27.11.14

1089. En position

Dis camion
1. Au cas où

Mardi soir nous étions au Dahu, sympathique bar où se croisent la fine fleur de la chanson franco-toulousaine et l'équipe de Pas Plus Haut que le Bord, émission de radio satirique et politique dont j'ai déjà dû te parler tout de même.

J'y vis ma copine Vulvinia de la Caillemolle, harpie aristo-bohème bien décidée à instaurer la paix dans le monde via l'orgasme en conscience et l'amour fusionnel.

Pour mémoire, voici le texte de sa chronique, que tu pourras également entendre (avec tes bouchons d'oreille) dans l'émission enregistrée que voici - je ne te mets pas de minutage, parce que l'ensemble de l'émission est de si haute tenue que je tu vas te régaler.

Bonne écoute avec les yeux avant d'y mettre les oreilles.


2. Les crocodiles
par Vulvinia de la Caillemolle, M.D, Ph.D, z.O.B

Christophe, mon chou, sais-tu ce qu'est un crocodile ? 

Au départ, c'est un blog, plus précisément un tumbler, où depuis 2013 le dessinateur belge Thomas Mathieu illustre des témoignages féminins sur le harcèlement et le sexisme. Ce blog est passionnant à plus d'un titre, ne serait-ce que pour les questions qu'il pose. Les hommes aux comportements agressifs ou sexistes sont représentés sous forme de crocodiles, et il faut lire les réactions de certains lecteurs du blog qui se sentent pris à partie par cette image. Toutefois, le blog a le mérite incontestable de poser la question des rapports homme/femme et du sens menaçant que peut prendre la "drague" que certains mâles pratiquent sur ce qu'ils voient comme des proies plus ou moins consentantes.  En ce sens et bien qu'illustré par un homme, le blog "Projet crocodiles" est féministe - il illustre les conflits de pouvoir et d'autorité tournant autour de la question du genre. 

Christophe, réveille-toi. C'était un peu long comme phrase, mais après tu vas recommencer à comprendre.

Le blog projet crocodile est devenu un album de BD, un illustré Christophe, publié aux éditions le Lombard, et notre chère mairie de Toulouse, imaginant peut-être se faire un petit coup de pub, a commandé à l'auteur des planches destinées à être exposées sur des bâches. Pourquoi pas ? On avait bien eu la gueule de travers du soi disant nobel d'économie toulousain, un petit espace de réflexion les violences faites aux femmes était envisageable, surtout que c'est aujourd'hui, alors non c'était hier la journée mondiale contre les violences faites aux femmes, mais comme vous allez le voir, on peut toujours remettre à avant-hier la question des violences sexistes.
Car la mairie a finalement annulé cette exposition. Et pourquoi ? Parce qu'on y voyait en particulier une jeune femme se demander comment réagir face à une agression sexuelle dans le couple.

(Parce que ça existe Christophe. Vous avez beau penser que vous êtes toujours open, ouvert vous, il y a des choses qui peuvent vous blesser même dans le cadre domestique. Et je ne parle pas seulement de l’énorme courgette bio que vous avez ramené de la ferme de Lautrec).   

Or ce témoignage sur les violences domestiques, une élue du Capitole l'a trouvé immoral et vulgaire.
« Ca parle de sodomie, on ne veut pas entendre ça… »

Alors, notre petite élue coincée du cul se défend depuis d'avoir censuré l'exposition, elle raconte à qui veut l'entendre que finalement ce n'était qu'un projet, à peine une idée comme ça, et que franchement, quand les opposants crient à la censure, c'est uniquement pour l'embêter elle.

Mais je voudrais revenir sur l'explication de Julie Escudier, maire de Toulouse centre et en charge du comité d'égalité homme femme - ça commence très fort, question égalité. Elle est avocate la chérie, donc je suppose qu'elle sait ce qu'elle fait quand elle défend une cause. Et son argument est très  beau, elle dit, "On ne lutte pas contre la violence par la violence". 
C'est magnifique Julie, et je serais un homme c'est moi qui aurais le Barreau.

Donc, les témoignages du projet crocodiles étaient violents - trop violents pour être vus par le public, et en particulier par les enfants - les enfants, vous savez, ces petits êtres bien pratiques pour les culs-bénis de tout bord, parce qu'ils permettent de justifier toutes les formes de censure et d'inégalités, même si dans le même temps on peut les exposer à la publicité et à toutes les représentations de la féminité soumise et hétéronormée, par exemple avec les immenses affiches vantant le prochain salon de l'érotisme. 

(Autre intérêts des enfants pour nos amis bien pensants c'est évidemment qu'on peut en acheter les faveurs pour pas cher quand on voyage en Asie du Sud-est  - vous savez, ce n'est pas facile d'être un censeur, il faut pouvoir se détendre aussi de temps à autres.)

Notre Julie, donc, et notre cher Jeanlin Mouduc avec elle, ne veulent pas exposer les enfants à la violence des témoignages du projet crocodiles. Je propose donc dans la même veine qu'on interdise les témoignages de victimes de guerre - c'est quand violent tous ces gens qui se font bombarder déplacer gazer, etc, pourquoi est-ce qu'on en parle ? Moi ça m'agresse. De la même façon, c'est surtout pour vous Christophe, il faudrait cesser de s'apitoyer sur par exemple la souffrance au travail, je comprends bien  - c'est tout de même violent de s'entendre dire que le travail et le capitalisme broient. 

