4.10.07
La face cachée des dieux du stade
Insomnie et contusions sont les mamelles de la création nocturne : je profite d'un réveil dans le plus pur style "aouch, j'ai pris un pain hier soir" pour me lancer dans un peu de photojournalisme.
Dans ma voiture, le mercredi soir, après avoir posé Anton et Zadig chez leur mère, il y a toujours un moment où je me sens trop fatigué, ou l'envie d'autre chose ; mais ma Fiestita est fidèle et me conduit dans le sud-est de Toulouse, vers le quartier de Montaudran.
Là, un peu à l'écart, posé entre des immeubles tranquilles, le stade attend.
On se gare comme on peut, on descend de voiture encombrés par le sac ; on bise ceux qui arrivent en même temps que nous, et puis on fait le tour du vestiaire, entre les blagues rituelles et les sourires, pour dire bonjour à tout le monde.
Tout le monde, c'est l'équipe des Gonins. Une équipe comme une autre - c'est à dire, pour ceux qui la composent, unique, différente, pas comme les autres .
Je n'ai jamais entendu d'équipe de rugby se définir autrement que comme des copains ; mais celle-là, pour moi, l'est plus qu'aucune autre.
Tix-le-chef gueule un peu : on est en retard, on se traîne, on a autre chose à faire qu'à bader ou bavasser. Tix-le-chef, c'est un peu comme l'entraîneur du RC Cathare, la finesse, et l'humanité en plus (ce qui, vous en conviendrez si vous cliquez, n'est pas super difficile).
Alors on court. Longtemps. Et on discute. Et Yoyo (dit l'arracheur de slips) vanne pendant la série de pompes - oh, les vannes ne sont pas des plus fines ni des plus nouvelles, évidemment ; elles sont juste très efficace quand on tente de rester en appui dix secondes de plus.
Puis on commence à jouer. On fait les équipes. La blague obligée, toujours la même, est : "Oh, Tix, d'habitude tu fais une équipe de cons ; là tu en as fait deux". Et on se marre toujours autant, parce qu'on est heureux de se sentir un peu cons - ensemble, tous ensemble.
Les surnoms pleuvent : Gamate (qui ramasse tout ce qui traîne), Mobylette, Caouit, RFM (pour Radio fouille-merde, qui en plus est mon frère jumeau, en plus rapide), Hercule (qui a laissé une cheville hier soir sur le terrain, comment tu vas mon grand ?), Double-bite (ah bin oui, hein... on est ensemble dans les vestiaires, il y a certaines particularités physiques qui n'échappent pas)...
On ne se fait pas mal, ou pas souvent ; certains d'entre nous ont dépassé la soixantaine, d'autres ont à peine plus de vingt ans ; certains ont un passé en club, d'autres ont appris sur le tas (no comment).
Les courses et les regroupement s'enchaînent. Au bout d'un moment, les copains de trente ans s'engueulent, Putain mais t'es trop con t'as pas le droit de faire ça - mais si j'ai le droit, t'as qu'à demander à Tix, ou Tu peux pas faire gaffe quand tu plaques ? - T'as qu'à tenir debout...
Mais ça, c'est juste la fatigue. Dans les vestiaires, un peu plus tard, on se débriefe à coup de vannes Hé, merci de m'avoir laissé passer - J'ai pas voulu te faire mal...
Et puis je reprends mon sac en me disant comme tous les mercredis que j'ai bien fait de venir, que je me sens mieux, le dos en vrac, la tête dégonflée, les pieds sur terre (sauf le droit qui boitille un peu encore) et au milieu de ma tribu.
Alors oui, c'est l'esprit macho, régressif, un peu idiot des garçons dans les vestiaires (mais les filles peuvent y venir - enfin, à l'esprit, pour les vestiaires je ne sais pas, faut demander) ; l'esprit de corps, d'agressivité et de violence, ritualisé et magnifié (enfin, c'est pas forcément visible à l'oeil nu pour la magnification, mais je vous assure qu'elle y est) ; l'esprit de clochers, de groupe, de camaraderie, de terroir, de légendes.
Je connais des gens qui détestent, d'autres qui ne jurent que par ça. Quelque part au milieu, je me dis que c'est l'esprit tout court, l'esprit d'un mercredi soir sur terre et sur gazon. Je ne sais pas s'il y a lieu de se sentir fier ; je sais seulement qu'on s'y sent heureux.
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1 commentaire:
Je sais pas pourquoi mais je sens qu'un mercredi soir je vais traverser le route et aller faire des photos à Montaudran.
Avant j'apprendrais des blagues ou alors je leur apprendrais a siffler avec le nez.
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