27.3.13

1035. Le principe de Peters

1. Va savoir pourquoi...
Think about it (illus. E. Urien)

... j'ai comme des envies de poser des principes des limites des choix des actes des mots des actions.
Ca doit être le printemps, j'imagine.



2. Au théâtre hier soir (comme dans "tu n'étais pas...")

... et tu as bien fait. J'étais (en partie) heureux de voir un spectacle qui ressemblait à ce que pourrait devenir Daniel/Les papillons. Dans mes pires cauchemars.

(extraits d'un mail échangé avec S.B, potentielle comédienne)
 
Acteur creux, agitation dénuée de sens ; phrases qui se coupent en plein milieu, se veulent profondes ; dramatisation à la limite du putassier, avec petites filles mourantes de faim les bras coupés et réflexions empruntées sur l'art.

On n'a échappé à rien, ni au type qui se fout à poil pour s'agiter de façon épileptique, ni à l'adresse au public pour lui demander ce qu'il fait là ; il y avait, bien entendu, la voix off enregistrée de l'acteur qui prend le relais, le jeu d'ombres chinoises, et, comme toujours, la projection vidéo - fort originale, puisqu'il s'agissait d'un paysage filmé à travers la portière d'une voiture, le tout sur fond de musique électronique, laquelle faisait pendant au concerto pour piano de musique sérielle qui avait entamé la pièce. Et les longs silences immobiles, les pantomimes censées symboliser quelque chose - se rouler dans un tapis, se répandre de l'eau sur le visage... le tout sponsorisé par un éminent comité culturel régional, avec une entrée à 12 euros à plein tarif - et cerise sur le gâteau, le banc de bois ou la chaise plastique qui te met le cul en deux morceaux - parce que le vrai théâtre, ça fait mal au, n'est-ce pas ?
Voilà à quoi je pensais en regardant ce type tout seul entre trois chaises enrouler un hamster dans du chatterton (en fait, c'était un chat empaillé, mais bon). Et puis aussi à tes phrases sur le théâtre. Je veux que les gens en ressortent changés. Quelle est ta dramaturgie de l'acteur ? Tu devrais lire...
 
