2.3.09

623 - Ca me rappelle sans cédille parce que


Rodolphe Artaud, dont j'aime les çmr hedromadaires (ils n'ont qu'une bosse) se demandait récemment si sa rubrique oulipique pouvait inspirer ses lecteurs ; son n°45, intitulé Gaston Lagaffe, m'a déclenché ce qui suit :


"Donner, c'est recevoir" me rappelle que j'ai déçu mon père
La fête, les tirettes à combien, 50 Centimes ? Plaisir d'offrir (juste ça, plaisir d'offrir, sur une boîte en carton aux motifs géométriques rangée dans une vitrine , la fente, le tiroir - je me souviens de leur forme exacte, il fallait mettre 4 doigts en crochet par en-dessous et tirer avec une certaine force, parfois il fallait demander à un adulte - aujourd'hui, je m'en sortirais mieux mais cette position n'existe plus guère en dehors de certains sexes particulièrement accueillants).

Mais le souvenir qui nous préoccupe n'est pas lié à cette sensation, sinon par la déception que l'on éprouvait toujours plus ou moins en ouvrant la boîte, le cow-boy s'était transformé en bague pour filles et le pistolet à amorces en voiture assez laide.

Ce soir-là à la fête, il y avait Goldorak en cadeau dans le stand de tir - une des premières statuettes japonaises dans une des premiers mauvais plastiques. Il se balançait au bout d'un tube en plastique blanc. Contrairement aux autres lots de la cahute, on ne le gagnait pas après avoir tiré 6 ou 7 ballons (ce qui était simple pour peu que l'on ait la patience d'attendre qu'ils se coincent entre eux). Non, la cible était le fameux cylindre en plastique : le plomb était sensé le fêler, l'ouvrir, libérer le Goldorak qui serait devenu mon robot personnel (avec un peu de chances, on me laisserait mettre des vêtements moulants et un plastron en forme d'ailes, comme celui d'Actarus).

Un cylindre blanc, de la taille approximative d'une cigarette. Plaisir d'offrir, joie de recevoir.
Mon père m'avait donné dix francs, sur lesquels j'avais toute liberté.

Une seule balle, un seul tir : dix francs.

J'étais très sûr de moi, à l'époque. Mon père m'a demandé si j'étais sûr de vouloir courir le risque. Oh j'étais sûr.

J'ai payé de ma jolie pièce toute dorée au design plein de traits, j'ai mis en joue, patiemment, attendu d'être, respiré,

(je ne savais pas encore qu'il faut être la balle la flèche et la cible)

tiré, sûr,

le cylindre blanc

qui n'a pas bougé.




Et c'était terminé. Je n'ai pas pleuré les larmes qui me montaient aux yeux, pas pleuré quand mon père a haussé les épaules, désolé pour moi.

Il n'a jamais dit que cela me servirait de leçon. Jamais stigmatisé mon assurance. Jamais, non plus, endossé un costume de super-héros pour tirer à ma place, ni négocié pour moi le Goldorak au forain. Lequel forain n'a pas non plus senti la dimension tragique de l'affaire, et décroché le monstre nippon pour me l'offrir en récompense de ma bravoure, de ma décision et pour me faire oublier ma malchance.

Je n'ai pas envisagé un entraînement militaire qui durerait plusieurs mois pour devenir tireur d'élite ; à l'époque, je penchais plutôt pour une carrière de démiurge qui m'aurait permis de remonter le temps et modeler Goldorak à mon image triomphante.

Mais j'ai su depuis ce temps que j'avais dû décevoir mon père. J'aurais voulu lui prouver à quel point la détermination est importante, à quel point elle conditionne tout ce que nous faisons. J'aurais voulu lui montrer que j'avais eu raison de tenter le coup. J'aurais voulu lui dire que je savais ce que je faisais (comme plus tard de lui dire que j'avais arrêté la cigarette ou réussi à sauver mon mariage ou à devenir un père parfaitement heureux).

Donner, c'est recevoir. Pour moi, c'était un peu dans l'autre sens, et j'ai toujours trouvé que donner, c'est donner (reprendre c'est voler) et que j'aurais voulu recevoir davantage (un clin d'oeil de Dieu, par exemple, me projetant dans la dimension où j'avais abattu le Golgoth qui tenait Goldorak).



Et la réponse de Rodolphe :

"Riad Sattouf (qui dessine dans Charlie Hebdo et Fluide) raconte dans "ma circoncision' qu'il espérait pour sa circoncision un Goldorak, pour le consoler de la perte (qu'il pressentait douloureuse) de son prépuce. Tu as eu de la chance: il y a des manières bien pire de ne pas avoir un Goldorak."


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Alors évidemment, si tu te mets à parler de prépuce, forcément... à propos de 50 centimes et de plaisir d'offrir : je t'ai tagué, voilà ! Excuse-moi, je sais bien que tu as plein de déplacements prévus prochainement - qui nous donneront peut-être bien l'occasion de nous croiser à Paris, d'ailleurs - mais un tag, qu'est-ce que c'est, pour toi, avec ta plume que t'as, hein ?

Manu Causse a dit…

D'autant plus que je sais pas quoi c'est exactement, alors hein... c'est comme jouer à chat ?

Anonyme a dit…

C'est une sorte de devoir à la maison. Un truc que t'avais pas forcément envie de faire, mais qui te tombe dessus, à cause qu'un copain qui tient un blog, eh bien il t'a désigné. En général, faut aller voir chez lui pour chercher le sujet - et là, il suffit d'un clic - puis de se trouver un petit moment pour se débarrasser de l'affaire. Puis le jour idoine pour la publication.