31.5.07

La vie en morose

Bouquin de psy terminé, trois autres en commande, sans parler d'une autre minimultitude de projets professionnels ; des idées, certes un peu dans tous les sens, mais qui devraient être intéressantes si je m'y mettais un brin...
Sauf que.
Sauf que malgré tout ce positif, je suis tout mou du genou, façon Caliméro neurasthénique. Même pas rasé, même pas enthousiaste, fatigué d'être fatigué.
Bin alors, qu'est-ce c'est-y qui se passe ? Est-ce l'absence béante de commentaires à mes posts ? Le cortège des sentiments dépressifs qui fait retour suite à la non-résolution de l'adhésivité du lien adolescent (laissez, c'est le boulot, pour mieux comprendre vous pouvez allez jeter une oreille sur LoFi) ? L'hypersensibilité aux aléas météorologiques (je ne voudrais pas dénoncer, mais pour moi c'est la faute du gouvernement) et au temps de musaraigne qui règne ?
Va savoir.
Princesse supporte stoïquement mes bougonnages à la Bacri ; elle qui rêvait d'un prince charmant, elle se retrouve avec un vieux con (avant j'aurais ajouté "- de prof", maintenant, c'est officiel, je peux remplacer par "- seiller éditorial" - mais au fond, ça ne change pas grand chose).
J'ai honte de ma morosité molle, mais j'ai même la flemme de me distribuer les coups de pieds OQ que je mérite.
J'attends, en me minant les pouces, un des p'tits miracles quotidiens, genre éditeur qui appelle pour m'achetouiller mon roman, rencontre de magicien ou de fée, retour d'affection - désenvoûtement, ou même plus de vingt minutes consécutives de soleil.
Et Anton et Zadig, oublieux de la misère que porte leur père, jouent insouciamment dans l'appart.
Même plus la force de me raconter des histoires.
Y'a quelqu'un qui a une blague de blondes ou un truc comme ça ?

30.5.07

Ayé, ça me reprend

Odeur de l'orage sur l'herbe coupée -
En battant des ailes, le merle fait
Tomber les gouttes des feuilles.

Invendus, 3e

Un remaniement du précédent.



A L’AMIABLE

Ils se sont donnés rendez-vous à la terrasse d’un café. Le temps est clair, le vent modéré. Le soleil fait des trucs marrants avec les feuilles, genre zèbre.

Il a enlevé ses lunettes de soleil, et il cligne un peu des yeux. Il a du mal à s’habituer à la lumière de l’été. Ca fait trois jours qu’il pleut sans discontinuer, il en avait marre, de tout ce gris. Ça lui faisait comme des taches sur le cœur. Des trucs pas sains dans la tête, quoi. Des trucs qui ressemblaient à des remords, à des regrets. Pourtant, d’habitude, tout va bien. Il est content de sa vie, la vie qu’il s’est choisie, la vie qu’il s’est faite.

Les filles passent dans la rue. Il regarde leur silhouette. Il leur sourit. Du fond du cœur. Pas pour les draguer, pas pour les séduire. Juste pour les remercier d’être aussi belles.

- Gros macho, va.

Il ne l’a pas vue arriver. Il sursaute au ton de sa voix. Il lui insouciant, moqueur, léger. Ca fait bien longtemps qu’il n’a rien entendu de léger dans sa voix à elle. Ces derniers temps, c’était plutôt de la colère. Du chagrin, d’abord, puis de la colère.

Et pourtant, il lui a bien semblé reconnaître une tendresse moqueuse qu’il avait oubliée.

- Qu’est-ce que tu as dit ?

- Je t’ai traité de macho. Je te vois regarder les filles depuis cinq minutes. A ton âge, franchement… »

Ah. Il s’est trompé. Ça n’a rien à voir avec de la tendresse moqueuse. C’était un ton acide et stressé. Sa nouvelle voix.

C’est marrant qu’il ait cru autre chose. On dirait qu’il a été leurré, trompé par un fantôme, l’écho d’une voix du passé. De l’époque lointaine où il y avait de la tendresse entre eux.

Il se lève pour l’accueillir. Avant, il ne l’aurait pas fait. Il voudrait sourire d’un air engageant, mais il sait qu’il est en train de faire une grimace. Il remet ses lunettes de soleil, même si le soleil, justement, vient de disparaître.

Il dit :

- Bonjour… »

Et il se retient d’ajouter un mot ancien comme « mon amour » ou « ma chérie », ou un de ces diminutifs qu’ils utilisaient, « chat », « mouyou », « poupette ».

Il se dit qu’il pourrait ajouter son prénom, ce serait plus personnel ; mais il a vraiment du mal à l’utiliser, en ce moment. Pour parler d’elle, il dit plutôt « mon ex » ou « ma future ex » ; c’est devenu comme un refrain, comme un nom de famille, « Stéphanie Monex ».

Ensuite, ils s’asseoient. Elle resserre la veste autour de ses épaules. Ils commandent des cafés.

- Tu le prends sans sucre, maintenant ?

- Je fais ce que je veux.

C’est mal parti pour la conversation. Ils se mettent à parler prudemment. Ils cherchent des sujets sûrs, des sur lesquels il peuvent poser les pieds sans s’enfoncer.

Il pense « s’enfoncer dans des sables émouvants », et puis il se dit que c’est con de penser ça.

Ils parlent des enfants, bien sûr. De comment ils s’adaptent bien à leur nouvelle école. Chacun d’eux met un point d’honneur à montrer qu’il connaît les maîtresses, le nom des copains de classe et les horaires des repas.

Ils se disent que les enfants vont bien. Ça les rassure.

Et puis ils n’ont plus rien à se dire. Elle consulte son agenda, il essaie d’écouter la conversation de leurs voisins. Au bout d’un moment, elle regarde l’heure sur son portable, et elle dit : « Bon, on y va ? »

La patronne du café vient encaisser leur table, et il pense à la chanson de Joe Dassin, avec la patronne du café qui va encore leur dire Salut les amoureux. Et il trouve de nouveau qu’il a des idées idiotes aujourd’hui. Parce qu’ils ne ressemblent pas du tout à des amoureux.

Non, la patronne dit seulement : « Au revoir, m’sieur-dame ». Le vent s’est levé, le ciel est devenu un peu gris.

Ils entrent dans le grand bâtiment, en face du café. Les couloirs sont moches, il y a des gens en costume. Dans la salle d’attente, ils ne se regardent pas. Ils se sont assis l’un en face de l’autre, comme par hasard. Ou parce que ça leur aurait fait bizarre de s’asseoir côte à côte. Ils attendent dix minutes en lisant les affiches sur les murs.

