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Celle-là, j'ai déjà dû la. |
1. Se décider
Je m'apprête à quitter E. C'est certain, maintenant. Je le lui ai annoncé.
Oh, bien sûr, elle tempête. S'en prend à moi. Relit notre relation à l'aune de ce départ - et bien sûr à ses yeux je suis indécis lâche veule. Bien sûr.
Quant à moi, j'entends ses mots violents, qui descendent lentement le long de ma colonne, vers mon ventre, vers mon bassin. Parfois, une légère envie de pleurer me vient.
Mais je ne réponds pas. A quoi bon ? Rétorquer, argumenter, discuter, débattre : cela n'est pas dans ce que nous faisons. Cela n'appartient pas à la sphère de notre lien.
Parfois, je brûle de lui dire qu'elle ne me comprend pas. Qu'elle me lit à la lueur de ses certitudes. Que j'ai tenté le contraire - l'entendre, l'écouter, sans juger ni réfléchir.
Et qu'il arrive un moment, pourtant, ou la seule alternative possible serait
de mourir
(ou de signer un pacte avec le diable).
Je m'apprête à quitter E., la sorcière qui crée une brèche dans ma vie depuis deux ans déjà. J'aurais aimé que notre relation constitue un cercle, qu'elle se referme (comme une blessure) sur elle-même.
J'aurais aimé. J'espère encore.
Quelque chose en moi murmure qu'elle n'a m'a jamais aimé - et que, pire, elle ne m'a jamais accepté tel que j'étais.
Avec mon indécision. Ma lâcheté. Ma veulerie (au moment même où je me sentais en plein courage, et réciproquement).
Bref, c'était bon mais
nous ne nous sommes pas compris.
D'ailleurs, ce n'était peut-être pas le but du jeu.
Je suis certain d'avoir appris quelque chose. Que tout cela a servi.
Et elle ?
Peut-être que ça ne me regarde pas.
Bref, je la quitte. Ce qui reste entre nous ?
Le choix des armes - celui qui partira en blessant le plus l'autre.
2. Rêverie
Je cuisine. Le bras près de la poêle, le geste précis, connecté à mes papilles.
Nous sommes seuls devant le fourneau - les autres sont partis pour des raisons diverses. Ils reviendront. Dans un autre temps.
- J'ai très envie de t'embrasser.
Ce sont là ses paroles.
Depuis combien de temps ne m'a-t-on pas ?
Je rougis. Agite la poêle inutilement.Je ne voudrais pas être ce type un peu replet, un peu coincé, derrière ses fourneaux. Je voudrais être certain. Accepter ou refuser - et pourtant je n'y arrive pas.
Je bafouille.
- Mais je... c'est que je... et je...
Ce 'je' m'encombre - mais en cet instant, dans cette situation, il est ma vérité.
- Je te trouve sexy. Je te regarde depuis tout à l'heure, et j'ai envie de t'embrasser.
La situation ne saurait en rester là - les mots créent trop d'inquiétude. Dans les minutes qui suivent, il y a d'autres rapprochements, d'autres passes. Et moi, je reste calé dans ma coquille, entre l'envie de rire, celle de pleurer, et celle de m'effondrer comme une chenille qui crève sa chrysalide.
Les autres reviennent. Les autres, qui me fournissent ce cadre parfait, cette excuse à ne pas avoir vécu ce qui s'offrait. Les autres, qui me raccrochent à une réalité - sans doute pas sensuelle, mais sensée.
Je suis fidèle, non ? A moi-même en tout cas.
Cet instant, près de la poêle.
Le lendemain, je le raconte à. Son commentaire ?
- Qu'est-ce qui t'a retenu d'essayer ?
Franchement ? Moi-même, je suppose.
La moustache aussi, peut-être.
3. Championnat du monde d'équilibrisme
"Je suis persuadé d'être le champion du monde du doute", ai-je écrit pour faire le malin.
Depuis ? Depuis rien. Mais, un point intéressant : le dîner de ce soir, avec les enfants. Quand nous parlions de nos craintes, de nos erreurs, en adultes ; quand ils se moquaient de nous. Quand nous acceptions de ne pas les diriger. Quand ils acceptaient de ne pas être libres, encore.
Sans doute sommes-nous une famille bourgeoise et, partant, méprisable.
Mais Anton et Zadig (et S et Y) grandissent, et franchement,
ils nous rendent meilleurs par les réponses qu'ils exigent de nous.
4. Cela dit comme ça, en passant
L'émission
Pas plus haut que le Bord, pré-sabordée par son animateur en chef, étincelle chaque fois ;
Mission Vampire (pas de lien, c'est un projet secret, aux éditions Talents Hauts) devrait être traduit en allemand et en espagnol ;
L'Image devrait connaître une renaissance numérique, sans parler de petits textes, comme ça, parallèles. On verra.
Côté écriture/mise en scène/musique... il se passe des choses, voilà. On a le temps.
Côté peinture, il ne se passe rien (mais c'est à cause que je joue beaucoup au rugby, ça compense, si, si, le geste, quoi).
Côté trad... c'est ce qui me retient d'écrire, et me fournit le pain, alors quoi faire ?
Arrêter le pain ? Facile.
Oh et puis, surtout, parce que c'était le but de cette rubrique,
j'ai reçu non pas une mais deux
lettres au sujet de l'Eau des rêves
d'hommes prisonniers, vraiment
qui me disaient
c'est difficile mais,
oui, vraiment,
nous te suivons, nous le suivons,
alors,
si leurs murs s'écartent un peu,
s'ils se sont sentis un peu plus clairs un moment alors
ça en valait la peine
de raconter, malgré tout.
( Et puis le reste ne concerne
que la façon dont la pluie
efface les pierres
des cimetières
rien à voir avec nous, donc)