30.11.09
779 - Lundi
Monday, we sat
Steaming mugs in our hands
Among friends, watching,
Though the windows upon grey skies,
The passing of the years
Unaccounted for.
Et, pour les inconditionnels, un nouveau morceau de Grizzly Sisters
27.11.09
778 - Indirectement
Ce matin, c'est dans l'encrier que ça se passe.
Des souvenirs de soirées entre amis.
Tiens, amis est l'anagramme de mais.
26.11.09
777 - Jeudi peu, mais...
... Jeudi bien.
Non, inutile de retourner sur ce lien musical - à moins bien sûr qu'il n'y ait un nouveau morceau, de nouvelles couleurs chatoyantes (enfin, une) et quelques photos...
Inutile de rêvasser à un autre morceau, à un scénario réutilisant les bases de ce roman bilingue refusé à l'époque, Secret Village...
Inutile d'attendre la confirmation de la répétition de cet après-midi avec Sister Grizzly...
Du travail. Du vrai. De la traduction pure et dure. Ah mais hein. Faudrait pas que.
Ill : Quelqu'un téléphone, ep
25.11.09
776 - Mercredi, tu n'oses (je ne déprime pas, je relie)
Petits nous disions (enfin, les autres disaient) mercredi au lieu de merde. C'était mignon.
Mercredi à celui qui lit ?
Ce matin tu n'oses
parler de cette visite à un cher sherpa
qui accepterait, primesautier, de t'aider à visiter ton côté sombre
(une balade dont tu te demandes si tu ressortiras vivant, ou, pire, intéressant pour toi-même)
Tu n'oses guère plus évoquer cette émission de radio live
Qui t'as forcé à te rendre compte que tu ne connaissais rien à la situation du Honduras
Et que tu n'y pouvais pas grand-chose
- ton sens de la révolte peut-être mort, idiotement
Tout au plus traînes-tu sur la page des statistiques
Espérant que ton ventre ou ton orgueil gonflent comme
Le nombre d'écoutes de compliments de remarques
Petit à petit tu apprends à tenir en laisse
Les doutes l'oeil qui voit l'avenir noir
Comme si tu te préparais à regarder le monstre
Que tu sais dans le miroir.
Ill : Quelqu'un offre son coeur, ep
24.11.09
775 - MArdi, je te raconte
C'était une hutte de rondins empilés, surmontée d'un toit de branchages, blottie dans une anfractuosité de la paroi rocheuse qui constituait, à l'est, un rempart naturel pour le village. Ornés de plumes, de serres d'oiseau, d'ossements de petits mammifères et d'autres objets étranges et magiques, une dizaine de mats de bois blanc marquaient l'entrée du territoire d'Iorg.
Rhol se glissa entre eux précautionneusement, prenant garde à ne pas les toucher ; leur bruit aurait sans nul doute donné l'alerte au Shorcier.
L'entrée de la hutte était masquée par une large peau de yevher sauvage ; du trou pratiqué au centre du toit, un mince filet de fumée s'élevait.
Rhol se força à rester immobile, attendant que les battements de son coeur se calment dans sa poitrine et que son souffle redevienne régulier. Il songea un instant à s'emparer d'un des crânes qui pendaient aux mâts ; devant les autres enfants, cela aurait pu constituer une preuve. Mais Rhol résista à cette tentation. Il avait promis de voler quelque chose dans la hutte d'Iorg, pas à l'extérieur.
Il s'accroupit, se fit le plus petit possible ; il souleva le coin de la peau de bête et passa la tête dans l'entrebaillement.
Ill : Quelqu'un surmonte, ep
23.11.09
774 - Dans le salon de nos cousins parisiens
Bon, nous autres, les Belges, Toulousains, Bourguignons, Bretons, Angevins, on parle normalement. C'est à peine si de temps à autre un accent sur nos langues rappelle nos origines (nous ne nous lasserons jamais, je pense, du stand des éditions Quadrature, bien plus beau que les nôtres).
Et puis parfois, nous nous retrouvons chez nos cousins parisiens. Eux parlent différemment. Pas vraiment normal. Un peu pointu, un peu métallique. Comme s'ils mâchaient en permanence un bout de tour Eiffel.
Alors, nous les écoutons.
C'est qu'ils parlent, vous savez.
Nous nous faisons petits. C'est qu'ils sont connus, eux - cela fait une différence. Je ne sais pas s'ils se connaissent, mais ils se reconnaissent.
Du coup, nous leur en sommes reconnaissants.
J'avais mes plus beaux sabots, ce samedi, au salon d'Ozoir-la-Ferrière. C'était peu pratique, à voir comment les organisateurs (en particulier Luc-Michel Fouassier et sa douce épouse) couraient en tous sens.
