilà comment commence l'histoire du grand arbre.