30.6.09

705 - MArdi, je te raconte


Rahoul marcha longtemps sous la lune. Ses yeux restaient fixés sur la grande silhouette, là-bas, au fond de la forêt.

Le silence, à cette époque, était si profond qu'on aurait dit que rien d'autre n'existait. Ce n'était même pas du silence - pas l'absence de sons, pas le calme de la nuit - mais presque le contraire : le bruit assourdissant du vide de la forêt.

Bref, ça filait quand même un peu les jetons. Ou était-ce la fraîcheur de la nuit qui faisait trembler les jambes de Rahoul ? Mais sa décision était prise : il se rendrait jusqu'à l'Arbre, l'escaladerait, et découvrirait son secret.

Là-bas, au campement, Esag dormait comme une souche. Comme une souche qui aurait ronflé. Il faut dire qu'Esag-le-farouche dormait de la même façon qu'il vivait : farouchement. Quand il posait la tête sur son oreiller de rondins, quand il fermait les yeux, le monde pour lui cessait d'exister.

Cette nuit-là, pourtant, quelque chose vint le tirer de son sommeil extrême. Quelque chose, ou plutôt, son absence : l'absence de quelque chose, de quelqu'un...

-
Nom de groumpf, mon Rahoul ! " La pensée transperça son crâne épais, le réveillant tout à fait. A côté de lui, sur la branche, la place de son fils n'était plus occupée.

Et Esag, bien qu'il ne fût pas le plus intelligent des papas, comprit tout de suite que son fils était parti pour escalader l'arbre. Et il s'en voulut, évidemment - après tout, s'il ne lui avait pas raconté toutes ces histoires...

Esag sauta à terre et, sans hésiter, s'élança vers la forêt.

Kiki, la pleïstéchionne, le regarda partir d'un oeil inquiet ; au bout de quelques minutes, elle se mit à le suivre de son pas lent et chaloupé.

Cette nuit-là, elle et Esag inventèrent la poursuite haletante.

1 commentaire:

Dahu l'Arthropode a dit…

J'avais entendu raconter qu'à la fin de 4'33, John Cage avait dit à son public "vous venez d'interpréter 4'33 de John Cage". Je suis un peu chagrin de voir qu'il n'en est rien.

À moins qu'il ne s'agisse là d'un bis.