En revanche, ce qui intéresse la mairie, c'est plutôt la souffrance des commerçant à qui les jeunes ne disent pas bonjour et devant la vitrine desquels les chiens des SDF font parfois pipi - ça c'est d'une violence insoutenable et cela il faut le dénoncer. 
Ou la souffrance de tous ces gens qui lisent du Zemmour en sachant pertinemment qu'il ment comme un arracheur de dents pour leur faire peur et se faire peur, mais ça on ne va pas interdire, on ne va pas prétendre que c'est trop violent, vous comprenez, là c'est les gens bien qui souffrent, pas les femmes - enfin quand je dis femmes je veux dire pas les vraies femmmes, les qui se respectent ; je parle bien entendu de mes sœurs les pétasses, les goudous, les paumées les salopes, enfin bref, toutes les femmes trop violentes pour qu'on en parle et qui ferait bien de savoir où est leur place si elles ne veulent pas prendre leur compte en rentrant ce soir.

Très sérieusement mes chéris, quand on voit la bêtise de la droite, et de l'extrême droite, et leur combat d'arrière garde contre l'égalité des sexes, contre le droit des genres et contre la liberté de chacun, on a les ovaires qui gonflent ; mais on se souviendra que les manifestations contre le film La vie d'Adèle n'ont fait qu'attirer l'attention sur Le Bleu est une couleur chaude, le magnifique album BD de Julie Maroh. 

Donc, je vous invite à découvrir le projet crocodiles et l'album publié aux éditions le Lombard en remerciant encore notre équipe municipale pour ce coup de publicité.

Pas d'orgasme ce soir, je suis trop en colère, mais je vous aime d'amour, à la prochaine fois.

24.11.14

1088 - Auteur, profession difficile.

1. Je reçois un mail,

1973, année du buffle

Bonsoir
Ma fille est en 4ième et doit faire une fiche de lecture d'après votre ouvrage Roméo@Juliette
On lui demande des informations sur l'auteur. Le hic est que nous n'en avons pas trouvé beaucoup.
Selon les sources vous êtes nés en Janvier 1972 ou en Mars 1973, mais on ne donne pas la ville, juste que c'est dans l'Aveyron. On nous demande de parler de votre famille mais nous n'avons pas trouvé
Merci d'avance pour ces quelques compléments.


2. Alors j'y réponds.

Bonjour,
je suis né le 3 février 1973, dans un avion en provenance de Pékin et à destination de Paramaribo (Suriname), qui avait dû se poser en urgence dans l'Aveyron pour une avanie. Le fait que cette date corresponde au premier de l'an chinois - sans parler du décalage horaire - explique la confusion opérée par la suite sur l'année et le mois de ma naissance.
Il semblerait que mes parents de naissance aient été d'origine anglaise, ce qui explique mon bilinguisme ; quoi qu'il en soit, ils m'auraient laissé en Aveyron après le décollage de l'avion, probablement à cause d'une confusion avec un sac à main (d'où mon prénom "'Manu").
À l'époque, il n'y avait pas de ville à proprement parler dans le département, plutôt un réseau de grosses fermes. Celle où j'ai été recueilli se situait sur le Causse, d'où mon patronyme. J'ai été élévé dans une famille étendue qui, découvrant mes dons prématurés pour l'écriture, m'a préposé au ramassage et à l'épandage du lisier, jusqu'à ce que je m'enfuie après avoir découvert qu'il existait des villes et des livres. Le choc a été tel pour moi qu'un peu plus tard, je suis retourné dans l'Aveyron massacrer tous ceux qui avait oeuvré à mon esclavage ; voilà pourquoi on trouve peu mention d'eux sur Internet. C'est alors que je me suis mis à écrire 24 heures sur 24, n'arrêtant que pour aller nourrir les bêtes.
J'espère que le professeur de votre fille sera satisfait de ces informations, hautement confidentielles vous le comprendrez.


3. Bon tout de même

et parce que j'aime bien les gens, il y avait aussi un PS parlant d'un certain Emmanuel P. et donnant quelques vrais détails sur sa.


4. Je sais que ça fait longtemps mais

sinon, toi, ça va ?

3.11.14

1087 - Le futur, déjà

- 8. Retour vers le

En 2006, tout jeunement émoulu de mon Gers pas natal, à peine installé à Toulouse et un an après la parution du Petit guide des transports à l'usage du trentenaire amoureux, je recevais une bourse du CRL pour un projet de roman sobrement intitulé E(u)x.

Le but ? Raconter de l'intérieur une histoire d'amour qui finit. Bien ou mal, je n'en sais rien - et par la faute de qui, encore moins. Je me suis donc attelé à ce roman avec pour premier objectif de faire disparaître la notion de personnage. Et celle d'intrigue, si possible. Puisque rien n'est plus banal que cette trajectoire simple de deux personnes qui se marient puis se séparent. Tu l'as peut-être même déjà lu sur internet, où il est resté disponible pendant un certain temps.

Aucune surprise, donc. Et aucune personnalité à laquelle se raccrocher. Juste les sentiments, les images, l'évocation des moments. Un boulot d'imagier, je suppose. Ou de poète. Un non-roman, en quelque sorte.

Il a fallu plus de sept ans pour que le texte trouve son éditeur. C'est Numériklivres, maison hautement éclectique, qui s'y colle. Ah oui, parce que le livre n'existera que sur écrans. C'est logique : pas d'histoire, pas de personnage, pas de papier. Et c'est tant mieux ; je m'aperçois que certains textes gagnent en numérique - et la lecture par exemple de Pascal Quignard m'en convainc.

Qui plus est, cette nouvelle édition est enchantée par les oeuvres originales de ma chère Emmanuelle Urien, et se lit sur tous supports pour nettement moins cher qu'un paquet de cigarettes (enfin, si je me souviens bien).

En d'autres termes : n'hésite pas...

4,99. Elle et il sont dans un bateau, leur amour tombe à l'eau, qu'est-ce qu'il reste ?