31.3.09

646 - Mardi, je te raconte


Cette nuit-là, c'était la pleine lune.
Les plantes les arbres les animaux le sentaient : il y avait davantage de lumière, davantage de danger - d'excitation, aussi.
Les coyotes à dents de tigre, les tigres à dents de chacal, les rhinocéros laineux, bref, tous les mammifères bizarres de l'époque (sans compter les insectes les sauriens et d'autres que j'oublie) hurlaient à coeur joie, se couraient après pour se faire des mamours ou se filer des coups de dents.

Et, pendant ce temps-là,
Rahoul pensait.

Oh, il la sentait bien, la pleine lune, lui aussi ; il n'avait aucune envie de dormir. Il regardait les presqu'ombres qui s'agitaient sous les arbres, il écoutait le bruit blanc de l'air nocturne.

Et il pensait.

Il pensait à la lune (dans sa tête, cela s'appelait "Gros truc qui vient la nuit et parfois est rond parfois disparaît, pff, c'est trop long je vais dire lune). Et il pensait que quelques nuits auparavants, il avait trouvé que la Lune ressemblait à ce qui se passait quand il se coupait un ongle.

Sauf que là, ce n'était plus pareil.

Rahoul venait de faire l'expérience de l'analogie, et celle, du même coup, du changement.

Il fit ce truc bizarre. Comme pour s'expliquer cette histoire de lune, il prit un bâton et, sur le sable, dessina quelque chose qui ressemblait à un ongle qui ressemblait à la lune ; puis, juste à côté, il dessina quelque chose qui ressemblait à la pleine lune.

Quand il eut terminé, il posa le bâton et regarda alternativement la Lune-dans-le-ciel et les Lunes-que-le-bâton-avait-tracées-par-terre. Il y avait indiscutablement une analogie entre les deux.

D'une certaine façon, cela rassurait Rahoul, de voir qu'il pouvait faire exister la lune-ongle en même temps que, dans le ciel, s'affichait la lune-ronde.

Cela le rassurait, et cela l'effrayait un peu. Parce que la lune-ronde du ciel était mieux dessinée que la lune-dans-le-sable, et que pour bien faire, il aurait fallu que la lune-dans-le-sable soit, comment dire, plus... enfin moins...

Cette nuit-là, Rahoul inventa la comparaison, le cercle, l'art, et le mal de tête.

3 commentaires:

zoë a dit…

Hi! la groupie de service décerne pour ce mardi je te raconte le prix spécial de la groupie de service: un sourire dans une face de lune

Lavande a dit…

Quand ma fille était petite, je lui avais montré la lune en lui disant: "Quand elle a cette forme, on appelle ça un croissant de lune".
Quelques jours plus tard, elle m'appelle: "maman, viens voir, la lune, c'est plus un croissant, c'est une brioche!"

RiyeT a dit…

J'aime beaucoup ton style!!
Inventif et décalé! Tout ce que j'aime.