10.6.07

Dans le jardin de Juliette

Il y a dans son jardin des chèvrefeuilles qui recouvrent des poteaux en ciment ; des murets que les hautes herbes effacent, des plantes que l'on ne connaît pas. Juliette habite en haut du flanc de la colline, au bout du chemin des vignes, après des pas dallés blottis contre la haie.
Vendredi, nous nous sommes retrouvés devant la petite maison couturée de cicatrices, sur le sol que les toupies venaient de balayer comme des tornades ; la petite table ronde en plastique portait des pâtes de toutes formes, quelques vins de couleur, et des gâteaux au chocolat.
Juliette passait de l'un à l'autre en souriant de son sourire unique, sous l'oeil bleu de sa grand-mère où se lit la fierté des femmes qui ont dû vivre seule. Juliette souriait, signait des dédicaces, remerciait, tirait sur les fils de la robe grise qu'elle avait cousue pour l'occasion ; Juliette secouait sa natte, appuyait sur la paume de ses mains, expliquait un détail, racontait une aventure. Et nous tous, autour d'elle, nous admirions sa présence, la beauté de ses images, de ses gestes, du jardin qui ressemble tellement au monde qu'elle crée sur ses photos.

Et puis la nuit est tombée sur le jardin de Juliette, emportant avec elle les gens extraordinaires que l'on y croise - traducteurs de Tolkien à tête de Hobbit, vétérinaires sauveurs de pythons réticulés et de chiens paralytiques, enfants qui se cachent et ne voudraient jamais partir.

Quelques-uns sont restés autour de Juliette ; on a parlé de musique, de livres, et surtout de celui que Juliette prépare, raison de l'exposition que lui consacre le Centre Culturel d'Agen ; mais tout ça, ce sont des secrets d'éditeurs, alors je ne peux rien révéler - pas plus ce que je ne peux raconter ce que les filles se sont dit en chuchotant à l'étage, quand elles empêchaient les garçons de dormir avec leurs rires murmurés qui descendaient jusqu'au rez-de chaussée.

Et le lendemain, comme dans les contes de fée (ou de sorcière), le temps s'est étalé ; nous ne voulions plus partir, et nous parlions de tous les projets qui nous passaient par la tête - en particulier ceux qui ont trait à ces diables d'éditeurs d'Où sont les enfants ? Juliette a pris des photos de tout ce beau monde ; dans ses yeux, il a les couleurs des images rêvées.



Plus tard, j'ai encore regardé le jardin de Juliette. Et peu à peu, il m'a semblé y voir passer quelques créatures -peut-être des vers à soie bleus, des lapins, des chats du Cheshire. J'ai vu aussi quelques lutins (mais c'était peut-être Juliette elle-même), et un ou deux fantômes, mais des gentils, des qui ne font pas peur, juste un peu de chagrin.

Et puis j'ai laissé Juliette dans sa maison de petite fille, au milieu de son bric-à-brac superbe où s'organisent les images qu'elle nous offre.

Puisqu'une demoiselle aux yeux mordorés m'a appris le sens de ce mot, autant l'utiliser : Namasté, belle Juliette. Je suis enchanté de travailler avec toi.







Tieri Briet, Juliette Armagnac : Prénom Camille, Editions Où sont les enfants ?


Juliette Armagnac : exposition "Alice au Pays des merveilles", Centre culturel André Malraux, Agen même : un avant-goût des photos du livre à paraître aux mêmes éditions (avec en plus un making-of musicalisé par LoFi).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bien à toi cher Manu, c'est un plaisir que de relire ce poème, cette prose en son hommage.. que de justesse dans ton propos pour la vie de Juliette, il est vrai que je partage ton sentiment...cette maison est un régal , à l'image de juju, entière vrai, nature, profonde, pleine de vie, sincère, rigolotte, paisible, et magique...
au plaisir d'une prochaine rencontre sous de tels hospices..
hélène aux yeux mordorés..
Namasté