Pour ne pas les gêner, nous sommes restés assis, attendant que le peuple d'Ozoir-la-Ferrière vienne nous découvrir.
Ce qui se fit. Lentement, sans doute, au rythme des mini-mouvements de foule (nos cousins parisiens, quand ils sont nombreux, savent très bien faire une foule ; il faudra qu'on apprenne, un de ces jours) et au travers des écueils des nombreuses personnalités qui, malgré une épidémie de grippe fort mal venue, ponctuaient le salon ; mais nous avons eu quelques discussions avec des autochtones qui, mis à part cette histoire d'accent pas normal, étaient charmants.
- Ah vous êtes aveyronnais/bourguignon/corse/papou/belge ? Tiens, moi aussi, mon grand-père l'était. Et vous écrivez des livres ? Quelle idée étrange...
Quelle étrange idée, en effet. Des livres, il y en avait beaucoup (plus de 50 auteurs, précisait la sono qui agitait mes pavillons acoustiques) - même si du côté des miens, il n'y avait que Visitez le purgatoire, une proposition pas toujours agréable à entendre.
L'immense Georges Flipo (un cousin parisien) avait remporté le prix Ozoir'elles, et trustait, en toute logique, les files de visiteurs ; il faisait même un peu d'ombre à Yves Simon ou Véronique Genest, parrains de l'événement, qui, grands princes, l'ont félicité.
Le soir, nous avons traversé Ozoir en tout sens pour nous retrouver chez le cousin Luc-Michel, entre nouvellistes ; et là (était-ce la délicieuse cuisine de Valérie, la fin de la journée ou le cognac ?), nous nous sommes tous mis à parler normalement.
En repartant, dimanche matin, j'avais un petit goût métallique dans la bouche. La Tour Eiffel ?
PS : Du coup, j'ai envie de parler un peu de moi (aha ahahah), et de ces six titres intitulés Just for des mots, que vous pouvez entendre, voire écouter, ici...
Ill : Quelqu'un apparaît, ep
20.11.09
773 - Juste en passant
La maquette "Just for des mots" est terminée -sauf qu'on ne peut pas encore l'entendre sur le blog de LoFi, dont la plateforme a déclaré forfait. Mais bon, si vous y tenez, je vous l'envoie, pour goûter.
Madame l'Educ Nat semble prête à me libérer bientôt - et sous caution, en plus. Au boulot, donc !
Demain, je serai au salon d'Ozoir-la-ferrière, avec plein de gens connus et tout. Si vous êtes dans le coin, passez donc me claquer la bise...
Ill : Quelqu'un baigne, ep
19.11.09
772 - Le mot baiser, dis-tu
Le mot baiser, dis-tu, je me souviens
D'oreillers étouffants de douceur
De ricanements
Ils baisent, baiser la gueule,
je me souviens des mots de celle
At least you can fuck
Des olympiades de la sexualité,
du petit haussement d'épaule ;
Je me souviens de tes sourcils
Froncés au mot barbare
De ta colère quand,
De nos expériences
De ton sourire, demain,
Du mot qui renferme
Ou exprime, suivant les jours,
Quelque chose comme
L'intriqué de nos corps dans la lumière.
Ill : Quelqu'un cherche, ep
17.11.09
771 - Gérons nos angoisses par l'écriture
Inspir, expir.
Inspir, expir.
Zen.
Le coeur bat comme un gosse.
C'est allé vite. Beaucoup plus vite que je ne le pensais.
Ils m'ont appelé ce matin - la principale m'a lue la lettre des parents d'élèves.
Démagogie. Déconstruction. Anarchie.
Pas de programme. Improvisation.
Voix métallique dans le téléphone. Inquiétude. Gentillesse, tout de même.
Hier, les élèves ont testé leurs capacités à se situer dans l'espace, dans le temps, dans un cours. Il a été question de niveau sonore, de prise de parole, de liberté, de démocratie.
J'ai essayé de les amener doucement à des idées littéraires, à des projets qu'ils formuleraient eux-mêmes.
Ca a très bien marché : ce matin, le rectorat veut examiner d'urgence ma demande de démission.
Jusqu'où va la liberté d'un prof ? Suis-je réellement en train de me moquer d'eux, ou est-ce que pour la première fois de ma carrière d'enseignant, je tente une expérimentation pédagogique pour que les élèves construisent eux-mêmes leur savoir ?
Je me heurte aux "il faut" ; je me laisse flatter par cette phrase entendue hier, en partant du collège, "Lui, c'est le meilleur prof du monde".
Elle appelle aussi la phrase "C'est le pire enseignant que l'on connaisse".
Je ne pense pas au Cercle des poètes disparus.
L'inquiétude du futur trace son sillon dans mon ventre - pour une moisson à venir ?