Je ne lis que les livres qui me viennent dans les mains "par magie". Pas ceux qu'on m'a conseillés, pas ceux qui sortent, pas ceux qu'on m'offre (pas tous). Seulement ceux qui à un moment me font signe.
Je n'arrive pas à comprendre ce que veut dire "dramaturgie de l'acteur", et je ne suis pas sûr d'en avoir envie. J'aime le théâtre, la littérature, mais plus j'avance plus je me dis que les mots compliqués que l'on pose dessus ont tendance à éloigner de la créativité ventrale, instinctive. Il y a quelques vies de ça, j'ai soutenu un mémoire sur la dialectique baroque dans les comédies de Shakespeare ; je ne crois pas que ça ait changé quoi que ce soit à Shakespeare, au baroque ou aux comédies, et le terme dialectique me paraît aujourd'hui pédant.
Quant au théâtre qui fait changer les gens... J'aimerais le penser moi aussi. Mais je continue à me dire que payer 70 euros la place pour voir à Avignon une pièce qui dit que le travail fait souffrir et que le nazisme c'est mal, c'est le contraire d'un changement - juste une façon de se rassurer, de se donner bonne conscience. Alors certes, Molière critiquait les travers de son époque, mais il était payé par le roi pour le faire ; politiquement, il s'attaquait à ceux qui dépassaient - les bourgeois en particulier. Il s'agissait de ne surtout pas changer la société. Dans "castigat ridendo mores", on parle bien de châtier les moeurs.
Ce dont je suis certain, c'est que le spectacle d'hier ne m'a pas fait changer d'un pouce (ou alors pas plus que ne m'aurait fait changer n'importe quelle activité qui m'aurait obligé à passer une heure avec le cul sur un banc de collectivité) et que, contrairement à ce que m'avait annoncé l'ami qui me l'avait recommandé, je n'ai reçu aucune claque.
Alors à quoi bon écrire une pièce comme Daniel/les papillons, me diras-tu ? (Il faut le dire : dans la réalité comme dans mon imagination, tu poses souvent des questions impitoyables). D'abord, c'est un texte plutôt vieux - il a déjà deux ans ; ensuite, je voulais rompre avec les comédies psychosentimentales (les mélodrames, pour être encore plus péjoratif) écrits auparavant ; à le relire, je tentais sans doute de me mesurer à Beckett ou Valetti - allez, disons, leur faire un coucou de la main ; la réécriture récente m'a aussi montré que je voulais travailler sur le non-dit des phrases, avec en particulier ce procédé de phrases interrompues au beau. Enfin, ajoutes-y la volonté de faire parler une femme, ou plutôt un personnage soumis à un autre, subordonné de son propre chef.
Aujourd'hui, je suis passé à autre chose, avec en particulier les écritures "politiques" de sketches ainsi qu'un autre projet qui se veut politique, psychologique, provocateur, régional et européen (rien de moins) Ca s'appellerait La fameuse invasion de l'Aveyron par les Arabes et, si je parviens à l'écrire et à la faire jouer, ça aurait effectivement pour objectif de changer certaines mentalités - sans oublier que pour cela, il faut amener au théâtre un autre public que les sempiternels étudiants, théâtreux et bobos (que j'aime d'amour, soyons clairs, mais il s'agit de ne pas prêcher que les convaincus.
Pour cela, doit-on vraiment rester dans le théâtre ? En plus du spectacle subi hier soir, j'ai eu deux-trois mauvaises expériences récentes avec les structures théâtrales du coin ; j'ai l'impression de découvrir un manque de professionnalisme flagrant, une frilosité jalouse qui pousse les programmateurs à refaire toujours les mêmes choses et à se cantonner à "ce qu'ils aiment"... Ca sonne un peu aigri, bien sûr, mais il me semble que la question du pourquoi et surtout celle du pour qui est souvent oubliée. D'où mes recherches sur la vidéo / les performances - avec là encore l'écueil possible du trop conceptuel. Pourtant, certains des essais de lundi matin avec toi m'ont intéressé... Daniel/Les papillons ne pourrait être ni une série, ni un film, ni vraiment un spectacle de danse (encore que). Bref, à mesure qu'on avance, des limites se posent, et malgré mon ennui d'hier soir - et les réactions épidermiques que tes questions et tes remarques peuvent entraîner chez moi - je trouve que c'est en très bonne voie.



3. M'enfin tout de même

... si c'était moi et mon texte, filmé en go-pro, ça donnerait ce genre de (rassure-toi, celle-là est courte).
Et puis sinon, c'est bien beau d'écrire avec sa caméra, mais tout de même : le Sex Artist n'avance pas. Il faut dire que l'écriture du cinquième chapitre pue du cul.
Comme disait Victor Hugo.



4. For Mary, whenever she may find me

Et souviens-toi : la source finit où elle commence 
où elle finit
où elle commence

etc.

21.3.13

1034. Encore un printemps

Fleurs / diable
1. Raté

D'où ça que j'ai pu oublier de fêter le, hier ? A la place, j'ai psychoté couru traducté couru rugbyté couru et passé une soirée au théâtre avant de débriefer tout ça avec les potes ; mais bon, l'idée est là - joyeux printemps. La graine qui souffre un peu au moment où elle s'expose à l'air frais encore, mais la promesse de la fleur, l'attente des fiançailles.
Oui, joyeux, vraiment.

2. Bubbles

Ca doit être l'effet du passage saisonnier susnommé, mais mes bullettes (ces images qui me viennent alors que je fais complètement autre chose) sont particulièrement fortes ce matin, au point que la trad se traîne. Et puis c'est sa faute, aussi, à la traduction : tu crois que j'avais besoin que le mot "timbale" vienne la décrocher, dans ma mémoire ? Pfff, je te jure, c'est pas une vie tous ces états d'âme.



