10.10.07

Y'en a beaucoup plus, qu'est-ce que je fais, je vous le mets quand même ?

Longtemps que nous n’avons pas écrit ensemble…

24h au moins !

Ouah la hhonte elle a mis un !

Et alors pour toi, s’exclamer est une honte (et là je mets un point d’interrogation, tu ne m’en veux pas) ?

Meuh non mais une auteur de chez Gallimard ne s’exclame pas !

Sauf moi.

…et sinon, c’est sûrement une erreur de ma part, mais il me semble que tu viens de dégrafer mon soutien-gorge et que tu as posé tes mains sur mes seins Mais je me trompe sûrement…

A but purement relaxatoire, ma Princesse. NE va pas m'accuser de pensées lascives, cela ne m'arrive jamais. Ou alors avec des animaux, ou à plusieurs, ou dans un chalet bavarois où une tête de cerf... Mais je m'égare. Nous en étions à démontrer une technique de respiration abdominale inspirée du yoga, où je mettais mes mains comme ça... pour que tu fasses çaq....

Tu as remarqué que tu mettais des "q" dans toutes tes fautes de frappe?
(oui, je mets de la musique).

Je mets du q partout, mon amour. Du désir, en tout cas. C'est peut-êrte anormal - en tout cas, on me l'a reproché quelquefois - et ce soir même, tiens, encore que sur le mode de la plaisanterie. Et puis tu me connais :je suis le premier à me le reprocher.

Oui, je sais, celle qui te l'a reproché m'en a parlé déjà. ...moi je ne te reproche rien. Mais ça m'effraie. Je voudrais bien penser comme toi, pour me rapprocher de toi. Et puis souvent je me dis, si nous étions tous deux comme ça, qu'adviendrait-il de notre amour?


Si je te disais qu'il m'arrive de coucher avec d'autres femmes, ça te rendrait triste. Et pourtant, j'aurais envie d'ajouter que je le fais (si je le faisais, ce qui est loin d'être établi) parce que je t'aime. PArce que c'est de t'aimer qui me donne la force d'aller plus loin dans tout ce que je fais, dans les mots, dans la musique, dans l'amour.

Pour l'amour, tu n'as pas eu besoin de moi pour aller plus loin. J'ai souvent l'impression qu'avec moi, de ce côté, tu as régressé. Et que tu rêves de bonds en avant. Sauf que je ne saute pas aussi loin que toi. Moi j'ai peur, pas envie, je suis heureuse avec toi, juste toi, pour l'amour. Oui, j'ai peur de me perdre. Et toi avec.

JE sais çaq (oups). J'ai les mêmes peurs, parfois. Et puis j'ai dans la tête des mots négatifs, comme ceux d'amies qui te diraient Mais il ne fait que justifier son infidélité, justifier sa conduite, il se moque de toi, tu n'es rien pour lui, etc.

Peut-être qu'elles auraient raison. Et pourtant si, c'est grâce à toi, à travers toi, pour toi, pour nous, que je trouve la force d'aller toujours un poil plus loin (à moins que ce soit une fuite ?).

Est-ce que j'ai régressé du point de vue de ce qu'il conviendrait d'appeler ma liberté sexuelle - je préfère parler de PpoliFidélité ? Je crois que c'est l'inverse.

Et puis si tu as peur de sauter, ce n'est pas grave : on a tout le temps du monde. Et on est assez bien, ici, sans avoir besoin d'aller ailleurs.

Meêm si je crois que toi et moi, profondément, chercherons toujours à aller un poil plus loin.

On n'arrête pas d'aller plus loin, nous deux. Et je ne parle pas que d'amour, enfin de sexualité (j'ai du mal à le dire, tu remarques?). Enfin, en ce qui me concerne du moins, depuis que je te connais j'ai fait des milliers de choses que je n'aurasi pas pu faire avant. Ou même pas pu imanginer. Des trucs quotidiens, tout banals, mais très importants quand même. Et puis le reste, comme chanter, écrire des chansons, écrire à deux, répéter dans la voiture jusqu'à ce que colère rentrée s'ensuive, et éclater devant toi, pleurer en sachant que tu ne m'en ferais pas le reproche des jours durant, enfin voilà, des tas de choses. Je vais plus loin depuis des mois. De ça aussi j'ai peur, parce que je me rends compte à quel point je me connaissais mal. Et j'ai l'impression qu'il y a encore pas mal de choses à explorer. Alors peur, oui. Mais comme une gamine qui cherche son chemin dans les bois. Comme le petit Chaeron rouge. Mais avec un P, sinon on comprend rien.

Tu veux que je te raconte l'histoire du petit chaperon rouge ? Une version modernisée en 4500 signes ?

(et là je ne réponds pas, car qui ne dit mot...)


Chaperon embrassa sa mère. Oui, M'man, j'ai compris, la galette, le pot de beurre, la bobinette cherra et tout le tintouin. Et gaffe dans les bois, bien sûr, à cause du méchant loup, etc.

Bien sûr. Et je reviendrai avant la nuit.

Elle ferma la porte de la chaumière et s'en fut à travers bois.

