18.4.07

Un pur moment de poésie politique

Perso, la politique me laisse assez froid. Au moins tant que les candidats ne parleront pas sentiments, philosophie, psychologie, doutes, métaphysique ; tant qu'ils resteront des images soignées et léchées par des médiatiques pour des médias, je ne vois pas pourquoi je prendrai fait et cause pour eux.
Ce que personne ne me demande d'ailleurs.

Nous remontions le faubourg Bonnefoy, Anton, Zadig et moi ; passant devant les affiches électorales, ils disaient : lui il est gentil, lui il est méchant, lui il est postier, lui il veut faire partir tous mes copains en Algérie alors il est méchant... Ce sont eux qui ont commencé.

Finalement, la politique se résume peut-être à ça. Des caricatures pour enfant. Comme si toutes les choses plus complexes nous passaient au-dessus de la tête.
Là, en général, l'homme politique (au sens de l'homme qui fait de la politique, c'est-à-dire y compris sans doute moi quand je me mêle d'en parler...) répond :

"Oui mais vous savez, Les Gens (ou "Les Français" ou "Les électeurs" ou "La France d'en bas" - bref, les abrutis qui ont du mal à comprendre toutes la finesse de mes analyses macro-économico-politiques, et qui commentent mes petites phrases en buvant des Ricards) veulent des choses simples et rassurantes, alors on fait comme si on y connaissait quelque chose".

Moi, j'aime les gens qui hésitent, qui cherchent, qui doutent, qui se plantent. J'ai aimé voir Jospin, il y a longtemps, dire "J'ai été naïf" (sur la délinquance). J'ai aimé les larmes dans les yeux de Besancenot et de Martine Aubry un soir d'élections perdues. J'ai aimé Philippe Séguin et ses yeux désabusés, Delors qui refusait un destin (vaguement) national. Le ton paternaliste d'un Chirac, les aboiements d'un de Villiers ou d'un Le Pen, les phrases calibrées comme des balles de revolver d'un Juppé ou d'un Sarkozy me donnent juste envie de partir : les gens trop sûrs d'eux me gonflent - surtout quand ils affirment à tout va qu'ils le sont.
Ca me rappelle (je digresse un poil, mais je reviens à mon fil d'ici Italiquepeu de temps) GW Bush, peu après le 11 septembre, affirmant sur fond de Star spangled Banner et de bataillons surarmés, "We have no fear" alors que la peur se voyait partout à l'image, dans ses yeux, dans les canons lustrés des fusils des GI, dans la parade ridicule qui s'étalait autour de lui.

Bref, la politique m'indiffère, mais l'intérêt juvénile d'Anton et Zadig (ainsi qu'une effervescence générale dûe au printemps et aux prochaines élections) m'a un peu motivé à lire quelques professions de foi. Je suis tombé sur celle de notre Gentil Nico, qui veut réhabiliter la "valeur travail" et encourager l'emploi en allégeant les charges.
Pourquoi pas ? Mais je dois avouer que j'ai du mal à le suivre, par exemple en faisant la queue dans mon supermarché.

On est 25 à attendre sur deux files, entre une heure et deux. Ca rame, il fait chaud, on s'énerve vaguement, vu que la moitié d'entre nous doit reprendre le boulot minutes et que la vieille de devant fait tomber toutes ses boîtes à chat, etc...
Les caissières font la gueule, et je les comprends. L'une d'elle finit par lâcher :
- Je devrais être en pause, maintenant...
- Ah, vous attendez la relève, alors ?
- Non, elle n'arrive que dans une demi-heure.

Tiens. Un trou d'une demi-heure, comme ça, dans le planning du magasin. Avec, évidemment, la possibilité pour la caissière de fermer sa caisse... et de se faire écharper par sa collègue, ou par les 12 clients en attente.
Et hop, une petite demi-heure sup non payée pour le magasin; M'sieur France Inter expliquait ça ce matin.
Alors, Nico, explique-moi : quand tu auras réhabilité la valeur travail, ça fera quoi comme différence ?
Attends, j'essaie de penser comme toi ; de ne pas croire, comme Anton et Zadig, que tu es un méchant.
Donc, toi, tu dois penser : le directeur du magasin est lui-même soumis à la course à la compétitivité et à la pression des charges salariales ; il doit économiser des bouts de chandelle - enfin, des bouts d'heures - pour assurer ses résultats.
Si l'état lui met moins de pression, il n'aura plus besoin d'économiser, et il pourra donc mieux répartir ses richesses et cesser ses rognures ; les caissières seront mieux payées, plus heureuses, plus efficaces ; moins malades, elles n'auront pas besoin de payer des médicaments, donc d'être remboursées, donc la Sécu, etc, etc...
Ouais. Ca peut marcher, évidemment.

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