3. Calling Dibs

Mon père avait une timbale – un verre en étain gravé, qui lui venait disait-il de sa marraine, pour sa communion. La timbale était rangée dans le placard de la cuisine. Elle donnait un goût étrange à l’eau, mais nous aimions boire dedans. Nous nous la disputions, ma sœur et moi, comme les cuillères au manche noir qui évoquait la pierre - peut-être de corne ou de bakélite - ou bien la place sur le solex de mon père, debout sur le petit marchepied au-dessus des pédales.
Le monde alors était peuplé de ces minuscules choses à l’importance capitale – la timbale gravée, les cuillères noires, la plateforme du solex. Lorsque nous y pensions, lorsque venait le moment du repas ou celui, exceptionnel, d’aller faire les courses à trois sur le solex, nous nous disputions la place, le privilège ; nous inventions, ou nos parents inventaient, un ordre de préséance. Tu l’as eu la dernière fois. Tu l’auras la prochaine.
Apprendre à partager. Désactiver nos jalousies morbides disait ma mère (Dolto ne mourut pas en vain). Posséder l'imprenable, ou apprendre à ne plus le désirer.
Aujourd’hui, j’ai perdu le mot timbale ; en Grèce, j’ai regardé les familles juchées à quatre sur un scooter avec admiration et inquiétude ; les enfants se moquent de moi quand je leur demande de remplacer les couteaux à bout rond par des couteaux qui coupent.
Il y a peu d'endroits que j'ose désirer aussi fort.
Mais fendre l’air, guidon entre les mains, coincé entre les genoux de mon père, tout comme le goût marron doré de l’eau dans la timbale (ou l’air minéral, la terre rouge et la pierre laiteuse au début du causse) – tu vois, évoquer ces flottaisons ténues gonfle ma gorge de mélancolie.

4. Let's parlons d'autre chose

La semaine commença de façon doucement hystérique, avec un enregistrement-gueuloir * de l'ex - En attendant Daniel, devenue Les papillons en attendant un(e) comédien(ne) et une émission de radio de fort bonne facture ma foi.

J'aurais presque pu être content de moi et m'endormir sur mes lauriers autosatisfaits si (et je les en remercie) je n'avais croisé le chemin de la polyvocale Marie Sigal pour une franche partie de, puis le lendemain les magnifiques comédiens de l'Avantage du doute ; leur spectacle sur le travail, contrairement aux performances creuses et prétentieuses qui guettent parfois le théâtre**, font preuve d'une vraie écriture - dynamique, nerveuse, née de la scène -  d'un vrai spectaculaire - le rapport au public, à l'espace, à la surprise, s'organise à merveille, avec efficacité et sans forfanterie ; et surtout, loin d'illustrer une problématique, ils créent/représentent un lien, un rapport humain, avec une intensité exceptionnelle.
Il reste trois jours pour les représentations toulousaines, c'est sans doute complet et ça fait tard pour prévenir, mais nom d'un truc, ça démonte et c'est bon, alors hein, fonce.


* Tu peux t'y risquer, mais c'est llllllllllong...
** Oui, je parle de moi, pas la peine de.

5. C'est pas tout ça, mais j'ai du taf

Elle est, dit-elle, mon île
et ses abords
parfois abrupts mais
elle a de ces plages 
de ces grèves languides
hélant le nageur épuisé et

Euh, non, pas de poésie le jeudi, c'est péché.

13.3.13

1033 - Quelques exercices de solitude

No pics today
1. Exercice 1 (ça fait rangé, comme titre)

Et, parce que tu ne peux plus respirer si près d'elle, tu t'enfuis. Trouve-toi une tanière ; trouve-toi des habitudes - même pour quelques jours. Inquiète-toi de ton prochain repas, des voix que tu entendras, des gens que tu vas croiser. Cesse de penser aux peaux qui s'éloignent de ta peau. Dis non, fermement, à ton mental qui t'entraîne. Reste ici, immobile. Au mieux, respire.
Attends.
De ne plus attendre.
Ou l'inverse, évidemment.


2. Travailler au mépris

Toutes jolies, ces inquiétudes ; ces émotions ressassées et leur boucle impeccable - c'est mal - ce n'est pas assez bien - c'est ma faute - c'est la sienne - c'est fini - ça commence - je meurs - je suis vivant.
Aussi, mépriser un petit peu la condition privilégiée qui fait que tu n'as réellement ni froid ni faim, que des amis t'entourent, que la famille autour de toi en rangs compacts ; imaginer que tu coupes les ponts pour passer tes nuits dessous. Que tu perds tout, et surtout toi-même, volontairement.
Accepter que tu trembles de peur que tu crèves de solitude

et agir tout de même
et chercher la lueur orange au coeur de la neige, ce feu doux dans la poitrine qui t'indique heureux, à l'intérieur.