Je ne dois pas détester déranger autant que je le crois.
Un jour, je raconterai comment, il y a quelques mois, je suis allé au rectorat, confier mes inquiétudes, mes questions sur le rôle de prof, les possibilités qui s'ouvraient à moi - et comment l'entrevue, dans un bureau sous les toits, n'a rien donné. Ah bin non on ne sait pas. C'est à vous de voir.
Je suis venu. J'ai vu.
Je ne suis pas encore certain qu'il y ait de vaincu, ni de victoire.
De quel combat parlions-nous ?
Je peux enseigner à écouter, à regarder, à lire. Je peux enseigner à écrire, à poser les bases d'une pensée. À distinguer des saillies dans la masse d'informations et de stimuli que les adolescents reçoivent chaque jour (infiniment plus nombreux que ceux que j'ai pu recevoir à leur âge). Je peux enseigner l'amour des livres et des mots.
Et pourtant mes jambes tremblent un peu, dans ma posture.
Inspir. Expir.
Apprécier l'instant.
Maman, j'ai peur d'aller à l'école. Mon cartable est trop lourd, les autres sont méchants, je m'accroche à mon enfance en la bourrant de coups de poing.
Je me sens parfois capable d'enseigner le doute à une montagne.
Est-ce que je faillis à ma mission, ou est-ce que je tente de la porter au plus loin ?
Inspir. Expir.
Une belle journée commence.
Illus : Quelqu'un écrit, ep
770 - MArdi, je te raconte
Grande Nuit était noire quand Rhol quitta le village. Sur le chemin qui menait à la cabane du Shorcier, son oeil exercé détectait le relief des pierres, les racines dissimulées dans la terre et les fourrés. Il entendait, tout près de lui, les mouvements précipités des créatures nocturnes qu'il dérangeait. Une fois ou deux, il lui sembla sentir une présence sournoise et menaçante, qui rôdait dans la forêt.
Il se forca à avancer plus vite ; la peur, c'était seulement la peur qui lui faisait entendre de drôles de choses. Et la peur était l'ennemie ultime : elle vous faisait tout voir, tout croire, tout craindre. Elle s'emparait de votre esprit comme une brume maléfique, et vous poussait à commettre des erreurs.
Plus d'une fois, Rhol faillit rebrousser chemin, et retourner dans la hutte de ses parents pour s'y rendormir en tremblant ; mais le souvenir du défi, du rire stupide de Ioris, l'aiguillonait et le poussait à continuer. Il ne voulait pas qu'au matin, les autres enfants se moquent de lui.
Au bout d'un temps qu'il ne comptait plus, il se trouva devant la cabane d'Iorg le Shorcier.
Ill : Quelqu'un adore, ep
16.11.09
769 - Il faut que je fais
Il faut que je fais une préface pour la réédition du premier recueil de nouvelles d'Emmanuelle Urien, Court noir sans sucre, à paraître chez les belgiens de Quadrature en février (je crois).
Pas facile. D'autant plus que les élèves ne me laissent pas beaucoup de temps. Depuis ce matin, ils me parlent de tout - de leur vie, de la violence, du travail, des notes, de la sexualité, des pétards, de musique, de projets... C'est peut-être depuis que je leur ai annoncé, ce matin, que je comptais partir prochainement, malgré l'envie pressante de m'sieur le recteur de me voir continuer les cours au moins jusqu'à septembre.
Enrichissant, comme expérience.
Mais revenons-en à Emmanuelle Urien et à sa préface.
Je connais bien Emmanuelle Urien.
Elle est noire, parfois. Tragique, même.
Sa respiration...
Non, ça ne marche pas.
Je connais un peu ses nouvelles. Elles me font pleurer.
Je pleure pour Mélanie Bix, et pour cette infirmière qui l'accompagne et attire nos coeurs vers elle ; je pleurerais, aussi, ne serait-ce la colère, pour cette autre infirmière qui tient entre ses mains le pouvoir de justice, le droit - ou le devoir ? - de remettre de l'ordre, du sens dans un monde dévoré par la guerre et les mouches.
J'ai pleuré pour cet homme qui ne rentrera jamais de guerre.
J'ai souri des larmes tristes pour ce chauffeur de taxi magnifique, qui offre son coeur à tous ses passagers, j'ai...
Non, ça ne marche pas.
Personne ne peut lire Emmanuelle Urien sans mourir - au moins une petite fois.
Mourir avec Mélanie Bix, avec son infirmière ; avec cette autre infirmière, perdue dans les guerres Rwandaises ; avec Tonio, ce chauffeur de taxi qui fait admirer le monde.
Mourir, encore, à regarder une boîte qui contient la promesse inutile d'un monde.
