6.10.09
744 - MArdi, je te raconte
Note d'information à nos lecteurs de retour de l'île Maurice et autres amateurs de paratexte : depuis le 27 janvier, MArdi se raconte l'histoire de Rahoul, enfant préhistorique, et d'Esag, son père, légèrement angoissé. Suite à une chute dans l'Arbre de la connaissance des histoires, Rahoul et Esag sont projetés d'histoire en histoire, tout en tentant de raconter la leur.
À nouveau, le sequse bougea, et ce fut une autre histoire.
Les créatures évoluaient sans paraître s'inquiéter de la présence du père et de son fils. Minces, filantes, elles évoquaient des anguilles carnivores, ou des insectes géants aux mouvements menaçants.
Leurs gestes désordonnés, leurs déplacements aléatoires, les amenaient souvent à se frôler, voire à entrer en collision. S'ensuivait alors une brève lutte, où l'on voyait des dents briller, des éclairs crépiter ; puis la danse lente des créatures reprenait, toujours contenue - mais pour combien de temps encore ? - entre les barrières qu'on avait érigées là pour empêcher qu'elles envahissent le monde.
Le père eut une moue dégoûtée. Il n'avait jamais compris pourquoi sa tribu aimait élever, au sein même du campement, de telles abominations. Leur corps difforme, les boules hideuses qui leur tenaient lieu de tête, tout cela le mettait profondément mal à l'aise. Il aurait souhaité détruire l'enclos, brûler les caches où elles se réfugiaient - et plus que tout passer par les armes les membres de la tribu qui avaient fait ce choix.
L'enfant, au contraire, se montrait intéressé. Quelque chose, dans le grouillement des créatures, le fascinait, sans nul doute ; souvent, il s'arrêtait aux abords de l'enclos, et malgré les grognements de son père, restait debout, les pieds sur la murette, à contempler la danse étrange des monstres.
Le père redoutait que ceux-ci voient son enfant ; car même si les créatures étaient parquées et étroitement surveillées, elles étaient, selon lui, capables d'attirer à elles les âmes innocentes. Alors, tous les jours, en passant devant l'enclos, il pressait le pas, tenant fermement dans sa main celle de son fils.
Puis un matin - un matin où il rêvassait, les idées pour une fois éloignées des créatures - il sentit avec horreur la petite main glisser de la sienne ; il entendit un cri, et le bruit d'une course ; avant qu'il ait pu réagir, son fils s'était enfui à toutes jambes vers l'enclos des créatures.
Il se lança à sa poursuite, le coeur figé d'horreur. La distance lui semblait insurmontable, ses jambes paraissaient ne plus le porter. Mètrea près mètre, il voyait son retard fondre - mais cela, mon dieu, cela suffirait-il ?
Il rattrapa son fils comme celui-ci venait de poser les pieds sur la murette. Il l'attrapa par le col, et se mit à hurler.
Mais ses cris semblèrent n'avoir aucun effet ; l'enfant se tourna vers lui, les yeux brillants, et lui lança de sa voix douce :
- Mais papa, puisque je te dis que je veux y aller, à l'école !
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