28.4.09

667 - Mardi, je te raconte


Rahoul se réveilla sur sa branche, après une belle nuit de sommeil. Une colonne de fourmis courait sur son bras gauche : il les mangea au petit-déjeuner.
Tout en mâchant ces friandises (un rien acidulées, et gigotantes, si tu veux tout savoir), il se dit que c'était un beau jour pour devenir un homme. En face de lui, sur un autre arbre, le vieux singe le regardait.
Il lui fit des grimaces - parce que ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à en faire, mais que ça n'empêche pas de tenter. Dans le même temps, il se fit la réflexion que le vieux singe ressemblait à un homme, mais sans y ressembler vraiment. Un peu pareil, un peu différent.
C'était agaçant, ça. Parce que Rahoul voyait bien cette différence, mais qu'il n'arrivait pas à l'expliquer.

Un truc dans sa tête se mit à le titiller, là, juste entre le front et les oreilles. C'était les fourmis rouges qui cherchaient à ressortir ou quoi ?

Il ouvrit la bouche, essaya de tousser, de grogner, de se racler la gorge : rien à faire, la tête le grattait toujours.
Agaçant, cette sensation d'avoir quelque chose sur le bord de la bouche... Il fit des P, P, P, en joignant ses lèvres.

C'était quoi, ce truc ? Comme si quelque chose voulait à tout prix sortir de lui - quelque chose qui avait un rapport avec ce vieux singe qui ressemblait un peu à Rahoul, un peu à son père, mais en un peu plus vieux...

- PAPY ?" voilà ce qui sortit de la bouche de Rahoul. La démangeaison dans sa tête cessa immédiatement.

Le vieux singe en rigola tellement qu'il en tomba de sa branche ; heureusement, il se rattrapa avant de se faire mal.

Ce jour-là, Rahoul n'inventa pas seulement la psychogénéalogie et la théorie de l'évolution des espèces ; il inventa aussi un truc qui lui manquait jusque-là : le langage.

Et il allait en avoir, des choses à dire.

27.4.09

666 - Damien et le travail


Mmh, funeste numéro que celui de ce post... ça me rappelle plein de films avec des chacals et des tatouages sous les cheveux. Et aussi des projets en cours.

Mon tableau agendique se remplit aussi vite que je le vide, ce qui pourrait annoncer une reprise de l'activité économique mise à mal par la crise internationale du moral - signe corroboré par des bouts de vrai soleil qui percent à travers la pluie.

Gros morceau aujourd'hui : la énième relecture de Visitez le Purgatoire/emplacements à louer pour éliminer les coquillettes du prochain tirage (avec une troisième nouvelle couverture - à mon avis, Pascal cherche à créer un effet collector). Je réitère donc mon appel aux lecteurs du recueil qui y auraient découvert une merdaille ou un pain d'accord : aidez-nous, s'il vous plaît, à purger le Purgatoire...

Normalement, le lundi on écoute, mais depuis que tout le monde connaît Diving with Andy, je ne vais pas me mettre à leur faire de la pub ; et il faudrait aussi que je parle des auteurs rencontrés au salon de Balma - mais après tout, maintenant qu'on a une rubrique interviouves, ils vont pouvoir se présenter d'eux-mêmes. Et si je voulais vanter les mérites du Beaujolais découvert à l'occasion du même salon, il faudrait que je descende dans la cuisine et tout le bordel de dégustation : en milieu de journée, ça fait pas pro...

Pscal Lebret rejoue en fin de semaine (et on y sera, oui), je rencontre des gens qui mailent, La Teigne concertise à la prairie des Filtres pour le premier mai, Emmanuelle Urien est belle, les Gonins joueront peut-être mercredi soir et je me tâte pour afficher de la bédé et de la peinture : le monde, vous en conviendrez, tourne plutôt à son avantage.

Vivement le post n°667, où j'aurai quelque chose à raconter et le temps de le faire.



26.4.09

665 - Industrie lourde


C'est dimanche, c'est Balma, c'est pluie : autant de bonnes raisons d'inaugurer la nouvelle rubrique de ce blog.
L'idée est simple : plutôt que de parler de Mouâ personnellement à titre individuel je, vous présenter des gens que j'admire, que j'aime, que je vénère, que je kiffe grave, que je bade, pour ce qu'ils font dans la vie en général, qui ils sont, leur créativité, leur engagement, bref, la totale plan "fan de".

Des interviouves, vi, parfaitement, et de façon hebdomadaire (si tout le monde répond, sinon ça va être la pagaille).

