3.3.09

624 - Mardi, je te raconte


On en était, souviens-t'en, au vide de l'univers, que tu as accepté avec beaucoup de courage, - tandis que tu plaignais légèrement la psychologue scolaire, parce que j'en disais du mal.

Alors d'accord, je la garderais comme personnage sympathique ; mais comprends bien, mon petit mutant, qu'elle m'a demandé une tache impossible, surhumaine, prométhéenne : te raconter ton histoire.

Oh mardadeu, comme dirait ma mère-grand. Ton histoire... Dans cinquante vies de ça, ton histoire, notre histoire, sera à peine commencée (je te donne un exemple entre mille : dans 17456 ans, une goutte de pluie contenant un atome de ce qui fut mon corps frappera par un après-midi ensoleillé l'oeil d'un batracien qui replongera immédiatement dans une mare ; le soir, il racontera à ses petits têtards quelque chose comme "Et là, le ciel m'a mouillé sur la tête". Les têtards hausseront les épaules et monteront le son de leur MP7, en se disant que le vieux radote, avec ses histoires.

Mais soyons sérieux : ton histoire, donc. En partant du début.

Après le vide, il y eut le Big Bang. C'est du moins ce que disent les scientifiques.

D'autres prétendent qu'un Dieu à tête de bouc prit une patte de crocodile pour fouetter l'air autour de lui, et que cela créa le monde. Pour l'instant, et pour la clarté des débats, conservons le point de vue des scientifiques (je sais, l'autre est poétique et marrant, jusqu'au moment où un monsieur mal habillé et aux lèvres pincées vient t'expliquer que si tu te moques du grand Dieu FiianRazek créateur de l'univers, tu auras plein de problèmes le jour de ta mort, jour que le monsieur mal habillé te promet très proche si tu continues à blasphémer).

Le Big Bang, donc. Genre, à un moment, il n'y a rien du tout, et l'instant d'après, paf, il y a quelque chose.

On aurait beaucoup de mal à le croire si ça ne ressemblait pas autant, par exemple, à ce qui s'est passé pour ta naissance. L'instant d'avant, rien ou quasi - un spermatozoïde et un ovule qui se rencontrent, des petites cellules qui se montent en légo - et puis paf, quelqu'un, quelque chose, un être humain qui vit qui respire qui sent.

Mais revenons à nos Big-Bangs. A partir du moment où l'Univers se décida à exister, il fit les choses en grand. Il se dit, bon, j'ai de la matière, de la lumière, je vais tout repeindre, faire deux-trois étagères par là et trouver un coin qui fasse terrasse pour l'été.

(Sur une lointaine planète que les téléscopes n'ont pas encore découverte, un Gmörk naissait.)

Quelque part entre ailleurs et nulle part, au fond à droite après la barrière temporelle, il y eut une petite planète, pas particulièrement attirante, qui se décida à abriter de la vie.

On ne l'appela pas la Terre tout de suite - d'abord parce qu'il n'y avait personne pour l'appeler, et ensuite parce qu'elle était essentiellement pleine d'eau. Genre, on aurait mieux fait de l'appeler la Eau, si on avait dû l'appeler à ce moment-là.

La planète attendit donc qu'il se passe quelque chose dans l'eau. Un peu comme dans le potage, les poireaux en moins.

Puis, il y eut un point. Juste un
qui faisait comme ça
.

Alors, pourquoi il y eut un point, comment il est arrivé là et pourquoi, si tu me le permets pour aujourd'hui je fais l'impasse. Je glisse. Tout ce que je sais, c'est que le point eut envie de changement.
Il se décida à :

Oui, oui, à :

D'abord. Puis :

Puis
::

Tu vois le genre ? Le point sentit qu'il devait évoluer.

Un très vieux monsieur qui s'appelle Robert Pirsig résume la question de la façon suivante : pourquoi des atomes de carbone s'unissent-ils entre eux pour former une entité complexe d'atomes de carbone que l'on nomme prof de chimie alors que cette entité elle-même est condamnée à périr et à redevenir en dernier lieu des atomes de carbone ? A cette question, le vieux monsieur répond parce que, il appelle ça la Qualité et on en reparlera plus tard.

Donc, le point devint deux points, les deux points quatre points, les quatre 16, le 16 64 (ça c'est faux, c'est que je calcule mal à cause d'un truc que j'ai bu hier soir)... Et il y eut bientôt des points partout.

Je dis points, mais parce que je regarde de loin. De près, c'étaient des cellules (ta tata scientifique t'expliquera ça mieux que moi), c'est à dire des bulles avec un point à l'intérieur.

Et toutes ces bulles firent des créatures ; au départ, elles s'amusèrent à faire n'importe quoi, genre les trilobites qui ont un nom rigolo et les coelecanthes qui ont une gueule de raie ; puis, après s'être essayées pendant quelques millions d'années au style "gros lézard avec des dents partout", et pour des raisons obscures, les bulles se recyclèrent dans le mammifère.

C'est à peu près à ce moment-là qu'apparut Rahoul, le fils des âges pas cool, et du coup notre ancêtre commun.

Attention : il serait faux de penser que l'évolution des bulles amena à lui seulement. Du point de vue du coelecanthe, il ne s'est pas passé grand-chose depuis le début, et ces étranges créatures roses à deux nageoires caudales qui habitent les profondeurs aériennes abyssales sont sans grand intérêt (sauf quand elles crachent dans le potage océanique).


C'est tout pour cette semaine. La semaine prochaine, je serai à Bruxelles (à cause des livres) et la semaine suivante à Paris (toujours à cause des livres, mais je te promets que je vais essayer de faire des mangas, comme Shigurô) ; j'essaierai de trouver les moyens techniques de te poster la suite.

3 commentaires:

Dahu l'Arthropode a dit…

Tout ici est rigoureusement vrai et pertinent, sauf l'emploi répété du mot "décider". Concevoir une décision dans l'univers naissant revient, me semble-t-il, à admettre l'existence de FiianRazek.
Ceci dit, quelle a été la première décision prise dans l'histoire de l'Univers? Quand je vois le mal que j'ai à me décider à me lever le matin...

Anonyme a dit…

Non mais moi je sais bien que quand écrit comme ça (entre autres), on ne peut être affligé de tous ces défauts qui m'ont été soulignés ; c'est incompatible.

Anonyme a dit…

Mais si, c'est clair. J'ai juste oublié un "on" (Quand ON écrit comme ça...).