Quelqu’un vient les chercher. On les fait entrer dans le bureau du juge. De la juge, plutôt. C’est une femme, et elle est jolie. Il la regarde du coin de l’œil, mais elle a un air sévère et revêche.

Elle leur demande s’ils sont d’accord, leur fait signer un papier, leur donne quelques informations. Puis ils sortent.

Ça lui rappelle un peu leur mariage. Sauf que là, ils ne sont que tous les deux. Il n’y a personne pour les applaudir, les féliciter, leur jeter du riz. Personne pour les embrasser.

Dehors, il s’est mis à pleuvoir. Ils se séparent sans se faire la bise.

27.5.07

La vraie vie des fonctionnaires

L'ascenceur est gris, étroit, oppressant.
L'homme regarde droit devant lui, serré dans son blouson bleu métal.
L'enfant lève la tête vers lui :
- C'est vrai que tu es de la Stasi...
- Tu sais ce que c'est, la Stasi ?
- Mon papa dit que ce sont des méchants hommes qui emprisonnent tout le monde.
- Ah ? Et comment il s'appelle, ton..."

Et les spectacteurs se figent, prise au piège de l'ascenseur, certaine de ce qui va se passer ensuite.
Mais la musique.
Mais un couple dans Berlin-Est, que l'homme surveille depuis des jours. Lui est un écrivain qui croit à la bonté des hommes ; elle, actrice, aime la bonté de cet homme.

Et l'agent de la Stasi bat imperceptiblement des cils.
-... ton ballon ?"
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent, et l'enfant s'éloigne - c'est idiot, comme question, un ballon, ça n'a pas de nom.

Nous, les spectateurs, nous avons les yeux un peu troublés de cette scène. Et quand je sors du cinéma, mon coeur qui bat différemment. Des idées sur la bonté, sur l'art, sur la lutte et la résistance, sur à quoi ça sert d'écrire, sur ce qui subsiste de nos vies, s'agitent dans ma tête.

Ca s'appelle "La vie des autres", on a dû vous en parler. Ca raconte la naissance de l'humanité chez un homme qui semblait ne pas en avoir.

Si ça passe pas loin de chez vous, n'hésitez pas.

25.5.07

Invendus, suite

C'est bien aussi de faire des posts juste avec ctrl+A ctrl+C ctrl+V...



La première version aujourd'hui, une autre bientôt.
Vous savez de quoi ça parle ?
Bin, d'amour, comme d'hab.



A l’amiable

Je te quitte.

Inutile de pleurer. Pas la peine d’en faire des tonnes. On le sait depuis un bon moment, que ça ne colle plus entre nous.

Oui, je sais. Tu vas me trouver égoïste. Me dire que je ne pense qu’à moi. Que je sacrifie ton bonheur, et celui des enfants, au mien.

Tu as peut-être raison. Mais je crois que ça ne vaut plus la peine qu’on continue à se faire souffrir comme ça.

Reconnais-le : il y a eu un moment où tout a basculé. Je ne sais pas quand. Je ne sais pas pourquoi. Quand les enfants ont commencé à grandir, peut-être.

Tu l’as senti comme moi. Plus rien n’allait. On se forçait tous les deux à faire des choses qui nous déplaisaient. Des efforts, et encore des efforts. Tout ça pourquoi ? Pour être ensemble. Comme si ça justifiait quoi que ce soit.

Mais ensemble, ça veut dire quoi ? Passer des week-ends chez tes parents ou les miens pour leur faire plaisir, pour qu’ils voient les enfants. Et toi et moi, on attendait le dimanche après-midi avec impatience – vite, que ça se termine, qu’on n’en parle plus, qu’on puisse rentrer chez nous tranquillement en attendant d’amener les enfants à l’école, le lendemain, et tous les jours jusqu’au week-end suivant…

A parti de quel moment est-ce devenu une corvée, une obligation de se raconter le soir nos journées de boulot, de choisir un film ensemble, de boire un verre de vin en le regardant ? A partir de quel moment as-tu pris conscience qu’on ne travaillait plus que dans le but avoir assez d’argent pour alimenter notre train de vie, cette machine qui ne nous rendait pas heureux ?

Ne me dis pas le contraire. Depuis des mois, la seule chose que nous savons faire ensemble, c’est nous ennuyer. Je t’ennuie, tu m’ennuies, nous nous faisons chier.

Oh, bien sûr, tu vas me parler des enfants. De leur bonheur. Et bien sûr que tu m’aimes encore. Je t’aime aussi. A ma façon.

Seulement, je te quitte. Je veux vivre autrement. Vivre ma vie – ma vie sans toi.

Ça fera bizarre, au début. Au lien d’une grande maison ensemble, nous aurons deux appartements séparés. Les enfants auront deux coffres à jouets, deux paires de lits superposés. Peut-être même deux cartables. On continuera à s’occuper d’eux aussi bien que par le passé. Mieux, peut-être, maintenant que nous n’aurons plus à jouer la comédie des parents qui s’aiment.

Ne me dis pas que tout peut recommencer. Ces histoires de feu et d’ancien volcan, c’est bon pour les chansons. Je me sens trop fatigué pour souffler sur les braises. Je n’en ai aucune envie, c’est aussi simple que ça.

Ce n’est pas que je ne regrette rien. Bien des choses auraient pu être différentes. Si on y avait fait attention, si on avait compris plus tôt, on aurait peut-être sauvé… quoi, au juste ? Je ne sais pas.

Reconnais-le : tout ce qu’on va perdre, maintenant, ce sont des habitudes. Cela fait tellement longtemps qu’on a renoncé à se surprendre, à se faire rire, à se séduire, à se plaire, à s’aimer…

Nous ne sortirons plus en vélo le dimanche matin en famille pour aller chercher le journal. Nous n’irons plus à la piscine ensemble. Nous ne prendrons plus l’apéritif un soir par semaine chez nos voisins, ce gentil couple de vieux qui nous agacent… D’autres personnes te parleront, te prendront dans leurs bras, te feront l’amour. Tu seras bien, tu verras.

Je comprends que tu sois en colère. Tu peux me traiter de ce que tu veux. Tu peux essayer de me faire sentir coupable. Ce ne sera pas difficile, crois-moi.

Mais je te jure que ce sera mieux pour nous deux. Tu pourras enfin devenir la personne que tu mérites d’être. Tu seras enfin libre. Libre de moi.