L'article d'aujourd'hui sent l'opportunisme à plein nez : il s'agit d'Emmanuelle Urien qui, non contente d'avoir épuisé toute sa pile de livres hier au salon de Balma, y retourne aujourd'hui pour voir si les libraires géniaux de la Renaissance et d'Ellipses ont diligenté tout leur soûl pour renouveler ses stocks.

Je vous ferai bien un panégytruc de la dame, mais elle répond d'elle-même aux questions, comme une grande. Qu'elle est, d'ailleurs.

Ah, une dernière précision : comme je ne suis pas journaliste, j'ai piqué les questions de l'intervouille à un vrai magasine, l'excellent "Profession Hélicoptère".

Bonne lecture, et à tout à l'heure à Balma ?




Dans ton blog industrie lourde : Quels sont les produits et services que propose votre société ?


Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur (zut, j’ai lâché un paradoxe). Elle propose à la vente, par le biais de nombreux intermédiaires, des objets révolutionnaires dont on s’étonne qu’ils n’aient pas inondé le marché plus tôt, ainsi que des services à la personne sous forme de conseils individualisés dont le plus récent se résume à Tu devrais voir quelqu’un.


DTB : Votre société emploie combien de personnes ?


Alors, avec les Roumains dans l’atelier, les Chinois dans la cave, et les Picards au grenier, une quinzaine de personnes actuellement. Mais je compte m’agrandir, par exemple en mettant des nains dans les placards.



DTB : Comment se compose votre flotte actuelle, et avez-vous des appareils en commande ?


Je bois essentiellement de la flotte du robinet, à raison d’un litre toutes les quatre heures environ. Il m’arrive d’utiliser des bouteilles plastiques, mais ça finit vite par sentir. Je n’envisage pas de commandes en 2009 : avec la crise, mon budget est trop serré. En revanche, en 2010, il est possible que j’investisse dans une fontaine afin que mon équipe profite elle aussi des bienfaits de la flotte.



DTB : Quels sont vos fournisseurs actuels, et pourquoi les avoir choisis ?


Je choisis mes fournisseurs selon le principe éprouvé de « celui qui répond le premier à mon appel d’offre a gagné ». Ainsi L’être minuscule, Quadrature et Gallimard, pour n’en citer que quelques-uns, ont été les plus rapides, permettant à mon entreprise de fournir les produits que l’on connaît, et dont la qualité n’est plus à démontrer, surtout si l’on considère le grammage de la couverture et la qualité de l’encre.



DTB : D’où vient la majorité de vos clients ?


Ma clientèle (que je préfère appeler mon public ou mon lectorat) est large et représentative de toutes les CSP, avec peut-être une plus large proportion de femmes. Fait inattendu, la part des jeunes, cible sur laquelle l’entreprise ne comptait pas tout d’abord, est en constante augmentation. Ce qui est sans doute la meilleure confirmation du fait que mon entreprise est universelle.



DTB : Quel impact a votre FBO (fixed base of operation) sur votre entreprise ?


Ma FBO permet à mon entreprise de se lever plus tard, puisqu’elle est déjà sur son lieu d’opération. Ensuite, mon entreprise peut traîner en pyjama dans ma FBO, tout en réfléchissant à son développement. En contrepartie, mon entreprise peut travailler jusqu’à pas d’heure, ce qui peut être vécu comme un inconvénient pour ses employés, mais demeure un des meilleurs atouts dans la rentabilité de mon entreprise.



DTB : comment envisagez-vous le développement de votre entreprise à l’heure actuelle, à l’intérieur du marché, et en particulier en cette période de crise ?


J’aime à penser que la crise n’aura pas de prise sur mon entreprise, mais il est possible que ce soit juste à cause des allitérations. Mon entreprise est en expansion permanente, simplement parce qu’il m’est impossible de penser régression, ou même stagnation. Mon entreprise a une marge de progression énorme, et elle s’y engouffre.



DTB : Quelles sont les prévisions pour le marché cette année ?


Une orange ?*




*Note de la rédaction : il s'agirait ici d'une allusion particulièrement fine à un prix littéraire qui compte sur le vote des internautes...


25.4.09

664 - Le dernier Salon où l'on cause


Bon, hier vous n'êtes pas tous venus, à cause en particulier, si j'ai tout bien lu, de ce problème d'hélicoptères (il existe d'excellents filtres d'arrivée d'air moteur, savez-vous, dont je pourrais parler pendant des heures, mais ce n'est pas le sujet de ce post).

