Nous voilà revenu tout frais de notre échappée belle dans les cols pyrénéens.
Au programme, massages, jacuzzi, hammams, randonnées et autres chambres d'hôtes aux draps épais : la douleur, avouons-le, était supportable.
On méritait bien ça, voilà ce qu'on s'est dit pour tenir à distance la culpabilité qui nous tenaillait à l'idée de n'être pas au taf en ces jours ouvrés, fainéants d'artiss. Parce qu'on avait passé le ouikend et une partie des jours précédents à accomplir une partie non négligeable de notre saine activité, à savoir la vente.
Et là, il s'est passé quelque chose.
Dans mes projections personnelles, voyez-vous, je me vois souvent comme un jeune disciple, un shoshîn, genre Petit Scarabée tentant de saisir la pierre dans la main de son maître ou JC Vandamme face à un train (ou une noix de coco, faudrait que je vérifie). C'est dire si je suis capable de reconnaître un maître quand j'en croise un.
Et c'est ce qui est arrivé. Il se tenait là, à la même table que moi, avec son costume impeccable et sa fine moustache ; le verbe haut, l'oeil engageant, il interpellait chaque acheteur potentiel dans les allées du magasin où nous dédicacions de conserve, et lui déroulait un speech idoine avec un accent chantant façon Roger Hanin dans les films d'Alexandre Arcady.
Je venais de rencontrer mon maître, Monsieur Z.
A l'occasion de courtes pauses où il me regardait un poil de travers, j'ai appris qu'il avait été VRP, promoteur immobilier et d'autres choses encore ; et que, devenu auteur, il mettait à profit son expérience de la vente.
Normalement, nous autres z'écrivains, pendant nos séances de dédicace, nous restons sagement derrière nos tables, en essayant d'éviter le regard de celui qui saisit nos livres, histoire de ne pas l'effrayer ; les plus hardis d'entre nous, au bout de quelques minutes, arrivent à expliquer en murmurant que oui c'est un livre que je l'ai fait moi-même, une histoire si vous voulez, avec comme qui dirait des personnages, je ne sais pas si ça peut vous plaire, comment ça, vous voulez l'acheter ? Vous en êtes vraiment sûr ? Vous ne voulez pas voir ce que font mes collègues, d'abord ? Bon, vous l'aurez voulu...
Mais mon compagnon du jour, lui, avait à sa disposition un argumentaire infaillible, des réparties et des enchaînements d'idée qui ne laissaient à l'acheteur potentiel que le choix entre acquérir un roman extraordinaire ou rater une opportunité en or de découvrir l'auteur le plus prometteur de sa génération.
Pendant les dix premières minutes, j'ai fermé ma grande g, ce qui est plutôt rare ; j'hésitais entre admiration et moquerie : ahahaha le vil bateleur, mais monsieur la LLLLLLLittérature ça n'est pas ça, la LLLLLLLittérature ça se mérite, et fi de celui qui délaisse nos oeuvres, c'est un sot et un ignorant, laissons-le mariner dans sa crasse inculture (dis, Princesse, "inculture" et "crasse", c'est bien obligé des les écrire l'un à la suite de l'autre, non ?), nous n'écrivons que pour les apifioux (je ne sais pas vraiment ce que c'est, peut-être un genre de tripou), bienheureux ceux qui savent et tam nideat ingenitur qui propioque laudeant, comme on dit en latin (à Kaamelott en tout cas).
Sauf que le type vendait, et vendait bien.
- Mais Monsieur, la LLLLLllLlLLLLitttérature n'est pas affaire de vente ou de clients, mais d'affinités et de OH TA GUEULE MAINTENANT.
Que vouliez-vous que je fissasse ? J'ai copié. Même si dans ses yeux je lisais un genre de "Manu Causse fait rien qu'à copier, Manu Causse salaud !", je lui ai emprunté sa façon de prendre contact, de vanter le produit (du bonheur du rêve de l'émotion à toutes les pages, et tout ça pour combien je vous le demande pas cent euros pas cinquante euros... euh, pardon, je m'emporte), de charmer le client...
Et ça a très bien marché. Enfin, disons, mieux que d'habitude.
Le lendemain, Princesse et moi étions de salon, à Gaillac (avec en guest stars Anton et Zadig, qui ont passé la journée de livres en dessins et souriaient aux anges) ; et, derechef, j'ai employé la méthode Z, sous le regard un peu consterné de mes collègues.
Je me suis même fait traiter de bateleur par notre voisine de table ; mais elle était tellement, tellement charmante que je l'ai pris pour un compliment.
Total, le soir même, j'avais épuisé la pile de Roméo@Juliette que m'avait préparée le libraire, et Fair-Play n'en était pas loin. Et surtout, surtout, j'avais discuté avec beaucoup de gens, je m'étais amusé d'un bout à l'autre de la journée et je me sentais, allez, disons-le, assez content de ce que je fais.
Le lendemain, le salon Lire en poche de Gradignan m'accueillait, avec beaucoup plus d'auteurs, de libraires, de public, et beaucoup moins de temps.
L'ampleur du truc m'a un poil impressionné, je l'admets ; mais j'ai serré les dents, invoqué mon maître à penser, et ressorti la méthode Z. Miracle : les deux piles de livres ont fondu en moins de trois heures.
Merci, M'sieur Z. J'ai tout appris de vous (en revanche, pour l'accent de Tlemcen, je ne suis pas certain, je le garde ou quoi ?). Dorénavant, ma devise après un salon sera "je suis venu, j'ai bu (si, si, ça se fait), j'ai vendu..."
Il faut dire, aussi et surtout, que l'intérêt des Dual Books de la maison Talents Hauts est incontestable, et que, je vous assure Monsieur Z, vendre de la qualité, c't'un vrai plaisir...
Bon, enfin, voilà tout ce qu'on fait avec miss Princesse, et puis maintenant on retourne au taf vu qu'il est presque l'heure de s'y mettre...
Et sinon, il y a encore du nouveau sur LoFi.
1 commentaire:
Finalement j'aime quand tu fais ton rugbymennnnn.La gouaille ça peu avoir du bon car on veut juste payer nos factures et continuer à vivre dans un confort "BOBO"(la j'me moques). Y'a pas de honte à vendre nos productions ,je crois que je vais aller suivre des stages avec"M.Z".
Dés que j'a le tan je va sur Lofi
Bizz YRF.
Enregistrer un commentaire