Personne ne peut lire Court, noir, sans sucre, sans aimer - au moins une grande fois.
Aimer la douce humanité, la cruauté tendre qui s'évapore de chaque nouvelle. Aimer croire, vouloir encore même quand la fin a sonné - nous a sonnés.
Chaque histoire de ce recueil est un combat - un combat contre une conteuse redoutable, dangereuse par sa douceur même, sa douceur aigüe et amère ; un combat contre une narration qui vous tient à distance, danse devant vos yeux, avant de vous asséner le coup de grâce.
Si les gens de Quadratures rééditent ce livre, ce n'est pas seulement qu'une solide histoire d'amitié les lient depuis le deuxième recueil d'Emmanuelle, Toute humanité mise à part ; c'est aussi pour poursuivre le travail que, depuis X ans, ils accomplissent sur la nouvelle, ce genre si particulier, entre poésie, court métrage, théâtre et roman - ce genre qui, selon H. Kirnell, "mieux que tout autre restitue les bribes de nos âme et l'étrangeté de nos vies".
Depuis ce recueil, écrit entre 2003 et 2006, Emmanuelle Urien a écrit d'autres nouvelles ainsi que des romans, chansons et pièces de théâtre ; elle chante, danse et peint, en artiste marathonienne qui ne s'est donné qu'un objectif : écrire pour nous dire.
Ca pourrait faire, je crois.
Pas facile. D'autant plus que les élèves ne me laissent pas beaucoup de temps. Depuis ce matin, ils me parlent de tout - de leur vie, de la violence, du travail, des notes, de la sexualité, des pétards, de musique, de projets... C'est peut-être depuis que je leur ai annoncé, ce matin, que je comptais partir prochainement, malgré l'envie pressante de m'sieur le recteur de me voir continuer les cours au moins jusqu'à septembre.
Enrichissant, comme expérience.
Mais revenons-en à Emmanuelle Urien et à sa préface.
Je connais bien Emmanuelle Urien.
Elle est noire, parfois. Tragique, même.
Sa respiration...
Non, ça ne marche pas.
Je connais un peu ses nouvelles. Elles me font pleurer.
Je pleure pour Mélanie Bix, et pour cette infirmière qui l'accompagne et attire nos coeurs vers elle ; je pleurerais, aussi, ne serait-ce la colère, pour cette autre infirmière qui tient entre ses mains le pouvoir de justice, le droit - ou le devoir ? - de remettre de l'ordre, du sens dans un monde dévoré par la guerre et les mouches.
J'ai pleuré pour cet homme qui ne rentrera jamais de guerre.
J'ai souri des larmes tristes pour ce chauffeur de taxi magnifique, qui offre son coeur à tous ses passagers, j'ai...
Non, ça ne marche pas.
Personne ne peut lire Emmanuelle Urien sans mourir - au moins une petite fois.
Mourir avec Mélanie Bix, avec son infirmière ; avec cette autre infirmière, perdue dans les guerres Rwandaises ; avec Tonio, ce chauffeur de taxi qui fait admirer le monde.
Mourir, encore, à regarder une boîte qui contient la promesse inutile d'un monde.
Personne ne peut lire Court, noir, sans sucre, sans aimer - au moins une grande fois.
Aimer la douce humanité, la cruauté tendre qui s'évapore de chaque nouvelle. Aimer croire, vouloir encore même quand la fin a sonné - nous a sonnés.
Chaque histoire de ce recueil est un combat - un combat contre une conteuse redoutable, dangereuse par sa douceur même, sa douceur aigüe et amère ; un combat contre une narration qui vous tient à distance, danse devant vos yeux, avant de vous asséner le coup de grâce.
Si les gens de Quadratures rééditent ce livre, ce n'est pas seulement qu'une solide histoire d'amitié les lient depuis le deuxième recueil d'Emmanuelle, Toute humanité mise à part ; c'est aussi pour poursuivre le travail que, depuis X ans, ils accomplissent sur la nouvelle, ce genre si particulier, entre poésie, court métrage, théâtre et roman - ce genre qui, selon H. Kirnell, "mieux que tout autre restitue les bribes de nos âme et l'étrangeté de nos vies".
Depuis ce recueil, écrit entre 2003 et 2006, Emmanuelle Urien a écrit d'autres nouvelles ainsi que des romans, chansons et pièces de théâtre ; elle chante, danse et peint, en artiste marathonienne qui ne s'est donné qu'un objectif : écrire pour nous dire.
Ca pourrait faire, je crois.
14.11.09
768 - La Teigne
Voilà longtemps que j'ai parlé dans ces colonnes du fabuleux groupe de La Teigne, cet octuor/neufuor de blues/rock/ragga/tango dont auquel je tiens la basse dedans (même que parfois ils me laissent toucher les cordes) depuis quelques années.
