De plein de façons.
D’abord, bien entendu, je voulais être Une Grande Personne – ça, c’était le top, le mieux qu’on pouvait faire.
C’étaient elles qui jugeaient pour nous, du coup – et il me semblait à l’époque qu’On n’Avait Jamais le Droit de s’Amuser…
Puis j’ai grandi, dans un premier temps raisonnablement ; je crois que j’aurais voulu devenir un autre Personne – par exemple cet Ulysse si malin qui disait au cyclope, « Je suis Personne » (les copains traducteurs et profs – tiens, André, si tu nous entends - SVP les références ?), et qui du coup réussissait à s’enfuir du trou où on l’avait jeté (une caverne obscure avec plein de moutons poilus… allô, Dr Freud ?). Ce Personne, voyageur aux mille tours, était mon personnage favori…
Plus tard, il y avait la nonchalance amusée de Henry Fonda (ou était-ce Terrence Hill ? je vérifie), collant son pistolet entre les jambes du barbier (oups, j’avais écrit banquier) qui lui a mis un couteau sous la gorge… Oui, « Mon Nom est Personne », 1973, une histoire de passation de pouvoir entre un vieux pistolero du nom de Jack Beauregard (Fonda) et un jeune loup… Ce qu’il était sexy, quand même, Terrence Hill (ça fait pas un peu homo, quand je dis ça ?)… Tiens, on dirait que je peux louer ça sur canal/free/télé j’y comprends que tchi mais je vais essayer (à condition qu’il y ait une VO)…
J’en reviens à mon envie d’être Personne.
A un moment, elle m’a passé. J’avais l’impression de viser trop haut…
A la place, j’ai voulu être Quelqu’un – d’abord, au début, un Grand Quelqu’un. J’étais bien parti – une poussée de croissance m’a amené très tôt à frôler les 1,70 quand les potes de mon âge étaient entre 1,20 et 1,50… sauf que, le truc bête, ça s’est arrêté là. Pouf, d’un coup. Et j’ai regardé tout le monde grandir autour de moi, atteindre fièrement des hauteurs d’homme (genre quoi ? 1,80 ?) pendant que je commençais à apprendre à gérer mes complexes…
Un Grand Quelqu’un, ça pouvait être aussi les grands hommes dont on me serinait les oreilles : par ordre d’apparition à l’écran, Hugo, Jean Jaurès, mon grand-père disparu avant que je le connaisse, mon oncle, mon père (je crois qu’en fait, c’étaient les idoles de ma mère…) ; éventuellement, je pouvais devenir un Musicien (là, je crois qu’il y avait conflit entre mes parents, mais ça devrait se tasser, maintenant)…. Sauf que bon, ça, c’était vraiment du boulot – parce que ça voulait dire devenir Quelqu’un d’autre, et que les résultats étaient peu probants.
De Hugo, d’abord, je n’avais pas le souffle (ni la barbe, en fait).
De Jaurès, je n’avais pas la colère, et la politique a cessé de me passionner après mes 17 ans.
De mon grand-père, je ne savais presque rien sauf qu’il s’était tué à la tâche – mais j’ai paraît-il son front et ses yeux.
Mon oncle, lui, avait les colères, la barbe et le souffle (apparemment, un souffle au cœur qui aurait pu lui être fatal s’il n’avait eu aussi un souffle de montagnard). Ça m’inquiète un peu d’avoir hérité de son cœur…
De mon père, je ne savais pas trop ce que j’avais… en fait, si, les jambes, les mains et le sboub (comment j’ose parler de ça, moi ? pour les mains et les jambes, j’ai des photos ; pour le reste, don’t ask me…).
Bref, j’avais tout ça – tout pour faire un corps - mais je ne savais pas vraiment qui je voulais être. Ni, puisqu’on en parle, comment on faisait pour devenir ce qu’on était.
Ouh la, je parle psycho, là, non ?
Bref, j’ai voulu être Quelqu’un – artiste, musicien, auteur, écrivain, qu’est-ce que j’en savais ? Peintre, j’aurais bien voulu (Picasso était une des autres idoles de ma mère), mais mes mains ne suivaient pas… Visiblement, elles ne suivaient pas pour tout le reste ;
Donc, j’ai fait ce qui m’était le plus facile : devenir un sportif, un étudiant puis un prof, un mari, un papa… Et quand je suis arrivé à ça, tu sais ce que j’ai fait ?
Ben je me suis cassé.
Plein de fois.
Je me suis cassé la gueule en vélo et en voiture.
Je me suis cassé les oreilles – je ne supportais plus la musique, ni ma voix.
Je me suis cassé les couilles (une jolie maladie poétique évoquée dans Petit Guide des Transports…)
J’y suis allé en plein de fois, doucement, par petites touches. Quand j’ai eu fini, j’ai fait le truc que je passerai ma vie à essayer de me pardonner : je me suis cassé de chez moi.
J’ai abandonné femmes et enfants pour une histoire – une très belle histoire, une histoire d’amour que je passerai ma vie à essayer de me rappeler, et sur laquelle je me suis cassé les dents et tordu de douleur.
Et puis je me suis soigné. Je continue encore. Je suis en grande convalescence des sentiments.
Quand cette histoire-là a été finie, je me suis retrouvé ici, devant mon PC, à faire une des choses que je préfère : me laisser emporter par l’écriture. Et aussi une des choses que je déteste : me laisser emporter par la colère – en particulier contre mes fils, ce que je trouve injuste et débile.
C’est là que j’ai commencé à penser que, finalement, ce premier objectif d’être Personne devait être le bon. Qu’il n’y avait aucun mal à viser haut si la cible était haute…
Et je m’y suis remis. Comme au début. Comme un gamin. Je jouerais à être personne –un orphelin perdu dans les bois, un héros enfermé dans une caverne, le plus cool des cow-boys
Une amie écrivain, Marie Mélisou, m’a dit un jour que c’était déjà pris – un certain Fernando Pessoa, un Portugais qui fait dans la littérature, vous connaissez peut-être ?
(ah au fait, une bonne fois pour toutes : je ne mets pas de « ou de ;-) quand je dis une connerie énorme : si tu la prends pour le fond de ma pensée, ça te regarde…)
Ce qui ne va pas aider à être connu…
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