Zoé, oui, est venue nous poutouner, et ça faisait tout drôle de mettre un visage sur des mots. J'ai revu aussi C., qui m'a dit avec ses yeux tristes, il y a deux ans, je vous ai acheté Le petit guide, et j'étais en couple... Elle n'a pas eu besoin d'en dire plus : Le petit guide des transports à l'usage du trentenaire amoureux prétend au titre de plus grand générateur de divorce de sa génération.

Le pire, c'est que je le croyais totalement épuisé ; mais P., de la librairie Ellipses, en a encore un stock monstrueux dans ses caves labyrinthiques. Précipitez-vous : c'est garanti collector (vous pouvez aussi le commander auprès de la librairie, à Ramonville, et en cadeau c'est moi qui viens vous le livrer. En nuisette).

En attendant le chaland (vendredi est la journée scolaire, et l'occasion de dire bonjour à tout le monde), j'écrivais d'une main un nouveau bilingue Talents Hauts (nom de code London Calling), tandis que je corrigeais de l'autre les épreuves du retirage de Visite le Purgatoire (avis aux lecteurs : que ceux qui y ont trouvé une coquille me le signale, ils gagneront une image jpeg dédicacée), tout en discutant de la troisième avec mes voisins les plus proches, dont le grand Olivier Ka.

Tout ça pour dire qu'il pleut aujourd'hui, que vous serez très bien à Balma, et que parfois j'ai l'impression d'être un écrivain. Parmi d'autres, ce qui curieusement ne gâche rien.

PS : rrrhahaha merde, ce post est resté coincé samedi matin dans blogger... faut que je vous raconte aussi la journée d'aujourd'hui, qui du coup devient celle d'hier, de par le fait. Pff, le bordel.

24.4.09

663 - International


Vendredi ? Vendredi, comme dans vendredi 24 ? Comme dans "Vendredi 24, c'est le jour où débute le Salon du livre et du vin "?

Notez le toulousianisme ravageur : même pas j'écris "de Balma". Comme s'il y avait un salon du Livre et du vin ailleurs qu'à Balma.

Je m'apprête donc à aller vendre des palettes entières de Visitez le Purgatoire/Emplacements à louer tout en lançant de spirituelles saillies à la masse de mes admirateurs, sous l'égide inflexible de la douce Emmanuelle Urien qui avait remporté le prix du Salon en 2007 (et non en 2008 comme l'insinue honteusement la Démêche du Pidi).

Notez que vous faire tatouer cet article à même la peau vous donne droit à une entrée gratuite (dans un pavillon de repos intensif) et à une oeuvre dédicacée (par la gendarmerie nationale).

Non, allez quoi, venez, ce sera bien. Enfin, si vous êtes dans le coin. Et si vous n'avez rien d'autre à faire. Et s'il pleut. Et s'il n'y a pas de match à la télé. Et si vous ne préférez pas vous arrêter à la table d'un écrivain connu.
Et...

Balma, vous dis-je. 40 minutes de Toulouse-Blagnac en bus, 15 minutes depuis la station Balma-Gramont à pieds, 2h35 de Bruxelles en hélicoptère, etc.

Et puis c'est aussi ce soir que le Théâtre de Poche, rue d'El Alamein métro marengo bus 38 quartier Bonnefoy après la rue de l'Espérance, programme la première de La chambre vide de Didier Albert avec Delphine Watrin et le magnifique Pascal Lebret, ce qui fait que bon, l'un dans l'autre, une bonne journée vous attend.

23.4.09

662 - Aux grands lecteurs


Louise L., Nicolas S., Bill G., Sigmund F. et Mr D.,

Je sais que vous êtes des lecteurs assidus de ce blog, et vous m'avez maintes fois exposé vos réactions d'enthousiasme, d'indifférence ou d'agacement.

Les dérives outrancièrement poétiques de ces derniers temps, auxquelles j'ai réussi à mettre fin grâce à l'usage renouvelé de plantes de la famille des solanacées, vous ont parfois déstabilisé. Nicolas S., en particulier, m'écrit que la lecture de certains textes le plonge dans un état de dépression économique le poussant à se débarrasser de certaines de ses addictions, comme les montres et les volailles de luxe.

Aussi, conscient de mes responsabilités, j'ai décidé de modifier la ligne éditoriale de ce blog, qui va passer de n'importe quoi à... bon, à n'importe quoi aussi, mais pas pareil.

Des interviews et de la BD, voire des tableaux, devraient apparaître dans le courant des prochains jours, et peut-être même trouver un rythme plus ou moins hebdomadaire. Attention, je ne promets rien : cela signifierait organisation, et le mot même me gèle.

Mais un petit effort, quand même. C'est comme ranger la chambre des gosses : au début, on croit qu'on n'y arrivera jamais ; puis on croit qu'on va y rester ; puis on sait que c'était inutile ; enfin, on comprend que c'était impossible.

