15.5.08

De l'art de la litote dans le grand Sud-Ouest (et d'autres petits trucs mais vite faits parce que j'ai sommeil...)

Ce soir, a dit Cheftix des Gonins, on a fait un bon match de rugby...

Au téléphone, j'ai essayé d'expliquer à Princesse toute les infinités de nuance de la phrase. A mettre en balance, par exemple, avec "Ce soir, on a fait un bon match" (= on a gagné, mais on s'est fait chier et on a joué comme des cuffes), de "Ce soir, on a fait un match de rugby" (=on l'a perdu, mais on s'en fout, ils étaient trop forts et c'étaient des cons, on verra bien au prochain), ou même de "Ce soir, on a bien joué" (aucun rapport, ça se dit avec un haussement d'épaules ou la tête un peu penchée, comme si on avait besoin de s'en contraindre.

Non, dans le "Ce soir, on a fait un bon match de rugby", il y a tout autre chose. Ca veut dire, traduit du rugbyman dans le texte "Putain, ils étaient énormes, on a passé notre temps à découper de la viande et à rentrer comme des ânes catalans, mais c'est passé. On a gagné, les mecs, d'un rien, d'un infime cadeau du destin, et contre des adversaires valeureux." C'est qu'on a la fierté litotesque, dans le milieu. On fait passer le lyrisme à coup d'apéros.



Sinon (1), et sur un tout autre registre, il y a des journées sympas pour un nécrivain : quand on met à la boîte deux contrats d'édition et un contrat de dir'coll, et qu'en plus des gens sympas vous demandent de parler de votre actualité à la radio (cependant qu'Anton et Zadig, toujours impeccables, m'attendaient dans une concentration religieuse) avec d'autres gens sympas autour d'une table, hé bin, on dira ce qu'on voudra, ça fait sourire (et ça excuserait presque de n'avoir toujours pas écrit une ligne du prochain bouquin à rendre le 31 mai...). Youpi, hourra, les éditions Eyrolles et les éditions D'un Noir Si Bleu peuvent se poster devant la boîte aux lettres, pour une fois je n'ai pas laissé traîner mes contrats.

Sinon (2), juste un moment de la journée :

Nous nous sommes endormis sur mon canapé ; sa tête reposait sur ma poitrine avec une douce exactitude, et la paume de ma main a laissé sur son bras la trace chaude d'une caresse. L'odeur de ses cheveux a devancé mes gestes toute l'après-midi.

Même que je lui ai fait une petite chanson en rentrant du rugueubi. Comme quoi, j'aime bien être romantique (quand je ne pète pas au lit).

Autre chose qui m'a guidé dans mon aprème au Parc Bonnefoy, c'est un livre qu'elle m'a conseillé pendant des mois, avant de me l'acheter.
Georges Flipo se demande ici ce qu'est la littérature ; j'éviterais de m'aventurer dans des contrées aussi élevées, de peur de me casser la gueule. Mais quand des mots inventent un monde, je dois dire que j'adore, quel que soit le contexte et le genre.

Une vingtaine d'hommes et de femmes ont pour tâche d'aller à l'extrémité du monde, où naissent les vents ; tour à tour, chaque personnage voit les scènes de leur périple, frôlant sans cesse la mort et le triomphe, le désespoir et le fond de l'humain.

C'est écrit dans une langue qui se renouvelle sans cesse, aussi mouvante que les tornades qui s'abattent sur la horde ; c'est écrit, points et les virgules, au rythme des coups de vent et du sort.

Mon Gomezito préféré (coucou, l'homme en villégiature, et bonjour à Madame) en dirait, avec son ton définitif de pontoisien : "C'est une tuerie". En tout cas, moi, j'admire à pleines mirettes.

Ca s'appelle La Horde du Contrevent, et l'auteur est Alain Damasio (qui possède ce qu'il est convenu d'appeler un putain de sacré talent - car la litote n'est pas de mise dans le métier d'écrivain).

Comment ça, c'est de la SF, argh pipi caca c'est pas de la littérature ?

Si vous saviez ce que je m'en tape...

Allez, j'en suis à la page 33, ça veut dire que je vais le finir tout à l'heure (ah oui, parce que c'est numéroté à l'envers, quand je vous dis qu'il travaille sur tous les aspects de l'écriture...) et je vous quitte non sans vous avoir sinonné une dernière fois :

Sinon, vous, ça contre ? (faudra lire Damasio pour comprendre)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Marrant, je lis le même bouquin "Y a quoi alors, en extrême-Amont ? Une pute à poil qui fait tourner un ventilo ? Un gros tas de néant avec une pelle dedans et un panneau qui te dit "creuse" ? " enfin bref cette lecture est un vrai bonheur qui déchire.

Anonyme a dit…

D'un Noir si Bleu est un excellent éditeur, Manu. Et on trouve ses livres à la Fnac sans avoir à les commander. Je suis ravi pour toi.
Pourra-t-on bientôt en savoir plus ?