C'est d'autant plus regrettable que, d'une part, on continue à prendre du bon temps, avec les fameures répètes/gueuleton du lundi, quelques concerts plus ou moins improvisés aux résultats toujours surprenants, et, toujours, des discussions philosophico-syndicalos-libertaires de haut vol ; et d'autant plus regrettable, d'autre part, parce qu'en tant que président du bordel (car La Teigne, par choix assumé, est un groupe associatif), je me dois pour le grand raoût annuel de ce soir de pondre un bilan d'activité annuelle.
Alors bin.
Parlons musique, d'abord. Chassée d'un lieu de répète à l'autre, La Teigne connaît quelques problèmes de matériel et d'installation : que celui qui n'a jamais fini une répète avec les oreilles en sang me jette la première pierre. Il y a eu de nombreux soirs où les post-discussions ressemblaient à ça :
- QU'EST-CE QUE TU DIS ?
- JE DIS : PAS MAL, CE NOUVEAU MORCEAU EN FA, FA, SOL, RE !
- FA FA SOL RE ? MERDE, MOI JE JOUAIS SI DIESE LA BEMOL DOUBLE CROCHE !
- JE T'AI PAS ENTENDU !
- MOI NON PLUS.
C'est, disons-le, un problème. Ou plutôt : un bon nombre de solutions à découvrir.
Côté chansons, si nous avons une quinzaine de titres à notre actif, on ne peut pas dire que l'année ait été marquée par des compositions majeures ; et comme nous avions un peu la flemme de rebosser tout notre répertoire en passant trois heures sur deux mesures, nous avons fait... du boeuf. Du bon, du gras, du saignant. Quelques enregistrements en témoignent - nous avons poussé l'art du son "garage" dans ses retranchements ultimes.
Il y eut cette année quelques concerts, où nous avons, en vrac :
- fait danser des punks à chiens sur du Michel Sardou (avec un saxophoniste) ;
- participé à un group contest (avec Maka) dans un préfabriqué autour du vin blanc d'un départ en retraite ;
- joué sous un chapiteau, un premier mai pluvieux, en défiant les lois de l'électricité et de la sonorisation.
Ce qui fait globalement peu, me direz-vous, surtout quand l'objectif affiché était de conquérir le monde avec notre album précédent, "Toutes griffes dehors".
Ceci dit, question conquestation de la planète, les membres du groupe ont bel et bien fait des pas de géants.
C'est ainsi que Cap'tain Bob, dit Brock (ou Schnok ?) guitariste émérite au sourire éternel, a pris la mer (on espère qu'il la rendra dans l'état où il aurait aimé la trouver en arrivant) depuis un port qu'on associe traditionnellement à Brassens ; il est en train de devenir capitaine d'industrie, et pense créer une plateforme culturelle libertaire offshore dans les prochains mois.
Caillou, dit Schnok (ou Brock), a lui aussi conquéri le monde - le Nouveau monde, en s'envolant directement pour New-York - où, entre autres choses, il a parlé espagnol et réalisé des photos battantes (oui, battantes, je sais ça ne veut rien dire, mais "palpitantes" c'est éculé, et puis il faut voir/entendre le montage qu'il a réalisé avec Giles-le-batteur - bientôt sur le Net ?).
Giles. Difficile de parler de Giles, notre batteur taiseux. Lui aussi, je crois a conquis le monde. Ou plutôt, a dû s'ouvrir un nouvel espace - à cause que la vie, des fois, elle est comme ça. Je n'en dirai pas plus, pour respecter sa taisitude. En tout cas, il reste le roi du flan breton et de la double croche envolée.
Une qui a conquis le monde, aussi, c'est la Zelila. Elle a choisi pour cela la voie de la peluche : devenue industrielle, elle inonde les marchés de ses jouets/créations. C'est un succès - au point qu'elle n'a plus le temps de venir chorister avec nous. On garde sa place au chaud, pour les jours où.
Ensuite, il faudrait que je parle de Michel et de Virginie. Deux paragraphes, évidemment. Sauf que.
Sauf que Virginie et Michel, en plus de leurs spectacles, sont partis à la conquête de l'univers en se basant sur la fameuse formule mathématique 1+1=1. Une petite artiste est donc attendue dans les prochaines semaines ; en tant que président, je propose de la faire membre d'honneur et à vie de la Teigne.
Reste Emmanuelle, choriste, partie à la conquête de sa propre voix - dont je ne dis pas plus pour ne pas qu'on m'accuse de partialité. Et moi, qui avec ces mots met un terme à son année de présidence (parce que bon, un président sur talonnettes marié à une beauté pleine de talent, à mon avis faut que ça ne fasse pas plus d'un an de quinquennat).
