22.9.09

738 - MArdi, je te raconte


- Papa ? Papa, c'était quoi, alors, tout ce mouvement ?

Esag haussa les épaules. Comment pouvait-il expliquer à son fils ce qu'il avait vu et ressenti ? Il n'était même pas certain que Rahoul avait perçu les mêmes images, la même douleur lancinante d'être père, d'être fils.

Dans un coin de sa caboche préhistorique, il espérait que son enfant avait vu autre chose : le bonheur, les sourires, la complicité ; l'acceptation d'être soi, d'être autre ; le sourire sachant qu'un jour la graine deviendrait une fleur.

Esag n'avait jamais fait d'histoires. Il n'était pas fan, il faut dire, de raconter des choses, d'imaginer, de rêver d'un demain d'un ailleurs. Non, jusque-là, Esag était plutôt tranquille - du genre à se gratter quand ça le grattait, à manger quand son ventre faisait de la trompette, à regarder mûrir les fruits. Mais au fond de ce sequse, de cette matrice de récits où les avaient entraînés leur chute, toutes les pensées avaient changé. Le père de Rahoul s'était mis à craindre la prochaine contraction du sequse, qui les projetteraient Qui sait où, qui leur ferait vivre peut-être des aventures, qui...

Il y eut un mouvement sous les pieds des deux Zoms.


Une main posée sur l'épaule de son fils Ra'ahul, Hersag-le-farouche contemplait le petit port de pêche. Les mâts des navires dessinaient une forêt ondulante que la ligne des flots partageait en deux. Le soleil se couchait sur la bourgade, et l'on voyait des groupes d'hommes remonter vers la ville, les bras chargés de cordage et de caisses de bois contenant des poissons frais. L'air embaumait le sel, et des rires joyeux se répercutaient entre les barques.
- Demain, nous mettrons cette ville à feu et à sang", déclara Hersag d'une voix douce.
Son fils approuva, le regard dans le vague. Car depuis des années, il attendait ce moment.

-
Papa ! Ca a recommencé !" s'exclama Rahoul. "C'était quoi, cette histoire ? Elle avait l'air très chouette."
Esag soupira. Ce n'était pas une histoire - à peine un incipit. Mais pour un début, c'en était un : celui des ennuis.

1 commentaire:

Dahu l'Arthropode a dit…

Un sequse qui tire une fois par semaine seulement, pas de quoi être impressionné.
Je lis la définition d'incipit, et la "longueur variable" s'accorde assez au cas de Mardi, je te raconte. Depuis le début, c'est encore le début.
Je te vois bien parler d'une voix douce et dire "nous mettrons cette ville à feu et à sang": tu ressembles un peu au colonel Kurtz. En plus jeune.