Et qu'on y est arrivé.

21.4.09

661 - Mardi, je te raconte


Pendant qu'il jouait, Rahoul ne pensait à rien. Ou alors si, mais à plein de choses qui n'étaient pas de vraies choses. Enfin, vraies, mais qui n'existaient pas à ce moment précis.

Par exemple, il jouait à être un chasseur-cueilleur poursuivi par une meute de hyènes.

C'étaient les potes qui faisaient les hyènes. Il le faisait super-bien, d'ailleurs, au point que Rahoul avait parfois les pépètes. Cela faisait peur et cela faisait rire en même temps.

Marrant comme ça marchait, ce truc, pensa Rahoul tout seul dans son arbre.

Mettons que trois deux Autres décident qu'ils étaient les hyènes, et que Rahoul et deux autres Autres décident qu'ils étaient les chasseurs-cueilleurs.
On faisait semblant de chasser-cueillir, en faisant semblant de penser à autre chose, mais au fond on ne pensait qu'au moment où les hyènes allaient surgir pour hyèner.
Ca faisait toujours un coup dans le ventre, et le coeur se mettait à battre fort fort, et on courait dans tous les sens, on voulait se réfugier (mais les arbres étaient toujours trop loin, et les hyènes couraient vite), mais en même temps on ne voulait laisser personne sur le terrain,n'abandonner aucun autre chasseur-cueilleur à la merci des hyènes. Et puis on voulait se battre avec ces hyènes, parce que dans chasseur-cueilleur, il y a chasseur, et les hyènes, c'est quand même du gibier (même si ça pue pas mal, comme viande).

À bien y réfléchir, c'était ça, l'intérêt du jeu : penser à des catastrophes sans que ce soit de vraies catastrophes. Penser à des aventures qui ne faisaient qu'un peu peur. Imaginer des risques sans risques.

Du haut des plus grands arbres, les vieux singes regardaient jouer Rahoul et les autres. Les grands singes ne jouaient pas. Il ne leur serait pas venu à l'idée de faire semblant de risquer d'être mangés par des hyènes. Ils ne s'entraînaient jamais.

Cela dit, ils ne descendaient jamais trop des arbres. Ils préféraient rester assis sur les branches à se gratter les noix. Et quand on leur disait que ça faisait vraiment moche, de se gratter, les vieux singes vous regardaient sans rien dire (faut dire qu'ils ne parlaient pas), avec la tête du type qui se gratte là où ça le gratte un point c'est tout.

Rahoul, ce soir-là, pensa que son père avait dû se tromper quand il avait dit que les vieux singes étaient leurs ancêtres à tous. Il y avait quand même quelque chose de fondamentalement différent. Parce que les vieux singes avaient l'air tout à fait incapables de jouer à des jeux qui ressemblaient à la vraie vie ; incapables d'imaginer, de prévoir, de se projeter dans l'avenir.

Oh, bien sûr, ils avaient l'air de dire (toujours sans parler) que penser à l'avenir, c'était le meilleur moyen pour mourir jeune. On pense aux hyènes, on se prépare à leurs attaques, on se fabrique un bâton pour se défendre, et total on en oublie de se gratter là où ça gratte et ça gratte tellement que ça devient invivable. Et quand les hyènes, les vraies hyènes, déboulent sans prévenir, c'est bien entendu au moment où on a posé le bâton pour se gratter.

Les vieux singes étaient malins, et ils avaient peut-être raison en un sens. Seulement Rahoul adorait jouer. Il ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer, de rêver, de penser au lendemain et aux aventures qui l'attendaient.

Ce soir-là, Rahoul n'inventa rien, à part peut-être les matches de rugby, l'hygiène qui ressemble à hyène et qui évite de se gratter. Mais il se rendit compte qu'il avait tendance à être un peu anxieux, parfois, tant les jeux et l'avenir lui plaisaient, et tant il avait tendance à penser l'avenir.

La prochaine fois, pensa-t-il, je serai une hyène dont tout le monde a peur. Zéro stress, que des dents (et une haleine de bouc).

Mais non, décidément, hyène, c'était trop nul. Singe alors ? On pourrait jouer à rester dans les arbres et à ne rien faire sauf se gratter ?

Rahoul, avant de s'endormir, essaya d'imaginer un jeu où il ne serait ni hyène ni singe. Mais il lui fallait un mot. Un mmmmot. Un peu comme mammouth (parce que c'était un joli mot). Un mot qui désigne ceux qui chassaient-cueillaient-jouaient-s'inquiétaient et triomphaient parfois des hyènes et des gratouillis.
Mmmh. Hum. Hom.

