23.4.10

862 - La peu fameuse théorie de l'accident


1) Du ciel en moins
Déjà rien que là, ça m'énerve du matin. Imaginez un peu : au-dessus du toit qui donne sur le ciel, en face de mes yeux par ma fenêtre un homme en jogging monte des briques, annonçant la surélévation d'une maison que je ne voyais pas jusqu'ici. Un peu de ciel qui s'efface à chaque coup de truelle, un vis-à-vis embarrassant pour les soirs où j'écris nu.
Ne peut-on jamais rien tenir qui dure, même le vide ?
Putain, c'est philo ce matin.

2) Théorie
Bon, grosso modo, dans la théorie du complot, ils nous veulent du mal. Ils mettent tout en oeuvre pour nous dépouiller nous déposséder se jouer de nous. Banque, entreprise du bâtiment, méchants capitalistes, gouvernants, ils nous prennent pour des moutons et veulent nous mener à notre perte. Ce qui est idiot, vu que c'est aussi la leur, je suppose (si les riches suppriment tous les pauvres, il y aura des pauvres riches et des riches riches, et tout recommencera). Mais bref, ils savent et décident et complotent. Bande d'enfoirés.
La théorie du Signe est la suivante : il n'y a pas de hasard. Si hier, me rendant avec douce à une soirée théâtre (pas mal, ce jeune Beckett, il faut le dire), nous avons décidé de meubler nos quelques minutes d'avance en poussant la porte d'un magasin encore ouvert, et que nous y avons croisé ma vieille copine L., perdue de vue et un peu de coeur depuis longtemps, c'est que c'était écrit. Cela faisait partie d'un grand plan qui explique que les supermarchés de la côte basque soient tous en rupture de stock de verres à eau, que les magasins chics ferment leurs portes à des heures ineptes, que mon coeur bat toujours deux temps sur trois, que l'amour dure éternellement ou en tout cas plus que les soldes...
Belle théorie, aussi. Quelque chose de très beau très vrai très pur sait pour nous et décide, nous guide sur un chemin écrit, où nous pouvons bifurquer mais jamais nous perdre.
Il y aurait bien sûr d'autres théories corollaires. Genre le néo-platonicisme, le réalisme, le raélisme et j'en passe.
Et il y a la théorie de l'accident, dite Théorie de Bouzidouille, du nom du plombier qui l'inventa.

3) Ce truc sur mon épaule #11
J'aurais voulu perdre connaissance. J'aurais voulu mourir plutôt que de comprendre.
Je voulais de toute mes forces faire taire la conscience de ce que mon frère venait de me dire, oublier la raison de mes cris. Je voulais remonter le temps, abolir la nouvelle, le coup de téléphone, la pleine lune et la drogue que j'avais fumée. En hurlant, en pleurant, en me roulant par terre, je savais pouvoir y parvenir.
Je l'ai entendu raccrocher le téléphone, et je me souviens que j'ai pensé "Quoi qu'il fasse, maintenant, au moins je suis tranquille, au moins je l'ai fait taire". Et j'ai continué à hurler.
Ma voix se faisait de plus en plus fragile, mes cris de moins en moins humains ; la force de ma colère s'émoussait comme la grêle contre un mur de briques crues. La tête sur la moquette, les bras repliés sur mon ventre, je ne bougeais presque plus.
On a frappé à la porte.

1 commentaire:

EmmaBovary a dit…

Ouh là là, je suis en retard pour le truc sur l'épaule, pas trop le temps en ce moment! Mince, j'aime bien pourtant, même si c'est un peu triste... Parce que c'est avec des histoires comme ça qu'on avance et parce que moi aussi, il m'arrive de crier en silence.