29.5.09

683 - Vendredi, je me (la) raconte

Bin moi aussi, comme à mon copain Oh!, on m'a demandé de raconter des choses sur le comment-pourquoi de l'écrivage.
Alors je me suis exécuté.
Je ne suis pas certain que mes réponses ait un autre intérêt que purement médicalo-psychiatrique (un cobay, comme dirait Oh!), mais bon, ça meuble, d'autant plus que je traîne un peu sur ce blog, en ce moment...
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur mes écrits.



VOS PREMIERS TEXTES

Quel regard posez-vous aujourd’hui sur vos premiers textes, lorsque vous les relisez ou lorsque vous vous en souvenez ?

L’impression de grâce, dans l’écriture ou dans les sentiments, reste très présente. Je me dis que je ne retrouverai jamais cette fraîcheur naïve.

Parallèlement, j’ai l’impression de progresser, d’avancer : je vois donc des imperfections, des maladresses ; au final, j’ai souvent l’impression que mes premiers textes ont été écrits par quelqu’un d’autre, ni meilleur ni pire que moi, mais simplement différent. Et j’arrive du coup à les apprécier. Voire à comprendre certaines choses que je (me) disais sans bien savoir que j’étais en train de les dire.

A 32 ans, âge de vos premiers écrits selon vous, vous diriez que :

Vous étiez dans une période de « crise » :

Oui X Non

Précisez : Plutôt mal dans ma vie bien rangée, remis en question par mes enfants qui grandissaient, le confort routinier, la mort de certaines illusions… j’avais l’impression d’être enfermé dans une existence que j’avais choisie sans trop savoir pourquoi.

Mais l’écriture elle-même a plutôt ressemblé à une libération : elle me permettait de me projeter ailleurs que dans cet univers « normal » où je m’ennuyais, et où je souffrais, aussi.

Vous aviez le sentiment d’être seul :

Plutôt oui x Plutôt non x

J’avais plutôt l’impression de ne jamais pouvoir être seul ; de devoir endosser en permanence des rôles (celui de père, de mari, d’enseignant…) que je ne connaissais pas, où je ne me reconnaissais pas. Je rêvais de solitude, de belle solitude, et j’étais sans cesse dans un groupe ou une cellule ; en même temps, lorsque je me trouvais seul, il y avait souvent cette voix dans ma tête qui m’incitait à faire, à me déplacer, à m’activer – souvent pour me retrouver en groupe. La question était donc bien celle de la solitude, en tant que séparation impossible.

Vous étiez plutôt BIEN / MAL dans votre peau.

Je n’avais pas souvent l’impression d’être dans ma peau, plutôt à côté, en-dehors ; les fois où je m’y trouvais, c’était un sentiment étrange. Pas forcément désagréable, mais surprenant et fugitif.

VOTRE ADOLESCENCE

A l’adolescence, écriviez-vous ?

Oui x Non

Si oui, qu’écriviez-vous ?

Des nouvelles directement inspirées de Vian, un conte pour enfants, des chansons ; je me lançais dans des grands projets de romans qui s’arrêtaient au bout d’un chapitre.

Comment qualifieriez-vous votre adolescence ?

Heureuse : plutôt oui x plutôt non

Chaotique : plutôt oui plutôt non x

Solitaire : plutôt oui plutôt non x

Sociale : plutôt oui x plutôt non

Pleine de questions : plutôt oui x plutôt non

Complexée : plutôt oui x plutôt non

Epanouie : plutôt oui x plutôt non

Créative : plutôt oui x plutôt non

Conflictuelle : plutôt oui x plutôt non

Autres (précisez) :

C’était, si je m’en souviens bien, un vaste bordel ravissant. Ou un vaste ravissement bordélique. Ou du temps gâché, je n’en suis plus très sûr. Cf question suivante : ce n’est sans doute pas tout à fait terminé.

Si l’on vous disait : « D’une certaine façon, vous êtes encore un peu un adolescent », vous diriez que c’est :

tout à fait vrai plutôt vrai x plutôt faux totalement faux

VOS THEMES D’ECRITURE

Selon vous, les thèmes récurrents de vos écrits sont : l’amour, les séparations, le sexe, les regrets, le rugby, l’adolescence, le suicide, la nature, l’enfance, la fracture…

Ces thèmes ont-ils un lien direct avec votre vie et votre histoire personnelle ?

Oui x Non

Précisez : J’écris sur ce qui me fait battre le cœur ; ce que je vois, ce que je comprends de ce que je vois, ce que je sens. Même lorsque j’envisage de me lancer dans des romans sur des thèmes différents (SF, policier), je sais que j’y retrouverai ce qui m’agite au quotidien.

Quand vous écrivez un texte, son thème est-il en lien avec ce que vous êtes en train de vivre ?