Voilà. La Teigne, ce sont des gens, des rêves, des projets, et quelques chansons ; la Teigne, c'est un an de plus, et un nouvel an qui démarre.
Et la Teigne ne serait pas tout à fait complète sans ceux qui nous accueillent ce soir : Véro (qui a récupéré sa main droite agressée par une visseuse) et Teuf (qui en ce moment construit moins de maisons et davantage de poèmes) - et que l'on remercie pour être là.
Fin du bilan présidentiel ; 'a boire un coup ?
13.11.09
767 - Vendredi, c'est musique
(Comment ça il manque un mot dans le post de MArdi ? Ah zut...)
Suite des aventures d'un couple mal parti,
E(u)x sur "Tempête dans un encrier",
Mais aussi de la musique et de la gaieté,
Grizzly Sisters : Grizzlies do it hairy
...
Ill : Quelqu'un émerge, ep
12.11.09
10.11.09
765. MArdi, je te raconte
Non. Pas ça.
Peut-être qu'Esag savait, ou qu'il aurait su, raconter les histoires ; mais ce n'était pas la question - ce n'était pas ça qui lui ramènerait, ou lui ferait retrouver, son fils.
Sous son crâne épais de Zom, Esag se mit à penser. Il n'avait pas l'habitude.
Ca faisait un léger bruit, comme du vent dans des feuilles.
Voyons. Tout avait commencé...
Tout avait commencé quand Rahoul avait joué avec la pléïstéchione.
Et dans le cerveau primitif d'Esag, la petite voix de Rahoul résonnait en écho
Tu ne joues jamais avec moi... tu veux jouer aux Laid Go avec moi ? Dis, papa, si on jouait au Laid Go ?
Le laid go. C'était une activité étrange - il s'agissait d'empiler des trucs, comme ça, en faisant un machin, là, par-dessus, pour construire, à la fin, un... Des années auparavant, bien avant Rahoul, Esag avait su y jouer. Mais un jour, un Zomprêtre lui avait dit qu'il fallait se débarrasser de laid go. Que c'était une source d'illusion, un truc dangereux, etc. Que le JEu en lui-même était à proscrire, qu'il ne valait pas l'achandelle*.
Et peu à peu Esag avait perdu le goût du JEu.
Une secousse parcourut son visage crispé. Esag sourit presque.
Et si c'était ça, le commencement ?
Il se leva et saisit dans ses mains la pléïstéchione tremblante. Ecailles rouges, écailles vertes, mais comment ça marchait, ce truc ?
Il appuya au hasard sur une écaille.
Et.
Rhol Issagfil se tenait debout dans la lumière du matin. À ses pieds s'étendait une longue étendue de terre ocre, pareille à du sable, battue par les vents d'outreroît. Soleil rouge était déjà levé ; Soleil blanc le rejoindrait bientôt, et les deux astres recommenceraient leur course éternelle dans le ciel d'Uberwörld.
À cette pensée, Rhol sentit son coeur se serrer. La voix d'Iorg, le vieil aveugle du village, résonnait encore dans sa tête.
- Tu dois partir, mon garçon. Tu dois partir dès ce soir ; demain, il sera trop tard. Les temps sont venus. La prophétie va se réaliser.
La prophétie. Au fond, il pouvait s'agir d'une simple légende. Dans le village, d'ailleurs, nombreux étaient ceux qui prenaient Iorg pour un vieux fou. Ils se gardaient pourtant de formuler ces pensées à voix haute ; car l'aveugle était aussi le Shorcier du clan, et beaucoup le craignaient.
Rhol, lui, n'en avait jamais eu peur. Il devait avoir quatre ou cinq ans à peine quand, à la suite d'un pari, il s'était approché pour la première fois de la cabane de l'ermite, à l'écart du village. Le groupe d'enfants avec lequel il jouait aimait à se lancer des défis.
- Urghu n'est pas capable jusqu'en haut du vieil arbre !
- Colinsor a peur d'aller voler un pain dans la hutte du chef !
Le clan des Zaëms tolérait, voire encourageait, ces jeux ; pour ce peuple de la forêt, l'adresse, la ruse et le courage représentaient des valeurs de premier plan. Les cérémonies d'initiation des adolescents comportaient presque toujours des épreuves de vol, d'espionnage ou de mensonge. Les autres peuples considéraient souvent les Zaëms avec méfiance, les traitaient d'escros et de fourbes ; on les surnommait parfois "le peuple des Endormeurs". discrétion en faisaient des alliés recherchés. Néanmoins, leurs talents de stratèges, leur habileté à traiter les situations les plus complexes et leur dans toutes les situations périlleuses, comme lorsque des guerres de clans menaçaient.
