"-Pourquoi", me lance la Sagefée au-dessus d'une part de pizza, " c'est comme ça que tu vois le couple ?".
J'avale de travers ma bouchée de panini poulet-curry et lève le sourcil (je le fais super bien, regardez... là, vous voyez ?). Que veut-elle dire ?
Je viens de lui faire un résumé de ma journée Ikéa - dont vous trouverez trace quelques posts plus bas - et de m'enorgueillir à nouveau de l'équanimité avec laquelle Princesse et moi avons traversé l'adversité suédoise.
Et voilà que Sagefée ajoute (ou aurait pu ajouter, je brode un poil...) :
"- Finalement, pour toi, vivre ensemble, c'est partager la colère, les tensions, les engueulades, les escarmouches, les mauvais moments..."
Je tente de protester :
- Non, attends, il y a aussi tout le reste, comme... euh...
Oh non, ce n'est pas vrai, je ne vais pas bloquer juste à cet endroit ?
C'est pourtant évident : les moments sur un banc, regarder la plage en chantant Adamo, faire l'amour... On a déjà fait toute une liste ici même. Et puis il y a le reste, aussi, ce qui est au-delà des mots - la couleur de l'air autour de nous quand nous nous sourions, les pensées qui se rencontrent sans que nous n'ayons rien à dire, les regards qui se suffisent à eux-mêmes, l'éclat de ses yeux au matin (pas les miens, notez, j'ai des matins dans le plus pur style Wookie)...
Ben oui mais. C'est vrai que ça fait un peu plus d'une semaine que je vois bien le côté négatif des choses, et un peu moins le visage du bonheur. Ca m'inquiète, forcément, et je me sens coupable.
Couplable, peut-être.
Comme si montrer ma fragilité (pauv'petit bonhomme) à Princesse risquait de la faire fuir.
Attention, je ne parle pas de sensibilité : elle s'est habituée à me voir parler ou pleurer tout seul quand j'écris, à danser ou me tortiller quand je suis mal à l'aise...
Non, je parle bien de fragilité. D'irritabilité (quand j'arrête de fumer, vous devriez voir, c'est spectaculaire), d'instabilité (itou, même qu'on dirait mes fils, tiens, du coup j'ajoute une louche de puérilité), de faiblesse. De débilité. Toutes ces jolies choses que Princesse découvre sous le paquet cadeau de mon corps musculeux et de mon apparence charmante (bougez pas, je vais tremper ma tête dans un seau d'eau froide pour me calmer... aaaaah, ça va mieux).
Princesse découvre tout ça, et je le redécouvre avec elle. Et, bizarrement, elle ne s'enfuit pas en hurlant (moi, j'aimerais pouvoir, vraiment...).
Parfois, je me dis qu'elle est particulièrement perverse. Que c'est sur ces communes fragilités qu'on fonde un couple - et que c'est une belle connerie, comme construire un pont sur du sable.
Parfois aussi, je me dis qu'elle est simplement la plus courageuse (en plus d'être la plus belle) des Princesses, et que je remercie à genoux le destin qui m'a mis en sa présence. Et que les fragilités ne sont rien comparées à la honte d'être fragile.
Donc, voilà ce que j'aurais dû répondre à Sagefée : ce qui me rend heureux, c'est qu'aux côtés de Princesse, j'ai un peu moins honte de mes faiblesses. Du coup, on ne s'engueule pas à Ikéa. C'est simple, non ?
En parlant de faiblesse, vous auriez dû me voir hier, cramoisi, les mains moites et le souffle court, faire une présentation de Roméo@Juliet auprès d'un parterre multibilingue de qualité - les membres d'English Ltd, où l'on ne rencontre que des gens exceptionnels (merci à eux tous pour leur accueil).
Mon anglais se dérobait sous moi, ma vision périphérique ressemblait furieusement à un kaléidoscope, et je m'entendais parler comme un étranger - bref, je parlais en public. Quand je pense que c'est ce que je vais faire tous les jours d'ici lundi prochain...
Mais souvenons-nous que l'existence offre toujours ce dont nous avons besoin.
A la fin de la séance, une Fée de la Voix s'est approchée de moi et m'a glissé :
It's all about breathing, you know...
Oui. Juste une question de respiration.
Alors,
je vais
respirer.
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