14.4.09

657 - MArdi, je te raconte


- Hé, Rahoul, à quoi tu joues ?

Rahoul, surpris, baissa la tête. Tout accaparé par son Jeu, il ne pensait plus que quelques minutes auparavant, il s'ennuyait.
Les Autres. C'étaient les Autres qui l'appelaient.

Il faudrait que je te décrive les Autres, te donner leur nom, te raconter comment ils étaient. Mais l'important est ailleurs. L'important est que les Autres demandaient souvent à Rahoul de devenir un Nous avec Eux.
Ils aimaient jouer - mais pas tout à fait comme Rahoul ; ils aimaient rire - mais pas tout à fait comme Rahoul ; ils aimaient courir et sauter dans les branches - mais, encore une fois, pas tout à fait comme Rahoul.

Il y en avait toujours un qui voulait être le chef, ou qui connaissait un autre jeu, ou qui pensait à autre chose.
Parfois, d'ailleurs, cet autre était Rahoul, ce qui fait que les Eux ne voulaient plus faire un Nous avec lui.
C'était ennuyeux, toutes ces choses. Toutes ces volontés qui ne marchaient pas bien ensemble. Une fois, l'un d'eux avait joué à sauter sur Rahoul, et Rahoul s'était fait mal au genou.

Un peu plus tard, Rahoul avait pensé que genou, c'était comme Je-Nous. Ou jeu-nous. Ou Je noue.
Et ça lui avait fait mal, pendant un temps. Si bien qu'il avait fini par penser qu'il était mieux tout seul. Même s'il s'ennuyait, parfois. Même s'il se sentait un peu trop seul, un peu trop triste, un peu noué.

Alors, plutôt que de jouer avec les autres, il préférait rester sur son arbre. Il préférait s'inventer des histoires, aussi. Et des choses comme les jeux de mots, la psychanalyse lacanienne, et le trait d'union.

Ce jour-là, néanmoins, il descendit un peu de son arbre ; il voulu dire aux autres ce qu'il avait pensé, là-haut, sur sa branche. Bon, les autres ne comprirent pas forcément, mais ils aimaient bien ce type qui réfléchissait tout le temps, et qui avait l'air un peu triste ; ils décidèrent de le prendre dans leurs bras.

Il pleuvait, ce jour-là, te l'avais-je dit ? Et tous ces bras protégeaient Rahoul de la pluie.
Les autres lui avaient fait un toit. Et Rahoul pensa que les autres avaient un point commun : ils étaient tous un toi, avant d'être des eux (et des oeufs aussi, quand ils étaient distants, ou refermés, ou fragiles sous leur carapace).

Ils jouèrent donc un long moment à mélanger les pronoms personnels.
Et puis chacun rentra chez lui.

2 commentaires:

Zoë a dit…

ma baffe était un peu provoc comme on secoue quelqu'un plein de larmes pour qu'il essore son chagrin.
ces chroniques sont tes meilleures morceaux (pour moi qui suis un toi)
Allez, une bise pour me faire pardonner mes brutales manières

Manu Causse a dit…

La contrainte, que veux-tu, il n'y a que ça de vrai...
Meilleur morceaux toi-même :-)
Je prends bises et baffes avec gratitude.