Il avait plu la veille – une petite pluie tiède de printemps sur la mousse, une petite pluie qui avait rincé les bourgeons et les fougères, poussant vers le dehors les odeurs de baies et de bois mouillé.

Elle avait bien grandi, Chaperon, depuis la saison dernière. Elle avait cessé de croire aux histoires de Grand Méchant Loup qu’on lui racontait. Elle avait lu Freud et Bettelheim, et avait vu Shrek 2 au cinéma de la clairière : vraiment, toutes ces bêtises étaient d’un autre âge.


Elle aimait des choses nouvelles, Chaperon. Elle aimait sortir avec ses amis. Elle aimait la façon dont les garçons aux longs cils regardaient ses boucles sous sa capuche rouge, elle aimait la façon dont son sang battait plus fou dans ses veines quand ils lui disaient comme elle était belle, comme ils avaient envie d’elle et de sa douceur tranquille.


Elle riait d’un rire clair, tu dis ça pour m’avoir dans ton lit, et le garçon avec son air sérieux disait peut-être mais je le pense.

Et parfois, elle se laissait tenter. Il suffisait qu’il le pense assez fort pour qu’être au lit avec lui soit agréable.


Après, il arrivait que les garçons deviennent collants. Désagréables. Qu’ils veuillent la garder pour eux seuls ; leurs longs cils se froissaient de colère, ils étaient beaucoup moins mignons, et leur voix lançait des coups de tonnerre.


Mais Chaperon, encore, riait d’un rire clair. Elle les rassurait d’un mot doux ou d’une claque, d’un sourire ou d’un bouquet de larmes ; et puis elle reprenait son chemin, le pied léger, vers la chaumière de sa mère – certes, ce n’était pas le top en matière d’indépendance, mais les loyers dans la forêt avaient grimpé récemment, et puis ça faisait plaisir à Maman qui était devenue presque une amie et ne lui faisait jamais la moindre remarque, à part bien sûr ce rituel de la galette, de la bobinette et du grand méchant loup.


Chaperon, sur le chemin, respirait les odeurs de la nature ; le soleil du matin jouait entre les feuilles naissantes des hêtres – il y avait des jonquilles, oui, un tapis de jonquilles jaunes vif à la place où, la semaine d’avant, il n’y avait que quelques tiges détrempées.

Chaperon adorait les jonquilles, et les hêtres, et les viornes. Elle ne put s’empêcher d’en composer un bouquet.

Et soudain, il fut sur lui.

Immense. Enorme. Menaçant. Le poil noir comme l’enfer, les yeux luisant comme le soleil. Celui d'avant la nuit.


- Je te dérange, Chaperon ?


La voix du loup était basse et profonde, c'était un velours râpeux. Chaperon sentit son cœur se mettre à battre dans son ventre.

- Vous êtes un loup ?

- LE loup. Grand Méchant de mon prénom. Mais… » -et son sourire étincela comme la promesse d’une lame- « Vous seriez surprise de constater à quel point les mots sont trompeurs. Je peux être d’une gentillesse extrême. »

Chaperon se mordit les lèvres. Elle avait envie de sourire, mais ce n'était pas le moment.

- Et… qu’est-ce que vous allez me faire ?

Le Loup sut presque réprimer dans ses yeux une étincelle de désir pur ; et c’est à cause de ce presque que Chaperon tomba aussitôt amoureuse.

- Mais je ne ferai rien, mon enfant. Rien que vous me demandiez.

- Ah bon ? Pour tout vous dire, je suis déçue. Je pensais que vous alliez me violer, me battre, me dévorer, m’humilier, me laisser pour morte…

- ...Et ça va peut-être aller comme ça? ...Permettez-moi de vous dire que tout ça, c’est votre Surmoi qui a intériorisé les normes de la sexualité féminine véhiculées par un conte inventé au 19e siècle, période moraliste et antiféminine s’il en fut – d’où la beauté des romans de Jane Austen ou de DH Lawrence, voyez-vous… Mais moi aussi je m’égare. Personnellement, je ne suis qu’un loup. Un archétype du désir. C’est sans doute à ce titre que je vous fais peur, non ?

- C’est possible, oui.

- Mais la peur, savez-vous, ça se travaille. Avec un peu d’envie.

- Ca tombe bien : j’ai très envie de vous.

- Mais votre grand-mère pourra-t-elle attendre ?

- Je dois avouer que je suis déchirée entre mon devoir familial et l’envie qui me tenaille de...enfin, vous savez.

- Ecoutez, Chaperon, voilà ce que nous allons faire : le désir ne fait que gagner à être retardé. Allez porter sa pitance à votre mère-grand, et vous me retrouverez ensuite, sous le grand chêne de la clairière. Si vous le souhaitez, évidemment.

Depuis, patiemment, le loup attend…

Et alors?

Et alors il fait quoi, pendant ce temps, le Petit Chaperon Rouge? Non, parce que le loup qui attend, c'est bien beau, mais c'est juste le principe du loup. Attendre, et on sait comment ça finit de toute façon.

Moi, ce que je voudrais vous raconter, c'est

le principe de la proie.