Il te faudra du temps, peut-être, pour le comprendre. Au début, ce sera difficile. Je te manquerai.

Ce sera comme quand on arrête la cigarette : d’abord insupportable, puis seulement difficile – et encore, par intermittences.

Un jour, au milieu d’un magasin, tu lèveras la tête et tu penseras soudain que je te manque. Que je devrais être avec toi. Mais ça te passera très vite.

Et puis un autre jour, plus tard, un détail sans importance dans la rue te fera penser à moi, à quelque chose que tu n’as jamais aimé en moi ; et c’est là que tu te rendras compte que tu m’as presque oublié. Que tu ne penses plus jamais à moi que comme un mauvais souvenir. Tu te demanderas même comment tu as pu croire qu’on s’aimait.

Comme quand on arrête la cigarette, je te dis. Quand le manque s’efface, on se rend compte du mal qu’on s’est infligés pendant tout ce temps. Et on ne sait même plus ce qui nous poussait à le faire.

Je te quitte, mon amour, avant qu’on ne se fasse vraiment mal. Avant qu’on ne se colle l’un à l’autre un cancer du cœur. Avant qu’on ait empoisonné tout le monde autour de nous avec la fumée de notre amour mort, de nos dépendances.

Je te quitte parce que je t’aime. Ou parce qu’on s’est aimés.

Je te quitte, il fallait que je te le dise.

Surtout maintenant que tu es partie.

24.5.07

Invendus et bijoux de famille

Mme la Radio cherchait des textes courts pour des émissions cet été ; je lui en ai proposé (ils sont frais, ils sont beaux, mes p'tits textes). Elle a fait son choix comme au marché, vi vi vi je vais vous prendre çui-ci et çui-ci, et p't'être un peu d'ça en plus...
Youpi, yourra : me voilà auteur radiophonique (sinon dramatique). Mais le plus beau de tout, c'est qu'il me reste des trucs, alors hop, je les colle ici.
Le premier s'inscrit dans une thématique que les lecteurs de "Petit Guide..." connaissent déjà. D'accord, je changerai de thème un jour ; mais en attendant, vu que c'est un invendu, je m'en sers pour faire un peu de promo pour mon premier (et dernier à ce jour) recueil de nouvelles, toujours dispo chez les bons libraires...
Donc, voilà du texte. Même que je le collerai après dans le blog d'à côté, "11,5 fois où je suis mort", dont je changerai le titre pour l'occasion (pour plein de raisons compliquées à expliquer ici, et pis j'ai du boulot, alors...). Bon, alors, je disais


Retrouvailles

Manu Causse – 2007


Dans la rue, au moment où ils se voient, ça fait comme un flottement, un instant suspendu. Oh, les gens ne s’arrêtent pas de marcher, les voitures continuent de passer sur le boulevard. Même les oiseaux, qu’on dit si sensibles, font leur musique sans s’occuper d’eux.

Mais eux, c’est sûr, leur cœur marque un petit temps. Peut-être même avant que leurs regards s’éclairent, qu’ils se reconnaissent, qu’ils se sourient. Oui, avant ça, leur cœur a déjà fait le boulot. C’est lui qui leur a dit : « Arrête. Regarde. Souviens-toi ».

La première question, bien sûr, devait être « Ça fait combien de temps ? » Mais ils ne la posent pas. Elle, si elle fouillait un peu dans sa mémoire, dirait quelque chose comme « 17 ans et sept mois ». Et il ne lui faudrait pas réfléchir longtemps pour ajouter les jours et les heures. C’est peut-être pour ça qu’elle regarde sa montre.

Lui non. Il n’a jamais été bon avec les chiffres. Il dirait simplement : ça fait une vie. Toute une vie. Rien qu’une vie, au fond.

Ils s’exclament sur le hasard. Ils s’embrassent, sur la joue. Il a envie de la prendre dans ses bras. Elle a envie de le serrer sur son cœur.

Oui, mais voilà, il y a les convenances, les habitudes, la maladresse, la gêne. Et peut-être même un reste de regrets et d’envie.

Elle le prend par l’épaule.

- Tu n’as pas changé.

Bien sûr que si, il a changé. Il a moins de cheveux, plus de ventre, et il a sans doute perdu quelques autres petites choses, avec toutes ces années. Ses illusions, sa naïveté, sa joie de vivre.

Et elle… elle, c’est une femme. Une autre. Une autre femme.

C’est presque un miracle, la façon dont leur agenda surchargé, leur vie professionnelle, leurs histoires de tous les jours, se décident soudain à leur laisser une heure pour boire un verre en terrasse. Peut-être deux, pas plus.

Alors ils ne se racontent pas leur vie. Ou seulement les grandes lignes. Où ils habitent, avec qui ils vivent, ce qu’ils font de leur temps.

Mais leur conversation ne veut pas dire grand-chose. Ils ne s’écoutent pas vraiment. Souvent, ils s’interrompent, et s’amusent de ces silences entre eux.

Mais leurs yeux, mais leurs gestes… ils se racontent autre chose. Quelque chose d’intense, d’inespéré. Comme des voyageurs assoiffés qui trouvent un puits dans le désert.

Lui regarde la table, les verres, les arbres sur le boulevard. Il se dit que les couleurs, aujourd’hui, sont plus vives que d’habitude. Qu’elles ont un éclat particulier. Il aimerait garder tout ça en souvenir, fixé pour toujours dans sa mémoire.

Elle le contemple, lui, et retrouve ses mimiques, ses gestes esquissés, ses mouvements d’épaule. Elle regarde ses yeux, toujours mobiles, toujours brillants – avec un petit éclat de tristesse qu’elle ne lui connaissait pas. Elle se rend compte qu’il lui a manqué.

Ça doit être ce qui leur fait oublier l’heure. La première, celle qu’ils s’étaient promis de ne pas dépasser. Puis celle d’après, et encore une autre.

Elle téléphone, il envoie un texto. Ça casse un peu leur instant magique, ils ont un sourire gêné, quelques mots d’explications hésitantes. Mais après tout, ça fait tellement longtemps, le reste peut attendre. Non ?

Ils quittent le café et se retrouvent un peu perdus en ville.

Il propose de se promener au bord du canal, lui qui ne marche plus que pour aller d’un point à un autre. Il ne peut pas s’empêcher de la regarder, maintenant. De brefs coups d’œil, avec un sourire en biais. Il n’ose pas trop la fixer, forcément. Mais il la regarde quand le soleil se couche, quand les réverbères s’allument, quand le vent du soir se met à souffler.

Il y a quelque chose qui lui pique dans les yeux et dans le cœur.