À quatre ans, Rhol Issagsfil témoignait déjà, à un dégré remarquable, des qualités tant prisées de son clan. Aussi ses camarades s'ingéniaient-ils à lui lancer les défis les plus dangereux, les plus spectaculaires. Et Rhol les relevait sans peur apparente. Il n'aurait jamais avoué qu'au contraire, la peur ne quittait guère son ventre quand il accomplissait les missions dont ses amis le chargeaient.
Ceux-ci, ce jour-là, s'étaient ingéniés à trouver un défi irréalisable pour Rhol. Ils avaient longuement exploré les bois et les falaises autour du campement, rôdé autour des huttes et des prés cultivés, à la recherche d'une tâche qui aurait mis à mal les capacités de leur camarade. Il leur avait fallu attendre le coucher de Soleil Blanc pour que l'un d'eux, le grand Ioris, ait enfin une idée.
- Rhol n'oserait pas entrer dans la hutte d'Iorg l'aveugle ! Rhol est un lâche !
Ioris avait ri, d'un rire méchant qui découvrait ses vilaines dents jaunes ; les autres avaient ri avec lui - il valait toujours mieux rire avec Ioris, même si ses plaisanteries étaient souvent mauvaises et mal racontées, car il lui arrivait de se montrer violent avec ses camarades, tous plus petits et moins forts que lui.
Rhol avait cligné des yeux. Bien sûr que la hutte d'Iorg l'effrayait ; et bien sûr que tout le village la considérait comme un sanctuaire. Mais le défi était lancé, et tout son être se révoltait à l'idée d'avouer sa peur. Alors, d'une voix claire, il avait lancé :
- Rhol osera entrer dans la hutte d'Iorg le Shorcier ; et cela, après le coucher de Soleil rouge. Rhol volera même quelque chose pour prouver qu'il est courageux comme le cerf et rusé comme le loir."
Et la troupe des enfants avait attendu le coucher de Soleil rouge.
(*Note : achandelle : petite construction en bois dans laquelle les Zoms aimaient parfois à s'isoler)
Illus : Quelqu'un découvre, ep
9.11.09
764 - Lundi, fourmis
Fourmis dans ma tête.
Petite choses qui passent, industrieuses, sans s'arrêter.
Il semblerait que se profilent un roman une pièce. Remettre à plus tard, pour achever enfin cette démo musicale - mon oreille devenue un centre de tri postal (même pas en grève). Un.
C'est quoi cette histoire de couple d'amour de liberté ? Peut-on aimer de trop, trop mal, mal aimer ? Où commencent les sentiments où s'arrêtent les projections ? Je me fais des films, sans doute. Deux.
Il se pourrait que je reprenne l'occupation d'enseigner, un ukulélé à la main, une chanson à la bouche ; les élèves s'évalueraient eux-mêmes, je ne leur parlerais que de moi - par exemple de ce roman de Mishima acheté hier, et dont les phrases m'enchantent ; de cet ébauche de roman que mes éditrices de Talents Hauts avaient trouvé trop complexe - les élèves pourraient m'aider à le reconstruire, à le simplifier ? Dans quelle mesure serait-ce honnête, et non une posture, comme quelqu'un disait ? Trois.
Et la chose dedans qui crépite palpite, le repos introuvable, le calme rêvé : est-ce que j'avance vers lui, ou chacun de mes pas m'en éloigne-t-il ? Quatre.
Fourmis, fourmis rouges.
Quand j'étais petit, on les disait méchantes, contrairement aux noires - qui nous intéressaient moins.
Ill : Quelqu'un adore, ep
6.11.09
763 - La honte aussi
Ton corps y a mis bon ordre, s'inventant la grippe là où ta tête n'avait que le vide.
Tu devrais être au travail ; tu n'as pas pu.
Tu ne te sens pas dépressif, non, juste incapable de retourner, de rementir, de figer ta posture.
Tu penses à un texte sombre, où tu dirais qui tu peux être, tes colères tes angoisses tes mauvaises manies - effayantes à juste titre pour ceux qui demandent, encore et malgré, ton retour vers les hommes (et cette frange particulière d'adolescents contre l'insouciance desquels ta voix ton ardeur s'usent) ; tu penses à tes manies - somme toute inoffensives, sinon pour toi, tant que tu restes dans ta chambre.
Tu te dis que tu finiras peut-être vraiment écrivain misanthrope aux coudes rapiécés de cuir (note pour plus tard : acheter des chats qui puent la pisse).
Bref, tu congémaladises, le ventre brûlant qu'on te refuse la liberté qu'on te faisait miroiter.
Tu t'en veux un peu d'y avoir cru, et de continuer à y croire ; tu t'en veux d'abandonner un instant ceux qui se nomment tes élèves - mais il n'est aucun espace dans ta tête où tu puisses te voir avec eux.