(c'est le titre, et je le dépose à l'instant, vous permettez?)

Pendant ce temps Chaperon se demande. C'est une fille de son temps, une fille libérée. L'ennui, c'est qu'elle ne sait pas trop de quoi. Sa mère esst une soixante-huitarde vraie de vraie, la preuve, c'est que Chaperon n'a pas de père. Chaperon a entendu des tas de trucs, des discours sur l'émancipation, le crépitement des soutien-gorge en acrylique qui brûlaient dans la cheminée dix-huit ans après la bataille, les slogans repassés des femmes en colère pour elle ne savait quoi, le miaulement des chats qui attendaient leur boîte pendant que les femmes défilaient dans les rues leur bébé sur le dos, à l'Africaine, sans de demander à quel point de la liberté les Africaines, de leur côté, en étaient.
Bon, bref, tout ça.
Donc, Chaperon s'entendait seriner tout le jour qu'elle était une femme libérée. A cinq ans, ça promet.
Et puis en même temps, il y avait toutes ces petites voix. Petites, mais drôlement persuasives, qui lui disaient "Les filles c'est pas pareil, fais gaffe on va abuser de toi, Chaperon tu seras toujours une proie, et si tu te laisses aller ce sera encore pire on te traitera de salope."

Prise entre les deux feux, dont l'un lui chauffait fort les fesses, Chaperon hésitait sur l'attitude à adopter : femme émancipée ("salope!" proclamaient les petites voix) ou amoureuse fidèle ("pigeonne, poire, t'es la honte de ton sexe!" piaillait la voix de sa mère)?
Entre nous, son corps avait un peu décidé de la chose : Chaperon l'offrait sans frémir à divers mâles de la forêt. En général des garçons très bien. Sauf quand elle décidait ne plus vouloir d'eux, auquel cas ils devenaient méchants, difformes, trollesques. Et ils prenaient de toutes petites voix : "salope, t'es vraiment qu'une allumeuse", et la suite est évidemment censurée, parce que Chaperon, en ces circonstances, était baptisée de noms tels que la décence nous interdit de les épeler -même ici, c'est dire.
Du coup, Chaperon se demandait : faire ce qu'on veut avec son corps, faire ce dont on a envie, des trucs pas possibles, des machins qui font voir des étoiles, qui font crier, presque hurler à la lune -franchement, est-ce que c'est bien? Bien comme dans pas mal?
Sa mère, à Chaperon, prétendait que bien sûr.
Les petites voix, quant à elles, réclamaient la peine capitale. Et des tortures, avant, quand même. Genre le supplice du pal. Comme si, d'une certaine façon, les petites voix n'attendaient qu'un prétexte pour verser dans la perversité même qu'elles condamnaient.

Chaperon ne savait que penser. Elle aimait bien abandonner son corps au plaisirs ("salope!") et aussi penser au Prince Charmant, celui auquel elle resterait fidèle ("notion petite-bourgeoise de la fidélité!"), surtout s'il s'arrangeait pour toujours lui faire bien l'amour ("salope de petite bourgeoise!").
Dans le doute, elle préférait ne pas s'abstenir. Elle profitait. Parce qu'elle se disait, n'est-ce pas, qu'on finit toujours par mourir à la fin.

Oui, mais, et le loup, dans tout ça?

Eh bien, le loup, patiemment, attendait.
(puisqu'on vous dit que c'est le principe du loup).

Et puis les sept nains qui vous disent "ça fait pas 3500 signes, ça, Mam'zelle, sauf vot' respect!" (Les sept nains ont ceci d'attachant que, en dépit de leur crasse et de leur barbe à poux, ils demeurent fort civils).
Et Peau d'âne qui râle parce

Wow.
Et même wow, wow, wow.
On en dit beaucoup, ce soir, Princesse. Faudrait quand même pas exagérer. Il y a des bonds qu'on fait sans réfléchir, d'autres qui se mûrissent lentement. (enfin, moi je dis ça surtout parce que tu m'as laissé le clavier avant d'avoir terminé ton histoire, sinon, les bonds, je suis pour, c'est mon côté Chat Botté). Et si on en revenait au début de cette conversation, le moment où tu étais sur mes genoux et que j'essayais de te détendre par diverses manoeuvres dilatoires qui, certes, nécessitaient le dégrafage de ton soutien-gorge (en copine, comme on dit), mais t'assuraient d'un bien-être nocturne dont je me targue de te gratifier car moult m'en chaut - aaaarghghghg putain je me mets à parler en 17e, j'arrête tout de suite...

Oui, tu as raison, arrête.
Enfin si tu veux.
Parce que tu devrais savoir que, au fond, tu feras toujours ce que tu veux, et que je n'y serai pas pour grand chose. J'aime te laisser faire.
Comme là.
Bon, c'est fini pour ce soir. Il est tard.
Dodo (pour ceux qui veulent).

toi aussi tu fais ce que tu veux







1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pourquoi je chiales quand je lis ça?
C'est con hein!
Je crois que j'ai trop bu et quand j'ai trop bu j'ai la larme facile.
(On se défend comme on peut d'être sensible)