Elle le regarde lire les menus des restaurants, essayer de se souvenir du nom des rues et agiter les mains en parlant. A une époque, elle l’aurait suivi au bout du monde.

Peut-être que le bout du monde, ce n’était pas si loin.

Ils ne savent plus vraiment de quoi parler, à part quelques mots sur ce qu’ils sont en train de vivre. Elle dit qu’elle mangerait n’importe quoi, un kebab, une salade ou des frites. Il répond qu’il cherche une terrasse ou un endroit sympathique.

Mais c’est faux. Complètement faux. La seule chose qu’ils cherchent, elle comme lui, c’est un prétexte pour rester dehors. Une raison d’attendre que les restaurants ferment, que la soirée finisse, que les gens rentrent chez eux.

Une raison d’être seuls, ensemble, dans un monde arrêté.

Ils ne savent plus s’ils ont faim, soif, s’ils ont envie de parler ou de se taire.

Il doit bien y avoir une heure où les choses s’effacent. Où il n’y a plus nulle part où aller, nulle part où rentrer. Plus de famille à appeler, plus de collègues à avertir. Un endroit où disparaissent les années, les renoncements et les obligations idiotes.

Si une telle chose existe, ces deux-là, ils vont la trouver.

23.5.07

Once I was a writer (un p'tit souvenir)

C'était une soirée, avec des amis, quelque part dans le Gers. Une de ces fêtes de village avec des bancs, des tables recouvertes de papier et des plats en sauce arrosés de Madiran.

Les amis parlaient avec leurs amis - collègues, parents d'élèves, voisins, types du supermarché. Moi, j'étais le célibataire sans enfants, le type au week-end vide que les amis recueillent et à qui ils s'adressent avec des précautions inhabituelles. J'écoutais les conversations qui ne m'intéressaient pas. Je posais des questions à Machin, machinalement. Je regardais les femmes célibataires. J'avais les yeux dans le vide, parce qu'il n'y en avait pas.

Et puis le type d'en face, le un peu gros avec sa chemise propre, a demandé à mon copain, "Et ton copain, il fait quoi ?"
Je devais être trop vague pour qu'il me parle directement.

S. a répondu sur un ton un peu admiratif , un peu gêné, "Ben, il écrit des livres".

L'autre m'a regardé. Je me suis senti petit, empêtré et chauve. Il a eu ce mouvement d'épaule, cette façon de relever ses sourcils. Il a simplement dit :

"- Ah oui ? Il y en a qui ont besoin de ça."

Il a regardé ailleurs et s'est remis à parler de voitures.

Et moi, moi, j'étais juste mort. Une fois de plus.

21.5.07

Surlivré

Manuscrits de psycho, mini-textes pour la radio, réflexion sur les formes du conseil en projet littéraire, la Teigne en pleine effervescence créatrice, plus mes petites histoires personnelles... Je sais très bien où donner de la tête, mais du coup je n'écris pas beaucoup sur ce blog.
Ca va viendre, pas de panique... je me dis que les petits textes que la radio n'a pas retenus feront des posts sympas.

En attendant, si vous vous ennuyez, je vous conseille vivement de passer demain aprème à la Fnac Wilson (si vous n'êtes pas de Toulouse, vous pouvez toujours garer votre hélico près de chez moi, on descendra ensemble en métro), afin d'y voir la talentueuse, la magnifique, la fantastique Emmanuelle Urien, dont au sujet de laquelle j'ai déjà eu l'honneur de vous parler ; elle dédicace (à tours de bras, comme il se doit) son recueil de nouvelles nouvelles La Collecte des Monstres.

Alors, me direz-vous, pourquoi aller voir en chair et en os une écrivaine ? Bin, parce que, en vrac,
- elle est canon (ouais bon, ça marche moins bien comme argument pour les filles...), encore plus que sur les photos ;
- elle écrit bien (avec des jolies lettres et tout et tout, même que si vous le lui demandez gentiment elle vous en fera kèkes-unes sur l'exemplaire dûment acheté à M'sieur Fnac) ;
- elle dit des trucs intelligents (quand on le lui demande, et il y aura une journaliste exprès pour ça) ;
- ça lui fera plaisir de vous voir (si, si, nous autres auteurs on n'est pas contre un petit bain de foule de temps en temps, et, au niveau des files d'attente, elle a toujours rêvé d'en avoir une aussi grosse que Marc Lévy) ;
- vous connaîtrez enfin une célèbre célébrité qui a des articles partout dans les journaux (bon, le Figaro, on n'est pas obligés de lui en vouloir...), et vous pourrez dire à vos petits-enfant (comme dans le truc de Shakespeare avec le type tout énervé qui veut aller se friter avec d'autres types) que vous Y étiez, que vous L'avez vue, qu'ELLE vous a parlé et peut-être même souri (mais bon, faut pas rêver quand même, ça ne marche pas à tous les coups) ;
- et puis quoi que vous en pensiez, vous n'avez rien de mieux à faire (ou alors, il faudra le prouver avec un mot du docteur).

On est d'accord ? Alors, faitez-lui une bise de ma part.

18.5.07

Carte postale du front de l'adolescence

Transplanté pour le ouikend à la campagne avec Anton et Zadig.
Hier, il a fait un de ces temps dont l'Aveyron a le secret : pluie, vent, et un ciel gris comme une âme de confesseur.
Ce matin, dès l'aube, j'ai sauté dans ma Fiesta pour une course inutile ; interrompu en plein milieu, je suis retournée chez mes Vieux Parents pour voir le jour se réveiller.
Il y avait une dernière goutte d'eau sur une feuille du lilas, qui se demandait si elle devait tomber plus bas ou s'évaporer ; c'est une décision capitale pour une goutte d'eau.
Des lapins pullulaient tranquillement dans le champ d'à côté ; la lumière faisait des trucs sympas avec les arbres, le vent était juste frais, les herbes trop hautes (mais que fait la tondeuse ?) parlaient de printemps et de nappes phréatiques.
Ca me rappelait mon adolescence, les petits instants de respiration avant de partir au lycée, mon p'tit sac au dos ; la couleur des choses; le calme transitoire.
Et puis Anton, Zadig et leurs cousins se sont réveillés, et voilà que recommence le grand bordel familial.
Allez hop, au boulot.
On met Gulli ou Yu-Gi-Oh ?