3. Ailleurs

Tiens, un blog. Et son auteur. Complexe.Presque agaçante, parfois, tant elle est à vif. Qui parle aujourd'hui de. Et de douleur.
Thématique.

4. Fonte des neiges

Au matin, entre les projets crevés comme des bulles 
Et ceux qu'il devait rafistoler
Entre son calme de la veille
Et sa peur du matin
Il était là, comme les autres
Sans rien savoir

heureusement.

5. Et pour finir en gaieté

J'annonce à qui veut l'entendre que je peux écrire ce genre de paroles, en pire s'il le faut. Des amateurs ?

8.3.13

1032 - Journée de la

I used to be a child
1. En attendant Danièle

Une première, puis une deuxième comédienne qui jette l'éponge sur En attendant Daniel, solo pour une femme (ou un homme)... j'en serai presque à, également. Seulement voilà, je n'aime pas laisser des choses traîner, surtout quand elles me semblent.

Donc, rencontre avec une autre comédienne possible ; et l'idée que, vu qu'à l'oral je ne vaux pas grand-chose, je pourrais peut-être mettre à plat mes envies et motivations en trois mails, étalés sur trois jours...

(Au fait : je sais, pour du blog, c'est long, surtout si tu viens de facebook ou twitter ; mais bon, courage, ton cerveau d'avant internet a survécu, et je mettrais des petits points rafraîchissants de temps à autres, histoire que tu puisses)

2. Le point de vue de l'auteur


pour préparer une prochaine séance de travail, je me suis demandé ce que je dirais du texte si je me positionnais seulement du point de vue de l'auteur. Ca donne ce qui suit.

J'ai écrit une pièce sur la famille et ses secrets (Tonton Maurice est toujours mort); une pièce sur le couple (Désolés pour le chien, avec Emmanuelle Urien) ; un solo pour un homme, adapté d'une de mes nouvelles (La fête à Fred). J'ai eu envie de "compléter" cette série par un solo féminin.

A l'écriture, les thèmes du souvenir, de la dépendance et de l'échec sont apparues, ainsi qu'une volonté de laisser un sens entièrement ouvert à la pièce ; plus qu'un personnage, c'est une voix qui s'exprime, non pas pour proposer un sens, un scénario, mais pour évoquer des états d'esprit, l'enchaînement de paysages mentaux tournant autour d'une obsession.