Homme.
Ca, c'était un chouette mot.

C'était décidé, Rahoul allait être un homme.

20.4.09

660 - Le lundi sous la pluie


Rugby, livres, fêtes, ménage à deux, rangeage des : le week-end m'a laissé tellement épuisé que je ne me suis pas levé avant que le réveil me hurle 1,2,2,3, debout grosse feignasse.

Je culpabilise ; mais c'est là qu'on reconnaît tout le travail de l'artiss : je travaille à ne pas.

Ceci dit, ça ne laisse pas le temps pour bloguer. Lisez donc Rodolphe, Zoé, Oh : eux ont des choses à dire, autrement plus intéressantes que "j'ai bin dormi..."

Sinon, vous, ça va ?

C'était notre rubrique "ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire..."

17.4.09

659 - Au théâtre hier soir


Rue de l'espérance, à deux pas du Théâtre de poche, le ciel était gris et rose sur les vitres de voitures.

Tu parles d'une entrée en matière...



Didier Albert, propriétaire des lieux, metteur en scène, auteur et grand passeur, m'a accueilli avec son sourire habituel.

Mais on s'en fout, non ? C'est pas de ça qu'on veut parler !
Oh, ça va maintenant. Faut bien commencer quelque part. Et puis ça nous change un peu de la poésie cryptodépressive.
Moi, ce que j'en dis...





La pièce s'intitulait Souvenirs Assassins, et le nom de l'auteur m'avait attiré comme un aimant : Serge Valetti.

C'est qui, Valetti ? Il en a déjà parlé, non ? C'est pas le marseillais fou qui écrit des textes totalement perchés?
C'est un type super connu, merde. Un des maîtres du théâtre moderne, comme Caubère ou... il n'y a vraiment que toi qui... oh et puis attends, ça continue.
Pff... entre nous, la comparaison "m'avait attiré comme un aimant", c'est nul, non ?




L'acteur, Robert Gourp, incarne un auteur qui tente d'écrire, et qui est littéralement assailli par des personnages - les siens, ou peut-être ceux d'une vieille femme qui va faire ses courses rue Balzaco
C'est Benzaco, non ?
Basalco ?




Un auteur, une vieille, un type de l'Inspection, quelques badauds, un mythomane, un psychiatre, un petit garçon, une roumaine, ça fait beaucoup de monde sur scène. Sans parler de ce cube, de forme adéquate, qui pourrait être là si, de ce violon qui aurait été sur scène si, de cette lumière qui se coupe au mauvais moment et...

J'ai pas vu de violon. Et la lumière, c'était pas exprès, je crois.
Bin on aurait dit, en tout cas. Et pour le violon, faudra qu'on y retourne.


Et ça s'engueule, ça s'interpelle dans une langue qui sent le sud, qui sent la vie, les rêves magnifiques et les dérives ; une langue qui parle d'elle-même et semble s'échapper dans tout les sens, où pourtant l'auteur - le vrai, le Valetti - instille des réflexions ironiques sur l'existence, la création, et le problème des arrhes

Il dit "Valetti". Faut pas. Faut dire Va -lééé-t'i, avec l'accent au milieu, comme à Marseille.
Peut-être. En tout cas, les arrhes, suivant l'accent, ça fait Art ou ça fait areuh.
Pas sûr que ça veuille dire quelque chose.
Pas sûr. Mais ça le dit.


À un moment, je me suis retrouvé sur une plage de Golfe-Juan, à écouter les délires mi-Gatsby, mi Dédé-la-sardine, d'un personnage en costume. Et ça sentait la mer, peut-être même l'outremer.

L'outremer. L'outremère. Ca y est, je viens de la comprendre.

Ouais. En tout cas, s'il ne se souvient que de ça, c'est que tous les acteurs n'étaient pas égaux.
Mais il n'y en avait qu'un, non ? Et puis, qui a tiré sur qui ?


Vous l'avez compris : j'ai été tranporté par ce one-schizo-show.

Ce quoi ? Je comprends rien. En tout cas, ça m'a bien plu.
Moi aussi. Mais je ne saurais pas dire pourquoi.
Bin, y'a pas besoin de le dire, si ?
Je crois que si. Pour que des gens profitent des deux derniers jours au théâtre de poche. Ou même aillent voir des pièces de Valetti dans leur ville à eux. Ou retiennent le nom de l'acteur.
Lequel ?

Théâtre de poche, Robert Gourp, Souvenirs Assassins, Serge Valetti.
Et la rue de l'Espérance, aussi.