16.5.07

Par la petit bout de la culotte

Sexualité, encore...
Une amie m'a emmené voir Entre Adultes, de Stéphane Brizé. J'en suis ressorti avec des sentiments mitigés.
Le principe est simple : en plan fixe, des couples discutent ; chaque personnage apparaît dans deux scènes, la première avec un partenaire, la seconde avec un autre.
Moralité (si j'ai tout bien compris) : le sexe, c'est triste ; c'est l'objet de mensonges et de manipulations ; les hommes sont menteurs, lâches et trompeurs ; les femmes sont des victimes ou des dépressives (ou les deux, hein, ça fait qu'un voyage). En sortant du lit d'une autre femme, un personnage reproche à la sienne d'oser parfois fantasmer sur d'autres, on est en couple, c'est pas normal, moi ça ne m'est jamais arrivé.
Bon bin s'ils le disent au cinéma, hein, ça doit être vrai...
A côté de ça, les acteurs et les dialogues sont stupéfiants de vérité ; d'après le générique (à l'Utopia, tu es obligé de le regarder en entier sinon on te fouette), c'est le résultat d'un stage d'improvisations théâtrales. Mais de là à tout filmer en plans fixes de 10 minutes, avec une image immonde et des décors... euh... naturels (5 fois la même cuisine avec les carreaux blancs, ça donne surtout envie de courir chez Castorama), il y a un pas.
Bon, bref, un film intéressant. Chiant, mais intéressant. Enfin, surtout chiant.
Sur le même principe, beaucoup plus drôle, inconvenant et réussi, je vous conseillerai plutôt un livre qu'on m'a offert, La chapelle Sextine. Ou, au moins, le sexe est envisagé sous l'angle du plaisir et de l'échange - sans pour autant négliger les questions qu'il pose.
Hé bin c'est encore une critique de film qui se finit par "lisez un livre"...

13.5.07

Dernier chic

Utsumi, ignare !

(nan, nan, c'est à cause de la rétrochronologie, lisez dessous, vous allez comprendre...)

12.5.07

Ecrire, dit-il

Au fait, j'envisage de monter des ateliers d'écriture, à la fois en live et par internet, ça intéresse quelqu'un ?
Ca parlerait grosso modo de ça :


Pourquoi j'écris (alors qu'on ne m'a rien demandé?)
Coincé ? Apprenez à vous soulager
L'Ecriture est le truc le plus naturel du monde (alors pourquoi je l'ai pas, là, tout de suite ?)
Comment que ça s'écrit, la Grand Mère ?
Pourquoi tous ces éditeurs me rejettent-ils tous ?
Imprimer/ Déprimer
Est-ce que je peux vivre en étant écrivain ? (la réponse est : oui)

Ce sera un savant mélange de holistico-yogo-psycho-philosophiquo-linguistico-foutraphysique. Vous allez adorer. Je vais même en faire toute une petite entreprise (qui aime bien la crise)

La décision est officielle depuis avant-hier : tout seul comme un grand, je me lance dans le conseil, l'avis ; j'offre mes services comme consultant en écriture. Que vous pouvez solliciter par les commentaires ci-dessous ou par le truchement de mon mail, manu.causse@free.fr)

Oh, and for the few bilingual readers (and those who'd hope to become bilingual writers, too), I'm offering my services as Creative & Administrative writing coach. Do contact me on my mail, manu.causse@free.fr.).

Bin voilà, c'est fait. Oh, et puis, des traductions aussi. Littéraires en particulier, mais tout m'intéresse...

Revenons à nos moutons: au début de ce mail, je voulais parler de l'art de raconter des histoires, et de comment retrouver l'état le plus naturel du monde.
(How to write stories, the most natural art)
Ecrire, en effet, est un truc qu'on fait en permanence.
We permanenlty write (ok, cut off the subtitles, they suck)
Depuis tout petit, et même avant, on se raconte des histoires. On se fait des images (c'est à peu près pareil).
You write stories since childhood ; you picture things (which is kind of the same) / DIDN'T I TELL SOMETHING ABOUT SUBTITLES ?
En fait, c'est même ce qui fait de nous des hommes (ou des femmes). La première image.
(Our fisrt picture made us) (a bit short, as a subtitle)
(Fuck you, that's an adaptation, got to be fast on subtitles)
(ok, go on)
(thought you wanted-me to stop ?)
(no, please, go ahead)
(I don't know if I want to)
(come on, it's important...)
(oh it is, is it ?)
(Ok, ok, I apologize... Go on now).
La première chose qui nous appartient, qui nous identifie en tant qu'être, que "Moi", est la première image que nous avons produite dans notre cerveau. J'entends par "image" un truc qui est resté. La première chose que nous avons ressentie comme image et non comme ressenti.
En tant que nourrisson, nous sentions, par tous nos sens de bébé, le monde autour de nous ; mais nous ne nous en faisions pas d'image; pas d'image permanente, en tous cas. Tous les pédopsychiatres vous le diront.

( The first thing that builds us is our first brain-produced image. Before that, we were children, feeling things without "printing" them)


So, far on, the first thing that we think of as a "memory" is linked with the exact moment where we happen to have conscience of ourselves. And thus, what we think of as an "I" is identified with this very first moment.)

Depuis, tout ce que nous pensons, disons, écrivons ou produisons est identifié comme existant dans la persistance, et possède donc la capacité d'être imprimé dans notre mémoire.

(Everything what we think, say, produce or write since then exists in a persisting way, and can be brought into our short or long-term memory)

Dès lors, nous percevons les situations comme des suites d'images, et nous les relions par le fil de notre pensée. Nous nous racontons (ou on nous raconte) des histoires pour les faire correspondre.

(Images to us are the very essence of situations, framed together by the link of our thoughts. We tell story to ourselves - or, if we're too young or under other circumstances, we are told stories that make those images match in a narrative frame.)

Je ne m'attarde pas ici sur les possibilités du mensonge, du rêve et d'autres ressorts psychologiques ; je répète simplement que se raconter des histoires est la chose la plus naturelle du monde.
(Dreams, lies or psychological stuff are very interesting ways of playing with this frame ; but, for now, I stick on my point : telling stories is the most natural thing).

Alors, pourquoi, parfois, n'y arrivons-nous pas ? Qu'est-ce qui nous empêche d'écrire, de parler, de raconter ?
(So, why, sometimes, aren't we able to do it ? What prevents us to write, talk or tell things ?)