Il y a dans mon écriture la volonté de rompre avec les notions de personnage, de destin ; avec une écriture théâtrale moderne sensationnaliste tendant à créer automatiquement une "bonne conscience" chez le spectateur, en lui montrant des situations intolérables qu'on prétend déplorer ou changer alors qu'il est confortablement assis à une place hors de prix. L'erreur d'un certain théâtre serait de se croire politique et moral alors qu'il n'est que moralisateur.
La tragédie grecque mettait en exergue la force du fatum, la lutte de l'humain contre le destin imposé par les dieux ; les pièces du XVIe et XVIIe mimaient l'effondrement d'un ordre social pour mieux le rétablir. Le XXe siècle a travaillé sur la voix et le corps pour mimer un sentiment d'absurdité de l'existence Selon moi, le théâtre du XXIe siècle peut et doit travailler sur la notion même de sens, chercher une portée universelle dans l'exploration de l'individuel et de l'intime - en particulier lorsqu'il utilise la forme du solo.
Le solo est pour moi à la fois l'essence du théâtre et une voie à part : il exige du comédien d'assumer en plus les fonctions de marionnettiste, de conteur, de créateur même, dans un espace où il est privé de retour des autres comédiens. J'éprouve une admiration particulière pour le travail de Philippe Caubère, et j'aime penser que son exploration de l'ordre de l'autofiction nous fournit un guide pour explorer d'autres registres ; je suis très sensible à l'écriture de Serge Valetti pour la représentation du fonctionnement de l'imaginaire, de la pensée.
Enfin, le texte théâtral est pour moi, même en tant qu'auteur, un pré-texte. Comme un compositeur classique, j'aime laisser toute liberté dans le découpage, dans l'interprétation, et également offrir des "cadences" aux comédiens - des espaces où ceux-ci peuvent écrire leur propre "solo", pour mettre en évidence leur virtuosité et leur vision de la pièce. Il m'est arrivé d'avoir la chance de travailler avec des comédiens qui montaient mes textes - et je me sens alors en position de faiseur, d'artisan qui non seulement doit ajuster une robe ou un objet à celui ou celle qui la porte, mais également prendre en compte les conditions de (re)présentation, et voir en toute objectivité ce qui "fonctionne" ou ne fonctionne pas dans le passage de l'écrit à la représentation scénique.
"En attendant Daniel" me semble être mon texte le plus ambitieux jusqu'à présent, en ce sens qu'il s'accepte comme magma, comme point de départ d'une exploration de la notion de représentation - une pièce construite à partir de ce texte explorerait, par une mise en abyme, les possibles représentations des représentations que se construit un personnage. A ce titre, il ne se veut que comme la base d'un travail, et non comme un ensemble définitif imposé au comédien et au public - participant peut-être, via la dissolution de la notion de personnage, à celle de la notion d'auteur.

3. N'empêche...

que je lui en suis reconnaissant, à ladite comédienne, de m'avoir poussé à exprimer les choses avec tant de sérieux que je m'en trouve pédant. Ou alors, on dit "honnête" ?

 4. Le point de vue du metteur en scène
 
(je continue à préparer une séance de travail...)

On parle de note d'intention. Mon intention est donc simple : transmettre au spectateur des émotions brutes.
Notre cerveau/mental/esprit construit en permanence des explications et des anticipations par rapport à ce que nous percevons. C'est ce qui nous permet de survivre (je sais qu'un lion avec de grandes dents est dangereux parce que j'ai appris dans mon passé que les grandes dents faisaient mal) mais nous plonge souvent dans la souffrance (j'anticipe une situation potentiellement douloureuse et en souffre par avance).
Dans "Daniel", la voix/personnage est dans cette situation : elle nous livre des images, des sensations et des sentiments, qui la maintiennent prisonnière de l'espace scénique, mise en abyme de son espace intérieur ; la fin du texte constitue la seule "sortie" de ce mouvement circulaire - offrant au spectateur de prendre la place du personnage. Il s'agit donc pour moi de mimer tous les sentiments que l'autre, en tant que proche, peut faire naître en nous.
J'ai travaillé avec une première comédienne qui m'avait demandé de l'aider à trouver ses marques sur le texte. Nous avons travaillé sur les personnages -  une vieille dame, une petite fille, Laura Ingalls dans "la petite maison dans la prairie", l'héroïne d'un mélo hollywoodien... en fixant un parcours spatial qui permettait de "poser" chaque facette du personnage. Cette multiplicité des personnages portés par l'acteur me paraît essentielle à la mise en scène. Elle a néanmoins posé problème à la première comédienne, qui a préféré arrêter le travail.

Elle m'a présenté une deuxième comédienne, avec laquelle nous avons travaillé pendant plus de six mois, pour créer une présentation vidéo, un rendu de résidence (août 2012) et une présentation au Théâtre du Pont Neuf. A sa demande, nous avons beaucoup axé le travail sur des expérimentations sur la voix et le corps, en partant du principe que l'intégration du texte déterminerait ultérieurement nos choix de mise en scène. Le travail s'est arrêté quand la comédienne a considéré ne plus avoir d'énergie à apporter au texte ; nous n'avons sans doute pas atteint le stade où la connaissance du texte lui permettait de se libérer - il est resté une "distance" qui éloignait la possibilité des émotions que j'aurais voulu voir transmises.
Actuellement, je cherche donc à reprendre ce travail avec une comédienne "professionnelle" et/ou avec des artistes issues d'autres disciplines comme la danse, la musique ou la vidéo.
Au cours de mes recherches, j'ai vu un certain nombre de mises en scènes actuelles qui vont toutes dans le même sens : sobriété, voire monotonie, de la voix (principe essentiel du jeu), effets "multimédia" de musique et de vidéo... si elles ont souvent un certain intérêt, le côté systématique a fini par m'agacer. Je cherche donc à travailler en accord avec une comédienne qui chercherait comme moi des pistes nouvelles, et serait capable d'exprimer les émotions les plus variées avec précision. Cette "amplitude" du jeu, cette capacité à jongler entre les registres, seraient pour moi déterminantes.