Sinon, cette semaine, j'ai souri pleuré admiré à des spectacles de cirque, enregistré, peu écrit ; rencontré des yeux et des histoires qui touchent, soutenu, regressé.
Progressé, peut-être, un tantinet
Illus : Quelqu'un découvre, ep
3.11.09
761 - MArdi, je te raconte
- Au commencement était le vert ? marmonna Esag comme pour lui-même.
Les écailles de la pléïstéchione prirent une teinte grisâtre ; le sequse demeura immobile.
Non, ce n'était pas ça. Ca y ressemblait, pourtant - et puis c'était vrai, au fond, au commencement, il y avait l'herbe, les arbres, toute cette végétation épaisse qui accueillait les Zoms. Mais bon, ça ne servait pas à grand-chose de le savoir, sauf évidemment si l'on voulait faire valoir ses droits d'héritage sur une salade.
Le sequse bougea un tout petit peu.
- Salade ? hasarda Esag.
Il lui semblait comprendre que le sequse, comme la pléïstéchione, répondait en quelque sorte à ses pensées, sans qu'il ait besoin de les formuler. Du coup, il les formulait quand même ; cela faisait toujours un peu de bruit, au fond de cet Arbre où il se sentait étrangement seul.
Le sequse ne bougeait plus. Esag tenta de retrouver ce qui, dans la phrase qui venait de lui traverser l'esprit, avait pu le mettre en mouvement.
- Malade ?
Rien.
- Héritage.
Une infime secousse.
- Malade héritage ?
Deux secousses minuscules. Cela pouvait vouloir dire non. Ou oui-oui, allez savoir. Bref, il se passait quelque chose, et Esag continua.
- Alors, on dit ça, un coup pour oui deux coups pour non... Voyons ; malade, héritage... marmelade ?
Le sequse bougea trois fois. Les écailles de la pléïstéchione prirent une teinte rougeâtre.
Esag n'était pas plus avancé. Il décida de tout reprendre au début.
- Au commencement... au commencement, tu es né.
Il y eut une secousse vigoureuse ; la pléïstéchione se colora de mauve. Encouragé, Esag poursuivit :
- Au commencement tu es né ; à la fin, tu mourras ; entre les deux, tu vivras, euh... tu vivras des changements.
Les contractions du seqsue devenaient régulières, la pléïstéchione faisait de petits bonds sur elle-même - quelque chose se passait.
- Tu vivras des changements... de taille ? de poids ? d'habitudes alimentaires ?
Mais l'intérieur de l'arbre, à nouveau, s'était immobilisé ; la pléïstéchione semblait se désintéresser des paroles d'Esag.
Il eut la sensation bizarre que, quelque part, quelque chose attendait. Attendait qu'il raconte une histoire.
Un bon gros juron des cavernes monta à ses lèvres. Gordel, mais c'était ce qu'il était en train de faire, non ?
Le seqsue remua deux fois.
Ill. : Quelqu'un s'abstrait, ep
2.11.09
760 - Le lundi au sommeil
Le lundi déjà se pliait aux contraintes du genre -
Travail, rituels, cellule familiale
Et dans un pan reculé de sa tête se jouait la partie habituelle, entre incertitude et peur d'être par trop ; il cherchait le souffle, conscient de l'air dehors, du dehors en lui-même, qu'il évitait autant qu'il le pouvait.
De son ombre étendue, du catalogue en couleurs de la vie qu'il aurait rêvé d'être.
Il se demandait parfois s'il vivait ses meilleures années, s'il les avait vécues, ou, question formidable,
S'il les reconnaîtrait quand elles arriveraient.
La pluie, évidemment, ou bien la grise mine
Du ciel sur son manteau, du froid sur son futur.
Alors, dans un geste explicable, il s'engageait
A faire agir s'agiter, histoire de laisser croire
Autre chose que le souffle mécanique de son ordinateur,
Autre chose que la fumée des cigarettes et l'amer du café,
Autre chose que l'amour simple et tempéré -
Autre chose comme
Une histoire
Une légende
Une aventure
Un récit illustré de couleurs vives (et bien sûr mensongères)
Une vie, néanmoins.
Il se grattait les couilles pour éprouver la conscience
De son corps, son désir
Son envie d'exister.
Quelque chose coulait de son nez, quelques centimètres carrés de sa peau racontaient une molle souffrance,
Il attendait l'appel, la vague,
Faiblement certain de pouvoir, à l'heure dite,
Se tenir debout, oublier sa forme,
Faire corps avec le mouvant, l'écume,
Sur une mer étale qui ressemblait au jour.
Illustration : "Quelqu'un se méfie", ep
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