16.4.09

658 - May be it is a song


Cabotine le coeur à marée basse
Attendant d'accoster
L'esquif
Le récif
Ou l'avanie fatale

Les yeux levés sur les oiseaux
Les mouettes mythomanes
Cramponné à l'espoir

Se laissant dériver
Où l'ancre s'amenuise
Où l'écho en silence
Où se lève la houle

Et les fous de Bassan, les cormorans
Les cadavres au varech
Textile

Où le coeur cabotine
à marée basse

J'implore
J'implose
J'ose espérer
Que l'aube éclose

14.4.09

657 - MArdi, je te raconte


- Hé, Rahoul, à quoi tu joues ?

Rahoul, surpris, baissa la tête. Tout accaparé par son Jeu, il ne pensait plus que quelques minutes auparavant, il s'ennuyait.
Les Autres. C'étaient les Autres qui l'appelaient.

Il faudrait que je te décrive les Autres, te donner leur nom, te raconter comment ils étaient. Mais l'important est ailleurs. L'important est que les Autres demandaient souvent à Rahoul de devenir un Nous avec Eux.
Ils aimaient jouer - mais pas tout à fait comme Rahoul ; ils aimaient rire - mais pas tout à fait comme Rahoul ; ils aimaient courir et sauter dans les branches - mais, encore une fois, pas tout à fait comme Rahoul.

Il y en avait toujours un qui voulait être le chef, ou qui connaissait un autre jeu, ou qui pensait à autre chose.
Parfois, d'ailleurs, cet autre était Rahoul, ce qui fait que les Eux ne voulaient plus faire un Nous avec lui.
C'était ennuyeux, toutes ces choses. Toutes ces volontés qui ne marchaient pas bien ensemble. Une fois, l'un d'eux avait joué à sauter sur Rahoul, et Rahoul s'était fait mal au genou.

Un peu plus tard, Rahoul avait pensé que genou, c'était comme Je-Nous. Ou jeu-nous. Ou Je noue.
Et ça lui avait fait mal, pendant un temps. Si bien qu'il avait fini par penser qu'il était mieux tout seul. Même s'il s'ennuyait, parfois. Même s'il se sentait un peu trop seul, un peu trop triste, un peu noué.

Alors, plutôt que de jouer avec les autres, il préférait rester sur son arbre. Il préférait s'inventer des histoires, aussi. Et des choses comme les jeux de mots, la psychanalyse lacanienne, et le trait d'union.

Ce jour-là, néanmoins, il descendit un peu de son arbre ; il voulu dire aux autres ce qu'il avait pensé, là-haut, sur sa branche. Bon, les autres ne comprirent pas forcément, mais ils aimaient bien ce type qui réfléchissait tout le temps, et qui avait l'air un peu triste ; ils décidèrent de le prendre dans leurs bras.

Il pleuvait, ce jour-là, te l'avais-je dit ? Et tous ces bras protégeaient Rahoul de la pluie.
Les autres lui avaient fait un toit. Et Rahoul pensa que les autres avaient un point commun : ils étaient tous un toi, avant d'être des eux (et des oeufs aussi, quand ils étaient distants, ou refermés, ou fragiles sous leur carapace).

Ils jouèrent donc un long moment à mélanger les pronoms personnels.
Et puis chacun rentra chez lui.

13.4.09

656 - De l'intérieur


De l'intérieur de ma tête, où je regarde souvent, je ne vois pas grand-chose que des questions moisissantes, des tremblements stupides, des hésitations nocives ; je me demande bien ce qui se passe sous mon chapeau, et sasse que je te ressasse, et tristouille que je m'apitoie... J'ai cette impression bête que ça n'a pas le goût que ça devrait avoir.

Alors quoi faire ? Me taire, comme me le conseille mon PC ? Surproduire de l'artistique, comme j'en ai parfois la frénésie ? Me foutre en l'air d'une façon ou d'une autre ? Dire non à quelque chose ?

Oui, mais à quoi ?

Des fois, je voudrais être rugbyman aussi de mes états d'âme, rentrer en tronche une bonne fois pour toutes et qu'on en parle plus, ou alors juste en riant, pendant une troisième mi-temps digne de ce nom...

Déprimer, ça m'ennuie vite. Mais vieux Bob Pirsig le conseille : go ahead, son. See the bottom of it.

Sinon, vous... oh, oué, c'est bon, je sais.

Oh, et puis. Commenteurs, appuis, famille, amis, Femmequi.

Merci pour

Parce que.

Sing me a song
Give me hug
I know it's not what I need

Sing me song
Give me a hug
It'll help growing the seed

Ou un truc comme ça.