5. Sinon

Je suis en immersion dans la cellule familiale recomposée au fin fond de l'Aveyron, j'essaie la douceur avec les enfants et moi-même - je leur ai toutefois tiré dessus avec un fusil, mais rien de grave - et je me suis levé ce matin avec une nouvelle pièce dans la tête. Comme quoi, hein.

 6. Le point de vue de l'homme

...en cette journée de la femme, autant se demander ce qu'il peut être; histoire de terminer ce cycle de lettres d'intention.
L'homme doute. Dans un secret pas très secret, il se voit comme un immense auteur, un de ceux qui marquent une génération, un siècle pourquoi pas ; il se veut révolutionnaire dans son approche de la littérature et de ses genres, il guette en permanence dans les changements technologiques les pistes d'une littérature nouvelle, "multimédia", dont il serait le héros. Puis l'homme regarde le nombre de ventes de son dernier roman, le nombre de représentations de sa pièce la plus aboutie, et parfois se compare avec d'autres auteurs qu'il connaît bien et estime peu ; alors, il se dit qu'il n'est rien d'autre qu'un minable écrivaillon de province (et tu sauras qu'en France, c'est bien pire d'être "de province" que minable).
L'homme veut des révolutions et des changements, mais il a du mal à quitter son petit chez-soi, au propre comme au figuré ; il est casanier de la pensée, autarcique de l'art. Il lit peu, écrit beaucoup (trop ?), change souvent d'idées tout en tournant ses obsessions en boucle. Certes, il n'abandonne jamais définitivement un projet, mais il en a tant de projets, qu'on peut douter de son investissement véritable dans chacun d'eux. A la vérité, l'échec, ou même le succès mitigé, lui est une telle souffrance qu'il multiplie les axes de travail, histoire de pouvoir toujours se réfugier dans autre chose.

L'homme se demande si un homme peut être féministe ; si un homme peut écrire et mettre en scène une pièce qui parle de la femme / des femmes, et plus généralement d'une condition "subalterne", secondaire, dépendante. Et même si c'était le cas, même si '"En attendant Daniel" pouvait devenir un texte-étendard d'une réflexion nouvelle sur le fait d'être femme, un metteur en scène pourrait-il vraiment diriger une comédienne sans devenir lui-même ce Daniel tyrannique, changeant, autoritaire et veule, que le texte décrit en creux ?

L'homme entretient avec les femmes des rapports équivoques : il érotise volontiers les relations avec elles, s'ouvre à elles de ses désirs et de ses fantasmes - et pour autant il y a sans doute là-dessous un rapport de pouvoir rampant, une recherche de domination dans un sens ou dans l'autre. Que ressent-il quand une comédienne mime devant lui l'orgasme ou la soumission, la haine ou le désir ? Sait-il rester "professionnel" ou bande-t-il, tout simplement ? Toutes ces questions, il se les pose pour celles et ceux avec qui il travaille ; est-il Pygmalion ou proxénète, dieu créateur ou démon succube - est-il important ou infime infirme ?
Nous nous sommes rencontrés dans un café ; tu avais une parole sûre et cohérente, je me justifiais en bafouillant. Pendant la majeure partie de notre rendez-vous, j'ai pensé que tu cherchais à m'expliquer sans me froisser que mon texte était mauvais, qu'il ne t'intéressait pas et que tu avais bien mieux à faire. A la fin, tu m'as proposé de travailler ensemble une ou deux fois - pourvu que je sache ce que je voulais.
Je peux me décider à être décidé, pourvu qu'on m'y force. Ou bien je peux faire de mon indécision permanente une force - ne rien figer, ne rien fixer, laisser la parole émerger d'elle-même de la gangue de nos représentations.
A plusieurs reprises, nous avons parlé de ton envie de rencontrer des maîtres - un terme qui me fait peur, évoque pour moi les sectes et les gourous, la soumission, la lutte de pouvoir. Et pourtant, si je parviens à l'entendre, il s'agirait pour te convaincre, pour te faire jouer, de  devenir un maître - au lieu de te regarder comme une possible maîtresse. L'équivoque sémantique étant, bien entendu, entièrement volontaire.
La peur, la colère, la tristesse, la haine, le désir, l'attachement, l'affection, la joie, l'allégresse, l'amour, la jouissance : voilà des axes que j'explore, dans cette pièce et partout ailleurs. Il se pourrait que nous traversions ensemble certains de ces états. La question reste : qu'en sortira-t-il - quoi de nous restera intact ?