Bon, évidemment, j'ai quelques réponses à ça. L'une d'elle m'est venue aujourd'hui, alors que je cherchais en vain des histoires qu'on m'a commandées.
(no more subtitles, too tired... see you soon)

Je cherchais des trucs compliqués, des trucs d'écrivain, avec des chutes, des timing, des convenances ; et je bouillais intérieurement de ne pouvoir les trouver à la seconde, tout en sachant très bien que cela ne servait à rien.
Je suis allé à la médiathèque Jojo Cannabis avec Anton et Zadig. L'atmosphère y est touour rassérénante. Alléchés par une expo de mangas (et surtout par la possibilité de tout un tas de Dragon Balls à lire), les types ont passé une super après-midi à lire et à traîner dans les rayons ; moi, je me suis lu un Taniguchi, L'Orme du Caucase.
A la première "nouvelle" (il s'agit d'une suite d'histoires courtes), j'avais retrouvé tout mon calme (un peu mis en péril ces derniers jours).
A la deuxième, j'avais les larmes aux yeux.
A la cinquième, deux enfants dans une forêt m'ont fait irrémédiablement penser à Anton et Zadig ; j'ai appelé Zadig pour lui lire l'histoire (Anton préfère lire tout seul). A la fin, j'avais putain besoin d'un kleenex et l'envie d'embrasser le monde autour de moi.
Elle n'est même pas si bien montée que ça, sa nouvelle. Trois flashbacks, c'est trop à mon goût (ou alors il y un intérêt que je n'ai pas compris). Mais Taniguchi m'impressionne par son art de prendre les histoires les plus simples, les plus ténues, et d'en magnifier les sentiments.
C'est là que j'ai pensé qu'il n'y avait rien de plus simple que d'écrire des histoires. En revanche, c'est plus difficile de les raconter avec autant de qualité et de bonheur.

Et ce qui me faisait bouillir quelques minutes avant s'est doucement éclairci. Il me fallait attendre d'être heureux pour écrire de belles histoires.

J'ai attendu patiemment. Et elles sont venues - avec tout un tas d'autres idées, en plus.
Et je m'apprêtais à les écrire quand j'ai grossièrement été interrompu par ce blog.

Des fois, je vous jure...


PS (sauf que je n'aurais pas dû faire un PS, mais un nouveau post, pour faire plus chic, mais j'étais par là pour ajouter un lien, ça ne fait qu'un voyage...): L'Orme du Caucase semble être adapté de nouvelles, faut que je vérifie le nom de ce type, Usumi... mon inculture est crasse, je l'admets.




érotismes héroïques

Hier soir, une soirée "Lectures érotiques" dans une salle associative, avec des potes.
Au niveau du public, c'était... disons, très perfectible, mais au moins on s'est amusés à lire.
J'avais préparé deux textes pour l'occasion. Alors vous savez quoi ? Bin je les mets ici, ils seront au chaud.



Mon corps de rêve (écrit pour ma copine Gé la comédienne)


Ce n’est pas ma faute si j’ai un corps de rêve.

Regarde-moi. Regarde mes hanches.

Regarde mes seins. Regarde mes lèvres.

Regarde où est ma main.

Tu rêves de moi. Tu rêves de mon corps.

Tu rêves que je m’approche de toi – peut-être un peu timide avec mes lunettes. Mais je peux les enlever.

Je peux tout enlever.

Je peux t’enlever, toi.

T’entraîner dans tes rêves.

Je ne suis pas une femme ; je suis toutes les femmes. Je suis toute la douceur, tous les parfums que tu goûtes, tous les chemins secrets.

Je ne suis pas un homme ; je suis la peau de tous les hommes. Je suis toute la force, tous les reins qui palpitent, tous les bras dont tu rêves.

Viens.

Je suis ce que tu rêves. Depuis toujours.

Je suis la source qui glisse à tes lèvres, je suis la langue qui parle à ta peau.

Je suis le désir d’oublier les barrières, je suis ce qui s’immisce au plus secret de toi.

Je suis le goût de l’amour, l’odeur de la lumière, le parfum d’une plante qui pousse partout.

Dans toi. Dans moi. Dans nos corps qui se mélangent.

Dans le cri du plaisir qui devient une fleur.

Dans les draps qui nous couvrent et où je disparais.

Réveille-toi. Je ne suis qu’un rêve.

Ce n’est pas de ma faute si j’ai un corps de rêve.

Ce n’est pas de ma faute si tu rêves de mon corps.









Et puis aussi un vague slam (donc il faudrait le dire plutôt que le lire, mais bon on n'en est pas encore là),



PORNOLOGIE

Je sors de chez toi avec sur le corps

L'odeur de ta peau qui me parle encore

J'emporte avec moi les mots qu'elle me dit

Qui mettent mal à l'aise en sortant du lit


Ton sexe mon sexe nos parties génitales

Nos pénétrations - c'est pas vraiment génial

J'peux rester dans le vague, ne parler que de plaisir

Faire quelques métaphores au sujet du désir

Te parler de ta fleur et des tes fruits cachés

D'abricots et de figues, mais... je suis pas maraîcher

Et si je cite le miel et l'eau de ta source

T'auras vite l'impression que je fais la liste des courses

Je sors de chez toi avec sur le corps

L'odeur de ta peau qui me parle encore

J'emporte avec moi les mots qu'elle me dit

Qui mettent mal à l'aise en sortant du lit

J'ai cessé de parler comme font les enfants

De kikis, de foufounes et de sboubbis géants

Je n'ose pas parler comme les gens grossiers

De chattes et de bites, de mettre et d'enculer

Et pourtant c'est si bon ce que l'on fait ensemble

Qu'il doit bien exister quelque part il me semble

Des mots qui ne soient ni cliniques ni paillards

Parce que tellement d'amour, putain, c'est même de l'art

Et j'aimerais bien devenir un poète

Pour trouver autre chose que des rimes en "quéquette"

Mais tout ce que mes mots peuvent, c'est balbutier

La langue que nos corps savent si bien parler

Je sors de chez toi avec sur le corps

L'odeur de ta peau qui me parle encore

J'emporte avec moi les mots qu'elle me dit

Et une fois encore, ils restent interdits

8.5.07

Going on

La répèt' d'hier soir s'est transformée en mini-concert, suite à l'arrivée imprévue d'un public ;
les discussions philosophiques, métaphysiques, politiques, juridiques, artistiques, psychologiques, se multiplient et se répondent ; les travaux, les apprentissages et les rencontres s'enchaînent ; chaque instant avec Princesse est une nouvelle découverte.

Il n'y a pas besoin de prière pour les jours heureux.
Juste savoir remercier.

7.5.07

Défaite

Hier soir, une amie et moi, nous commentions vaguement les résultats autour d'une pizza.
Même pas surpris. A peine un peu déçus. Après tout, c'est le jeu.

