21.7.07

une conversation du soir entre z'écrivains

(...écrivait-il un soir tranquille)


J'écris pour guérir ma mère.
Merde.
Si elle guérit, est-ce que j'arrêterais d'écrire ?
Et si elle meurt ?

Si elle meurt, peut-être que tu écriras pour la faire revivre.

Ah bin ouais, tiens, c'est malin. Donc tout cette écriture serait liée à la pensée de la mort de ma mère ? Je croyais que c'était la mort du père qui faisait vendre, en ce moment.

Moi, je n'écris pas pour ma mère, ni pour mon père. Juste pour la mort, je tourne autour.

Ca m'étonnerait que tu tournes. Les étoiles et les soleils ne tournent pas (ou alors à l'échelle des galaxies, mais bon, c'est infime, on ne va pas chipoter). Moi, de mon côté, j'écris beaucoup pour mes parents. Pour les guérir. Pour me guérir d'eux.
Ca paraît accusateur, comme ça, mais c'est tout le contraire. Quel plus beau cadeau peut-tu faire à tes parents que leur dire : voici la personne que je suis. Grâce à vous, beaucoup. A cause de vous, un peu. Mais une personne, à part entière. Pas juste un morceau de vous.

C'est vrai que c'est beau. Au moins, tu sais pourquoi tu écris. Moi, je crois que je l'ignore encore. Au départ, c'était peut-être juste un besoin, écrire, puisque je ne parlais pas. Ca me permettait de vivre un peu plus fort. C'est sans doute toujours vrai, mais il y a autre chose que je ne cerne pas. Pas encore. Mais je cherche...
et je me dis aussi qu'au lieu de chercher, je ferais mieux de me contenter d'écrire sans me poser de questions.

Ah, tu veux dire l'état de grâce ? Quand tu écris sans penser à ce qu'il y a après le stylo ?
Je te connais, maintenant, Princesse. Je sais que tu en connais, de ces états (hell, sometimes I tezll myself you're the only one not to know how graceful you are. Everyone sees it but you)
...
Pardon, je croyais que c'était ton tour. Donc, je disais que moi, j'écris pour sauver ma maman, en priorité (mon papa, je sais qu'il va bien. Enfin, sauf qu'il est un peu inquiet pour elle, comme moi, même s'il ne le laisser pas voir, on sait se tenir, en Charentes).
A cause d'une nouvelle qu'elle nous a fait lire, il y a longtemps, et qui nous a brisé le coeur.

Est-ce que tu peux me la raconter ? Pas forcément ici, mais j'aimerais comprendre. Toi, ta maman.

Attention, pitch ("lou pitchou" en occitan) : Dans une société future, fondée sur l'obligation du plaisir et de la consommation, une vieille femme mourante, que seul son grand fils accompagne, se remémore son passé.
Fin du pitchou.
Ce qui m'avait marqué, c'était :
- le personnage du grand fils qui était à ses côtés (message subliminal, si possible avec l'accent juif "Mon fiiiiiils ! Reste làààààà !")
- un détail assez troublant sur l'incapacité à jouir à se masturber, sous l'injonction d'un bracelet électronique, dans le genre Paradis pour tous (un vieux film avec Deweare).
Tu vois le tableau : le désir vécu comme une contrainte qu'on ne peut pas satisfaire.
Un truc typique des soixante-huitards, je pense. D'ailleurs, le peu que j'ai lu de Houellebecq me fait penser à ça. Aussi bien ma maman c'est Houellebecq et personne ne le sait). La volonté, la possibilité de "jouir sans entraves" confrontée à des siècles de morale chrétienne.
Je te le dis, ils en ont fait un sacré boulot pour nous, ces gens-là.
Ayé, tu vois le topo ?
Je vois, oui. Et, bizarrement, ça me fait penser à mes parents, dont je me suis toujours dit qu'ils vivaient sans plaisir, comme si c'était interdit.

J'espère que tu la guériras. Je suis sûre que tu vas y arriver. Et ensuite, tu continueras d'écrire, encore mieux.

Et ensuite, tu continueras d'écrire, encore mieux. Je t'aime, allons nous coucher.

Bonne idée...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

trosième tentative pour écrire un commentaire qui commence comme ça :
Si j'étais une mère écrivain ,je dirais à mon bien aimé fils l'ecrivain: Nos enfants chéris ne nous doivent rien et l'amour dont nous essayons avec plus ou moins de bonheur d'enrubanner leurs vies n'est qu'une petite contrepartie au sens lumineux qu'ils ont donné à la notre .Et les mères de la Place de Mai n'avaient pas besoin d'être guéries , elles voulaient juste SAVOIR leurs enfants dansant dans le soleil . Tu vois , je n'ai pas écrit: elles voulaient VOIR , non juste SAVOIR leurs libres enfants vivants et heureux . Et la nouvelle ne parlait pas tant de la vie ,mort et miracles d'une pov vieille mère dans une société du bonheur parfait que de son tourment à savoir que son amour pour lui empèchait son fils de vivre ou d'inventer de la vie dans ces conditions foutraques . C'est pour ça qu'elle se débrouillait pour d'abord le faire partir ,puis ensuite pour tirer sa révérence. Il n'avait alors plus raison de revenir (d'une: y restait que des cons)... Le fils tant aimé allait pouvoir renouer avec le sens de sa vie et, qui sait, faire naitre des petits princes, et aussi retrouver dans un pays de vie ses soeurs les lumineuses . C'est comme ça ,si j'étais une mère écrivain que je voudrais que mon fils écrivain ou pas et mes filles les si belles, écoutent cette histoire qui ne voulait ni leur briser le coeur ni les enchainer mais juste leur dire qu'ils sont mon air ,mon eau ,mon feu quand il fait froid , ma brise douce quand il fait chaud ,une rivière qui chante , mon alpha et mon oméga et ma vigne avec le Canigou en arrière plan - et leur père aussi est ,avec eux ,tout ça pour moi . Et leurs amours et leurs enfants .Capito? figlio mio ? Mais les mères pas écrivains comme moi ne savent pas toujours trouver les mots pour dire ce bonheur d'amour...et enplus elles nesavent PAS DU TOUT comment envoyer ce commentaire
ATTTTTENTION TROISIEME TENTATIVE

Manu Causse a dit…

Yep ! Ca a marché ! Comment c'est rapide, la communication moderne... pour un malentendu vieux de quelques années.
N'empêche, du coup, on est écrivains tous les deux.

Bises la mama.

(et mourir pour que son fils soit heureux ? Tssk tssk tssssk dooctor Freud... je me demande s'il ne faudrait pas relire cette nouvelle)