7. Tu sais quoi ?

Attendons maintenant qu'elle dise oui ou.

8. Teaser

Coming next sur ce blog : la réorganisation des colonnes histoire que tu puisses t'y retrouver entre les oeuvres papier, les numériques à vendre, le gratuit, le tout-venant, le en-construction et le très spécial... Et joyeuse journée de la.

1.3.13

1031. Oh ben juste.

Aucun lien avec le.
1. C'est pas moi qui le dis

— Et c’est quoi, le pitch ?
Les mots me manquent pour expectorer tout le mépris que j’éprouve pour la flatulence télévisée qui a popularisé ce sommet de platitude[1] électroencéphalogrammique, à la fin des années 1990. Comme si un livre, un film, une pièce de théâtre ou un opéra pouvaient se réduire à un pitch… Pathétique baudruche, si lisse en surface et si pleine de vide et de méthane, comme tu dois te sentir solitaire, les jours de grand vent…
L’ennui, c’est qu’à cause du clichetonneur cathodique sus-évoqué, on est un paquet à vivre également d’épais moments de solitude, dès qu’il s’agit de parler de bouquins. Tenez, essayez d’offrir un exemplaire de Socrate dans la Nuit (du lumineux Patrick Declerck) à un téléspectateur surgavé de talk-shows, pour voir :
— L’ami, voici le livre le plus brillant, le plus bouleversant, le plus désespéré et le plus hilarant que j’aie lu ces dix dernières années…
— C’est quoi, le pitch ?
— Oh, c’est l’histoire d’un mec qui découvre qu’il a une tumeur au cerveau et qu’il va mourir.
— Ah. Et… ?
— Bin à la fin, il meurt.
Forcément, ça plombe un peu[2].
C’est pourquoi, aimable lecteur, puisqu’on est ici en bonne compagnie, tu vas m’autoriser à ne pas résumer L’eau des rêves, de Manu Causse. Parce que, vraiment, on s’en fout.
Ce qui importe, dans ce roman, c’est...

Ah bin la suite, c'est chez lui. 
 Profites-en aussi pour vérifier ses agendas et autres publications électroniques, parce que le type a du.

Et moi, je kiffe.


2. Ah non merde

un écrivain, ça kiffe pas.


3. Le petit garçon dans le bus...

... écoutait la dame à la voix rauque vanter les mérites d'un homme, d'un vrai - et se demandait en même temps jusqu'à quand il resterait enfant,
parce qu'à quarante ans, merde, ça suffisait,
à moins qu'il ne soit tellement en avance
qu'il ait déjà dépassé l'âge adulte
pour revenir au point de  ?


4. Notes de bas de page

Chacal que je suis, je n'ai même pas relayé les notules et les liens du post d'Arno M. Et quand on regarde bien ce post-ci, on se dit que vraiment c'est fait en 5 mn sur un coin de bureau pour mettre de l'article élogieux en avant. J'te jure, y'en a qui n'ont honte de.


5. Il en reste

On m'informe de source sûr que les stocks de L'art difficile de rester assise sur une balançoire, de la Dame Urien, menacent d'être épuisés dès la première semaine de parution. Alors hâte-toi de, parce qu'après il va falloir attendre le retirage.