Et puis le coup de fil est arrivé.
Nous le savions. Nous l'attendions, malheureusement.

L'ami qui se battait depuis onze mois contre les pronostics des médecins se repose, maintenant.

J'ai laissé mon amie à son chagrin. Nous ne sommes pas assez proches pour partager ces instants.

Sur le chemin du retour, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas de prière pour les morts. Ni pour ceux qui restent.

Ca me manque. On devrait savoir quoi dire, dans ces moments.
Pas des paroles de circonstances, pas des litanies de mots oubliés.
Les vrais murmures du coeur qui saigne et se souvient les larmes aux yeux.

Adieu ?

4.5.07

Pfuiiiiiittt

Et là, pfuiiiittt, le PC s'éteint. Comme ça, tout seul, sans que je fasse rien de particulier.
J'appuie sur le bouton, une fois, pour rebooter. J'aurai sans doute perdu dix minutes de travail, peut-être moins.
Premier écran.
Pffuitttttt.
Oups.

Bouton à nouveau.
Ecran. Pfuiiitttt. Oups. Plus grave que je ne pensais.

Bouton.

Plus rien.
Oh hé ?
Plus rien.
Plus
rien.

Et là se lève en moi la force du lecteur assidu du traité du Zen et de l'entretien des motocyclettes. La partie qui traite du zèle (gumption, faudra que je vérifie la traduction un de ces jours), des revers à notre enthousiasme.

Right now, this screw
(une vis bloquée qui empêche d'ouvrir le capot moteur - ici, un bouton de PC) is worth exactyl the selling price of the whole motorcycle, because the motorcycle is actually valueless until you get the screw out.

Dans mon cas, le bouton du PC a même beaucoup plus de valeur que le PC lui-même : derrière lui se trouve mon travail en cours, mes textes, mon accès à Internet, ma correspondance...

Zen. Conseil n°1 : boire un café. Dans mon cas (mais je transpose), fumer une cigarette. Et laisser les pensées s'agiter, puis se calmer.
Si c'est, comme je le pense, un problème de disque, je risque fort de me retrouver avec deux semaines de travail en retard - sans même parler des textes que je ne pourrai pas récupérer.
Peur ?
Inutile. Il doit exister des solutions. Plus je m'inquiète des conséquences, plus je suis troublé par elles, moins ces solutions peuvent m'apparaître.
Zzzzzzzzzennnnn.

Appeler un réparateur. Le premier dans les pages jaunes, celui qui habite pas loin de chez moi, fera l'affaire.
Comment ça, la batterie ? Parce que j'ai une batterie, moi ? Ah.
Pour demain soir ? Un peu long. Je vais voir ce que je peux faire, je vous appelle.

Voiture. Mr Confo, qui m'a vendu mon portable il y a deux ou trois ans.
SAV. Un type charmant.
- Un problème en informatique ? Ah mais désolé, moi je m'occupe du bois, mon collègue est en vacances.

Zz (grrrbrjtrgrlrkj)
zzzzz (ayayaya)
zzzen.

Tiens, combien ça coûte, un nouveau portable ? Tout ça ? Que ça ?
En admettant que je me fasse renvoyer certains textes qui ont circulé par mail, que je me retape un carnet d'adresse et autres joyeusetés, je vais en avoir pour... mettons deux jours de retard.
Pourquoi pas ? Quand aux textes dont j'ai le plus besoin (les textes courts dont je parle ailleurs), il me suffira de les retaper.

J'hésite un poil à m'offrir un tout mignon portable ; bon, ça veut dire un petit mois de salaire en moins, mais après tout, l'argent, c'est fait pour circuler, non ?

Le temps que je réflechisse et que je passe un coup de fil à mon discounter PC préféré - qui ne peut pas me répondre tout de suite - j'ai repéré un frigo et quelques accessoires dont Princesse pourrait avoir besoin pour meubler son appart Ikéa. Téléphone à nouveau (au fait, il y a dix ans, sans portables, ç'aurait été une vraie galère, tout ça...) ; et puis, comme j'ai les mains prises par un micro-ondes volumineux, je laisse de côté l''achat du PC.

Rerereretéléphone - le réparateur est en ville, il m'attend. Gentil, affable, rassurant. Au pire, il me récupérera toutes les donnés sur des CD. Demain soir, au plus tard.

Prendre Anton et Zadig à l'école (chouette, il y a des cartons plein la voiture de Papa, un des deux est obligé d'aller devant !), un saut chez le boucher, Grande Soeur qui me prête son portable pour l'urgence, retour à la maison... et le réparateur qui m'appelle, "C'était rien, Madame Denise, juste un peu de calcaire dans votre eau, c'est comme neuf maintenant."
Tiens, je viens de gagner le prix d'un portable neuf, moi...

Anton, Zadig et moi, on cuisine en bavardant. Ils maîtrisent peu à peu les subtilités de la purée Mousseline, et j'ai même réussi à leur avouer que les trucs qui n'étaient pas jaunes à l'intérieur, c'étaient des épinards, des brocolis et des carottes ; bin, de façon surprenante, ils ont mangé quand même. Allelujah.

Fin de la journée. Calme.

Ce n'est pas (seulement) de la chance. C'est beaucoup de tranquilité d'esprit.

En une après-midi, j'ai fait marcher la grande distribution, l'artisanat de proximité, monsieur SFR, quelques distributeurs de pétrole, Monsieur Mousselin (celui de la purée) ; Princesse n'a pas à courir partout pour son électroménager, je n'ai pas pris vraiment de retard dans mon boulot ; et le soir, on a lu une histoire avec les garçons.

J'ai repensé à mes années d'enseignant (vous savez, ces fainéants qui ne bossent jamais). Je n'aurais pas pu passer une journée comme ça. Pas avec ce sentiment de tranquilité et de choses qui vont d'elles-mêmes.
J'aurais couru, tempêté, stressé, engueulé les garçons. Je n'aurais pas pu m'empêcher de penser à tout ce que je risquais de perdre.

Alors moi je dis,

1) il faudrait toujours lire Robert Pirsig (et avoir des potes et une Grande Soeur)

2) Elle est où, là-dedans, la valeur travail ?
Désolé, Nico, mais ce n'était pas productif. Juste agréable. Juste bien.

3.5.07

Et pour conclure...

Je relis les post d'hier soir, et je m'aperçois que je suis un poil schizo en matière de politique. A la fois parce que ça m'intéresse, voire davantage, et parce que je refuse de m'engager. Pourquoi ? Je suppose que c'est à la fois une vieille peur de me mettre en colère, une ambition d'impartialité, une volonté dalaïlamesque d'acceptation, et une tentation michelonfreyique de déplacer le problème à un autre niveau.
Comment je me la pète...