11.4.09

655 - Pas que


Il n'est pas que le temps d'être,
Encore celui de feindre de faire croire,

Pas que le temps de croire,
Encore celui de douter

Pas que le temps de douter,
Encore celui d'être certain de l'impossible,

Pas que le temps de désespérer,
Bientôt celui de savoir que tout change, sauf

Le temps.

(Et pendant ce temps-là, je parle d'hélicoptères pour le prix d'un kebab, en attendant le contraire,
Je me demande si mes poissons survivront à l'absence
Grâce à mes amis,)

Je me demande si la poésie nourrit son homme (ahahaha) ou si la Muse lui pompe le sang (prfft),

Et si j'en aurai fini un jour avec ces questions stupides - mais pas que -
Qui ouatent l'entredistance de moi à moi.

9.4.09

654 - Quelques questions néanmoins


Mais que disaient nos ombres
En marchant devant nous
Dans le soleil froid

Sur le chemin où, ensemble,
Nous nous sentions si seuls,
Si loin l'un de l'autre à cause
De ce que nous étions

L'un à l'autre ?

Je sifflais un air d'enfance,
Je te regardais pencher, oublieuse
Des pierres à tes semelles qui tordaient

Pour me laisser une place
Où je ne savais tenir ;

La couleur de tes ombres brillait au crépuscule et,
Mi-chemin mi-adulte,
Je fuyais (d'avoir peut-être trop su être là, et
d'en être mort une fois de trop peut-être)

8.4.09

653 - J'ai dû voir quelqu'un


Étouffée entre quoi et quoi
Ou dans quel verre vide
La flammèche
de

ce qu'un jour peut-être
on appelait désir ?

Le confort remplacerait la grâce,
et la gêne parfois
se referait toxique,

comme avant
quand
j'avais cessé de croire
quand
je voyais
le dessous des nuages le fond de la vallée
accomplir la chaîne le destin
choisir
- plutôt qu'être choisi -
abandonner jusqu'à l'abandon même.

Étouffée quand et comment
Remplacée par quel mensonge (ou effrayante vérité)
La lueur
Du désir ?

7.4.09

652 - MArdi, je te raconte


Il pleuvait ce jour-là sur la savane, et Rahoul, perché dans un arbre, s'ennuyait. Il s'ennuyait parce que la pluie était ni chaude ni froide, ni fine ni battante, ni gênante ni rien : c'était une pluie de rien du tout, une de ces pluies sans intérêt qui se contentent de coller du gris partout et de faire renifler.

Normalement, Rahoul ne l'aurait même pas remarquée, cette pluie ; il aurait continué ses activités, ou entrepris quelque chose qui ne demandait pas spécialement des conditions sèches.

Sauf que ce jour-là, quelque chose était né dans son ventre. Quelque chose, comme une petite graine arrosée par la pluie, qui lui disait dans sa tête : "Oui, mais s'il ne pleuvait pas, je ferais autre chose. Je pourrais avoir envie de ça, par exemple. Ou de ça. Et puis même que je pourrais le faire." Sauf que là, il n'avait envie de rien.

JE m'ennuie JE m'ennuie JE m'ennuie... Cette phrase lui tournait dans la tête, et rendait gris pâles toutes les possibilités ; il lui semblait que la pluie n'en finirait jamais, qu'il ne pourrait jamais repartir galoper entre arbres et savane.

JE m'ennuie. JE m'ennuie. JE...

À ce moment là, un fruit mûr se détacha de l'arbre, lui passa juste devant le nez, et alla s'écraser plus bas - schplurfff.

Et Rahoul pense qu'à un quart de poil près, le fruit lui serait tombé sur la tête. Mais que, les choses étant ce qu'elles étaient, schplurfff, c'était rigolo.

Il se mit alors à remuer, à sauter de branche en branche, à faire trembler l'arbre pour que d'autres fruits tombent ; il se mit à les rattraper, puis à les lancer dans toutes les directions et sur diverses cibles ; et très vite, de schplurfff en schplurfff, il oublia qu'il s'ennuyait.

Ce jour-là, après avoir inventé l'ennui, Rahoul inventa le Jeu, la balistique, les semis, le dripping et la bonne humeur.

5.4.09

650 - Juste un lien


... pour ceux qui n'ont pas pu se déplacer à Decazeville (où on a été plus que très bien reçus, et ravis de) : ce que ça donne, une lecture.

3.4.09

649 - Message en forme de coup de vent


Ce soir, Emmanuelle Urien et moi-même,
Lecture (dont les petits derniers "Pentecôtavic" et "Tu devrais voir quelqu'un"),
Musique,
Signatures,
Decazeville,
Aveyron.

