4.5.09
670 - Lundi, on écoute
Non, on n'écoute pas, justement. On n'écoute pas ce reste de week-end chargé, de gris dans les yeux, de à-quoi-bon et tout ça. Je veux dire, on pourrait l'écouter, mais on sait d'expérience que cela ne dira rien de vraiment plus intéressant.
En revanche, j'en profite pour parler de mes nuits. Qui sont fiévreuses, je vous l'avoue, à force de fréquenter des écrivains. Ainsi, j'ai récemment eu une liaison magnétique avec le dernier livre de Fred Vargas, qui m'a tenu en éveil jusqu'à l'aube. Et retrouvé du coup le plaisir de lire malgré la fatigue, malgré le demain matin.
J'ai enchaîne par un gros poche dont la couverture floue m'avait tapé dans l'oeil : c'est ainsi que j'ai découvert, avec plein de retard mais m'en fous, Haruki Murakami. J'ai passé quelques jours à marcher dans Tokyo, sur les pas d'un étudiant étrangement calme, à remarquer avec lui l'odeur des fleurs et la couleur des feuilles pendant que l'impossible amour luttait pour exister. Ca s'appelle La ballade de l'impossible, et c'est tout simplement un merveilleux roman.
Quoi ça ? Tout le monde connaît déjà Vargas et Murakami, et en plus j'en parle avec le talent d'un journaliste de Midi-Olympique traitant de primitifs hollandais ? Oh hé, je sais bin. Mais je ne suis pas critique littéraire, moi. Je ne suis même pas critique.
D'ailleurs, à qui ça servirait, que je le sois ? Si je devais parler des autres livres qui m'ont plu récemment, ce post se mettrait à publier le copinage à plein nez.
Parce que, tiens, par exemple, Nuageux à serein, de Patrick Dupuys : comment voudriez-vous que j'en dise quelque chose, alors que je connais et que j'aime Patrick, et qu'il est un des membres fondateurs des géniales éditions Quadratures from Belgique, qui publient plein de gens que j'aime et que j'admire ? Sans compter que j'ai aussi rencontré son éditeur, Luce Wilquin, et qu'un auteur ne doit jamais dire du mal d'un éditeur, surtout quand il en pense énormément de bien.
Impossible, donc, de vous parler de ce recueil de nouvelles - imparfaites, légères, mélancoliques, boîteuses à souhait, tendres, drôles, comme nous, comme l'humain, comme l'amour ; elles parlent des grandes séparations et des petites blessures, du temps qui passe comme la silhouette d'une femme sur laquelle nous aimerions nous retourner. Impossible de vous dire ce que ces nouvelles ont de masculin - elles parlent de nous les hommes, nous grands enfants adolescents vieillards qui ne réussiront jamais à être tout à fait celui que nous voudrions nous voir devenir, nous autres les bavards les hâbleurs les maladroits les pleins d'illusion encore, nous les faiseurs d'histoire, nous qui nous cachons parfois pour respirer l'odeur d'une fleur, surtout quand elle est bleue.
Impossible, tout autant, de vous parler de l'écriture féminine d'Anne-Christine Tinel : je l'ai croisée au salon de Balma, où nous avons sympathisé ; qui plus est, elle détient sur mon lourd passé d'enseignant des éléments compromettants à l'extrême. Son roman, Tunis, par hasard, paru chez Elyzad, raconte l'exil d'une mère blessé vers la capitale tunisienne. Je ne dirai donc pas que son sens du détail, de l'émerveillement, me rappelle Murakami ; que les tranquilles tourments de son personnage coulent dans une langue ciselée et fiévreuse ; que ce qu'elle dit des femmes, de la Méditerrannée, du voyage, de la rencontre de l'autre et de soi-même, éclaire des ombres qui parfois m'effraient. Non, je ne dirai rien de tout ça - serais-je vraiment crédible en parlant de la beauté de son roman ?
Enfin, je ne terminerai pas en parlant d'un manuscrit encore inédit que j'ai eu la chance de lire ; son auteur est en effet le Rodophe Artaud des CMR, qui en plus d'être un ami, est mon voisin d'en face, que je peux voir à l'instant même depuis ma fenêtre couper ses rosiers en costume-cravate. Plus copinage, on ne fait pas. Il est donc inutile que je vous dise que son roman Credo ou le goût du sel raconte les aventures d'un rationaliste à tout crin devenu guérisseur-gourou (plus précisément sodopathe-anusologue) par la force du hasard (voire de l'amour, on ne sait jamais) ; que les analyses mathématiques érudites y côtoient les jeux de mots les plus oulipiens, que l'enchaînement des circonstances, des personnages et des genres, tout en me rappelant à la fois Le nom de la rose et les premiers romans de Pennac, me surprennent par leur innovation radicale, et, surtout, me font rire. Et que si j'étais éditeur...
Bref, le copinage fait des ravages : j'ai lu de belles choses, et je ne peux pas en parler, car j'aime leurs auteurs.
Font chier, ces auteurs.
Mais je vous mets quand même quelques liens pour les textes, des fois que.
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2 commentaires:
Hmm... Je revendiquerais plutôt les influences conjuguées de Diderot, Kafka et Enid Blyton.
Pour ce qui est de la littérature.
Et celle de Jean-Claude Chaprot pour la notoriété.
Lu "Tunis par hasard", pas par hasard puisque j'ai rencontré l'auteure à Balma aux côtés d'Emmanuelle Urien.
Ecriture ciselée, c'est le mot. Parler des femmes , d'une femme méditerranéenne pour laisser en suspens sa propre histoire, douloureuse, tragique même, mais qui est évoquée pudiquement, sans pathos.
Lu d'une traite et avec amitié. Cette jeune femme a sans doute un avenir si les éditeurs français veulent bien l'inviter dans leur "écurie".
Salut à toi au passage, grand sachem
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