J'ai entendu en fin de soirée M'ame Ségo prétendre qu'il y avait des révoltes justes, des colères saines ; c'est possible. Mais qui décide desquelles ? Et comment ? Si on se fonde là-dessus, est-ce que ce n'est pas toujours celui qui gueule le plus fort qui a raison ?

Enfin, et pour en finir une fois pour toutes (j'espère) avec mes ratiocinations politiques, il me semble que le discours de Nicolas Sarkozy hier était clair, rationnel, construit et précis, et que celui de Ségolène Royal était vague, général et souvent complexe.

Ca me rappelle ce vieux dicton : à tout probléme complexe, il existe une solution simple.
Et ce n'est jamais la bonne.

Quant à la "valeur travail" du Nico, elle me semble passionnante. Surtout quand il explique qu'il faut travailler plus pour pouvoir se payer davantage de vacances. Pour moi, c'est une merveille d'absurdité.
Comme écrivain, ou comme musicien, je ne travaille jamais davantage que quand je regarde passer la Garonne depuis les berges, ou le temps depuis mon balcon. Quand je suis vraiment en vacances - c'est-à-dire quand je laisse le vide, la vraie vacance, se faire dans ma tête. Une partie "productive" peut arriver (ou pas) ensuite ; mais je peux passer autant d'heures que je veux à écrire, si ce vide n'a pas été fait avant, ce ne sera pas de l'écriture - ou alors juste des carnets, des résidus de blog qui n'auront pas d'autre utilité que me rassurer et m'exercer.

Alors tu vois, Nicolas (oui oui, il lit ce blog quotidiennement, alors je m'adresse à lui en direct), je pense que tu te trompes. Que c'est exactement l'inverse. Il faut davantage de vacance(s) pour travailler mieux.

Va dire ça, interjecte le Nico, à un type qui gagne moins de mille euros par mois, et qu'on force à travailler moins, parce que...

Bin figure-toi que j'en connais plein, de gens qui ne gagnent pas des sommes folles. Des chômeurs, des intermittents, des SDF de l'emploi, des SDF tout courts. J'en connais certainement beaucoup plus que toi - des gens, pas des chiffres dans des feuilles de statistiques. Et ils savent comme moi qu'à passer plus de temps à leur travail, quand ils en ont un, ils gagneront quelques clopinettes - allez, mettons cinquante euros de plus par mois ? qui ne changeront rien à leur train de vie. Et qui ne les rendront pas plus heureux.
Mais la politique, me diras-tu, ne s'occupe pas du bonheur des gens.

Bin tu sais quoi, Nico ? Elle devrait. Ca la rendrait intéressante, pour une fois.

Bref, et parce que toutes ces réflexions me prennent trop de temps, je me remets en vacances pour quelques temps.

Ou au travail, c'est selon.

2.5.07

Tant pis pour la tranquilité de l'esprit...

Contrairement à ce qui est dit -ci-dessous... j'ai craqué.
J'ai allumé ma télé comme un con et je suis le combat de roquets.
Et ça m'agace.
Je sais pour qui je vais voter, mais elle serait plus sympa si elle enlevait son balai... Et ces petits coups d'oeil dans tous les coins, c'est agaçant : on dirait qu'elle cherche à se souvenir de ce qu'elle veut dire. Puis ce serait plus sympa avec un ton et demi de moins dans la voix. Des pauses.
Elle aurait dû essayer le canabols, la Ségo. Lui non, ça le rendrait schizo.
Là, au bout d'une demi-heure de temps de parole (comment c'est lourd, ce chrono !), ça devient filandreux. Leur utilisation du "Je" m'exaspère, aussi.
Oh, ça y est, ils m'agacent trop, je me mets un film et je tape mes histoires avec l'autre partie de mon cerveau.
Si je suis cap de me décoller de la télé.

Comment ça craint, je n'ai pas de titre (parce que je ne sais pas ce que je raconte ?)

Je vous écris à l'heure où, sur nos écrans, les politiques de communication des communicants politiques sont censées faire rage.
Comme tout le monde, je me demande si le petit Nicolas va faire parler sa nervosité de nervi et si Dame Ségo va se mettre à bramer dans le plus pur style "Marianne-nous-voici", ou au contraire à bégayer sa politique comme elle a parfois l'air de le faire. Mais je refuse d'allumer ma télé pour savoir ça.
Sans être totalement étranger au climat politico-passionnel de ces dernières semaines, je me rappelle les préceptes de Bob Pirsig, qui dit que la condition essentielle à l'entretien des motocyclettes est la paix de l'esprit ; et j'étends ses paroles à l'écriture. Du coup, vous n'aurez qu'à me raconter tout ce qui est en train de se passer.
Tiens, à l'instant, je me suis laissé gagner par une poussée de fièvre analytique sur le vocabulaire de la campagne ; mais je l'ai interrompue le temps d'une cigarette, et au même moment, un gros chien est venu caguer juste sous ma fenêtre. J'ai décrypté le message coprocanin, et j'ai effacé. Des analyses, il y en a dans tous les sens, et peut-être même des bonnes... Vous savez pour qui vous allez voter, vous ? Moi oui. Et advienne que pourra.
Tranquilité de l'esprit, donc. Et au travail, mon bonhomme. Après ces quelques jours de mollesse, un peu de concentration serait de mise.
J'écris en ce moment de petites histoires dans un but bien précis, avec un nombre de signes défini, des consignes assez claires... bref, du travail de commande. Et par une bizarrerie que je m'explique mal, c'est un pur bonheur. Il me suffit de m'asseoir, de savoir que j'ai une heure de temps devant moi, et paf, la petite histoire s'écrit, presque toute seule. et j'en suis même content.
J'adore écrire sur commande ; ça doit être mon côté "auteur du XVIIe" (siècle, par arrondissement, on n'a pas ça à Toulouse), dans le genre :
"Bon, mon p'tit Racine, pour mercredi, c'est mon anniv, tu me fais péter une p'tite tragédie, ok ?"
"OK mon roi, si tu aboules la thune". (Note, pour la thune, on n'est jamais vraiment certain.)

Je m'amuse, donc, à retrouver la tranquilité de l'esprit. Et si la personne à qui sont destinés ces textes ne les veut pas, bin vous savez quoi ? Je les collerai ici même. Faut pas gâcher.

Bonne soirée électorale.