Si, si, venez.

2.4.09

648 - One more time


Dans la boîte à gants de la voiture
(que décidément non il ne lança pas contre un mur à pleine vitesse)
La colère mordait
Aux coeurs aux mollets
Aiguillon de véhémences
Qu'ils ne se reconnaissaient pas

Abandonnés, effroyables,
- eux qui ne se souhaitaient que l'amour -
Ouvraient l'hystérie des reproches,
Déchiraient de leurs canines
Le bonheur dont ils rêvaient

Et quand vint le matin
Sur leur couche fragile
Le figment de la peur
Teintait les draps de gris.

1.4.09

647 - Une lettre à une vieille maîtresse


En ces temps de disette littéraire, je me préoccupe possiblement réintégrer les rangs de l'Education N. ; j'envoie du papier, je m'interroge, et on me demande ma situation... Voilà ce que j'ai envie de répondre.


Ma situation...

Ouh la.

Bon, question professionnel, j'ai été prof 5 ans de suite dans un collège du Gers. Je suis divorcé célibataire amoureux en instance de mariage*, résidant en tribu avec une femme, ses enfants et les miens à Toulouse, ville dans laquelle j'ai choisi de vivre pour cette raison même. Je fonctionne en garde alternée, mais les papiers du juge indiquent que je n'ai pas la garde des enfants. A la limite, cela peut s'arranger.
J'hésite actuellement entre retourner bosser un peu pour l'éducation nationale et casser mon contrat, démissionner, pour aller poursuivre quelques chimères (même trop, même mal, vous savez ce que c'est) du côté de l'amour, de l'écriture, du spectacle vivant et de la libre entreprise.

Ethiquement, je me demande quoi faire.

Je me sens mal à l'aise d'être prof sous Monsieur Sarkozy, parce que je me demande si je ne suis pas un peu dangereux pour les élèves (il n'y a qu'à lire les pages de mes blogs, on sent bien le type fragile psychologiquement, ça parle de cul et de poésie, de dépression, de cigarette, de sexe, d'amour et de pétards, on y lie des liens avec des sites homosexuels notoires, des groupuscules extrêmistes musicaux et des expériences artistiques bizarroïdes, je vous demande un peu, où est la morale républicaine dans tout cela ?).
Et puis mes derniers employeurs ne sont pas tous contents de moi, et ça chatouille ma conscience professionnelle. Re-et puis j'ai écrit des livres, et les enfants peuvent y voir des choses que certains (eux ou leurs parents ou d'autres encore) n'aimeraient pas voir dans un prof (i.e, un être humain).

Il faut pourtant que j'assure le bistèque, ainsi qu'une vie de famille suffisamment décente aux deux enfants que j'ai coprocréés. D'autre part, ma disponibilité de droit prend fin. D'autre autre part, le Ministre chef de l'éducation a parlé de deux ans de salaire si je me barrais, sauf qu'il a oublié de signer le papier, alors bon, j'attends l'occase. De troisième part, enfin, en allant bosser pour des boîtes d'enseignement privées, je me rends compte que le vieux n'a pas perdu en lui tout son sang, et que j'ai peut-être encore deux-trois choses à enseigner et/ou à apprendre. Si ça se trouve, ça pourrait me plaire, et ça pourrait plaire aux élèves.
En bref, à l'heure actuelle, j'envisage de participer au mouvement des mutations, pour trouver un poste le plus près possible de chez moi. Parce que la dernière fois, c'était 100 kms par jour, et entre les accidents de voiture et la fatigue, j'ai failli y rester. Si j'avais à choisir, j'opterais pour un lycée, un lycée pro, une filière européenne ou un truc approchant : après 8 ans de collège, j'ai envie de changer. Mais c'est sans doute une demande péremptoire, en ces temps de crise, que de vouloir travailler en fonction de ses goûts et de ses compétences tout en conservant une situation familiale relativement gérable...

Ma question est, comment ça se dit, en termes de points de l'éducation nationale et de statégie de mutations ?
Et le cas échéant, si Steven Spielberg téléphone pour acheter un scénar ou si une énorme traduction me tombe dessus ou si je m'enfuis à l'étranger avec une danseuse orientale, y a-t-il un moyen pour dire poliment à M'sieur le ministre, "continue sans moi, on s'rejoindra plus tard, ou appelle si tu as besoin, ça m'donnera p't'être envie" ?

Voilà un peu mes interrogations, hors langage administratif.

Sinon, vous, ça va ?