Oui x Non x

Comment l’expliquez-vous : Cela dépend des textes. Il m’est arrivé d’écrire quasiment « en direct » mes sentiments et de mes pensées, quelque part entre autofiction et psychanalyse sauvage. Dans ces moments-là, j’utilisais tout ce que je vivais pour en faire de l’écriture. Notez, je ne vivais pas grand-chose (dans le monde réel s’entend), vu que je restais assis à ma table pendant des heures.

D’autre fois, il m’arrive d’écrire « sur commande », dans un but précis, pour un projet personnel, un concours, un format donné… dans ces cas-là, je peux m’éloigner davantage de ce que je vis, me mettre dans la peau des personnages (quand il y en a), dans le rythme du récit.

Inversement, ce que vous vivez ou ressentez est-il influencé par ce que vous écrivez ?

Oui x Non x

Précisez : Dans les cas dont je viens de parler, j’ai tendance à écouter le monde en fonction du projet du moment. Ce que je lis, ce que je vis, cherche d’une certaine façon à s’intégrer à ce que j’écris ; je « prends des notes ». Mais cela se fait de soi-même, comme des petits cadeaux du destin. J’évite de vivre et ressentir « en fonction » de ce que j’écris.

Qu’est-ce qui vous donne l’envie ou le besoin d’écrire un texte ?

Je me sens souvent mal à l’aise quand je n’ai pas écrit depuis longtemps ; le blog me sert d’ailleurs d’exutoire – écrire à propos de tout et n’importe quoi, à peu près n’importe quand, avec la certitude, non pas d’être lu, mais d’avoir la possibilité de l’être. Cette idée-là, ce sentiment-là, est sorti, je n’ai donc plus à y revenir.

Des thèmes (commandes, concours de nouvelles…) me donnent souvent l’envie d’écrire ; ce sont d’ailleurs les productions que je montre le plus facilement, sans doute grâce à la distance que cet élément extérieur introduit.

Des idées me viennent souvent – scénarios, « pitches », directions ; j’aurais tendance à vouloir les écrire pratiquement sur-le-champ, mais je sais maintenant que c’est impossible, et souvent inutile. Je me console en me disant que je les retrouverai plus tard, modifiées et transformées ; mûries.

Enfin, il y a certains textes que j’ai besoin d’écrire, tout simplement parce qu’ils sont « plus forts que moi » : ils demandent, impérieusement, à être exprimés.

L’ECRITURE DANS VOTRE VIE

Ecrire vous a-t-il parfois empêché de vivre certaines choses ?

Plutôt oui Plutôt non x

Précisez : Même si je pourrais « me réfugier » dans l’écriture pour éviter de vivre certaines choses, je me refuse à le faire. En même temps, votre question m’intrigue. Quand on écrit, forcément, on n’est pas en train de faire autre chose, de vivre autre chose (ou alors on triche, ou alors c’est dangereux – écrire m’empêche parfois de conduire, et je pense que c’est préférable). J’ai plutôt l’impression qu’écrire permet de vivre les choses plus intensément, à la fois intellectuellement et physiquement, sans se laisser emporter par elles.

Néanmoins, je sens bien que je me justifie dans cette réponse, aussi je dois pouvoir avouer que certaines fois, je me réfugie dans l’écriture pour dépasser un malaise. Dans une situation où je ne me sens pas à ma place, il m’arrive souvent d’écrire (ou d’imaginer que j’écris) pour me « déplacer », justement, et changer de point de vue. Ecrire m’empêcherait donc de vivre des situation gênantes ou embarrassantes…

Penser à un texte ou l’écrire vous a-t-il déjà perturbé au point de vous déstabiliser dans votre vie ?

Oui X Non

Précisez : L’autofiction, en particulier lorsqu’elle traite du couple et de l’amour, peut déstabiliser les proches. Mon premier texte racontait l’histoire d’un homme qui part rejoindre sa maîtresse… ma future ex-femme l’a lu. Et l’a compris comme une demande de divorce. Ce qu’il était sûrement, d’ailleurs.

Du coup, j’ai plutôt l’impression que certains textes déstabilisent les autres de ma vie, mais me stabilisent, moi. Comme si, une fois écrite, la tempête était passée, dépassée.

En revanche, penser à un texte a pu me déstabiliser : comme si des mots se mettaient d’eux-mêmes dans ma tête à se ranger en phrases, à raconter des histoires – que j’avais à la fois très peur et très envie d’entendre.

En général, ça passe quand je l’écris…

Vos relations avec votre entourage ont-elles été compliquées / facilitées / ni l’un ni l’autre par le fait que vous écrivez ?

Ni l’un ni l’autre – et pourtant elles ont été profondément modifiées. Mettons, au plus simple, que j’ai changé d’entourage (amis, profession, relations) à mesure que j’écrivais. Quant aux relations familiales et intimes, je dirais qu’elles se sont à la fois approfondies – il y a certaines choses que j’ai pu exprimer grâce à ou par l’écriture – et allégées, voire amoindries – il y a certaines conventions dans ces relations dont je me suis affranchi.

Pour communiquer avec votre entourage, utilisez-vous l’écriture (lettres, mails, notes…) ?

Pas du tout Un peu x Beaucoup

De quelle façon ? Pourquoi ?

MSN avec ma compagne (nous travaillons de concert, mais à un étage de différence ; pour ne pas avoir à crier, nous passons par l’écrit…)

J’ai aussi entrepris d’écrire une série de posts (le mardi) dont mon fils aîné est le principal destinataire ; ce sont des histoires improvisées sur le thème de l’apprentissage et de la relation père/fils. C’est une façon, je pense, de lui transmettre des choses que je sens ou que je pense sans le côté pesant et didactique de la « conversation à bâtons rompus » ; cela lui laisse davantage de latitude, de liberté de lecteur. D’ailleurs, il ne les lit pas…

Quelle(s) différence(s) faîtes-vous entre « écrire » et « parler » en ce qui vous concerne ?

Aïe. Je ne sais pas. Je suppose qu’écrire implique davantage de construction, de réflexion ; en même temps, j’essaie souvent de m’en débarrasser pour écrire « au fil de la pensée »… Parfois même, j’ai l’impression de parler plus librement quand j’écris.

Les textes que j’écris en ce moment (nouvelles, théâtre) portent en particulier sur ce rapport écrit/parlé : j’écris « à haute voix », en pensant à la parole.

Ah, si : quand j’écris, on me coupe rarement la parole. Ca fait une différence.

Lorsque vous avez connu des « crises » dans votre vie (deuil, séparation, doute, maladie, chômage…), vous avez écrit :

Plus que d’habitude Moins que d’habitude Ni l’un ni l’autre X

Comment l’expliquez-vous ?

Je serais tenté de penser que l’écriture permet de mettre ces crises à distance ; néanmoins, je préfère ne pas m’en servir dans ce but. Quand je traverse une crise, j’ai tendance à écrire de façon très brève (poésie essentiellement), peut-être parce que je me méfie de la surécriture, du mélodrame, et que j’essaie d’accueillir les crises et la tristesse au même titre que les autres émotions.

En résumé, pendant les moments difficiles, j’écris différemment (comme d’habitude…)

Ecrire ou ne pas écrire pendant ces périodes vous a-t-il aidé à traverser cette crise ?

Oui Non

De quelle façon ? : Je l’ignore. Ecrire quand je suis triste, bouleversé, constitue pour moi plutôt un signe – quelque chose est là, quelque chose existe, à un moment donné, qui est capable d’écrire « malgré » le bouleversement où je me trouve. A vrai dire, pendant mes pires moments, je me tourne plutôt vers la peinture – plus physique, plus matérielle.

Effacer une page où vous avez décrit vos agonies organiques, ça ne fait pas grand-chose. Ca ne soulage pas spécialement, vu que la page redevient blanche et appelle déjà un autre texte. Briser un clavier ou un écran serait une solution, mais relativement onéreuse.

En revanche, recouvrir/écraser/crever une toile m’a permis une fois ou deux de continuer à avancer. Ne serait-ce que parce que ce n’était pas ma propre peau.

Bref, pour utiliser des termes techniques, ça m’a permis, sinon de traverser la crise, du moins de transcender le désespoir ontologique.

Disons qu’une crise, on la traverse ou en meurt (ce qui constitue d’ailleurs une façon de la traverser…).Et que l’écriture fait partie de la traversée.

Questions fermées :

Ecrire me donne de l’énergie.

Tout à fait d’accord Plutôt d’accord X Plutôt pas d’accord Pas d’accord du tout

Quand je n’écris pas, j’ai l’impression de moins exister.

Tout à fait d’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord X Pas d’accord du tout

Rahhahaha je déteste les questions fermées…

2 commentaires:

Rouge a dit…

Merci m'sieur pour ces quelques lignes lumineuses!
Une mention spéciale pour ton destinataire de fils qui jouit de sa liberté de ne pas te lire (j'ai éclaté de rire à la lecture de cette phrase! un grand merci!)

Dahu l'Arthropode a dit…

Et maintenant, adapter le questionnaire pour la peinture, pour la musique, pour la sexualité, pour la réparation des bicyclettes, pour la contemplation de cette fille qui passe parfois dans la rue. D'autres, à identifier encore.

Puis, y répondre.

Puis s'interroger sur ce que les réponses ont de spécifique ou pas à tel ou tel questionnaire. Voir ce qui fait partie de la traversée.

Puis faire remplir le(s) questionnaire(s) à d'autres, contempler son propre caractère unique, ou se réjouir de sa propre universalité.

Puis se dire que voilà un moment de passé.