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Autoportrait à la prise de tête |
1. Musiques
Deux concerts, récemment : Oldelaf et Bertrand Betsch.
Oldelaf, c'est, à mon avis, un succès en puissance : show carré et tonique, parfaitement rythmé, osé, enlevé (même si je râle quand je vois sur scène une blague "improvisée" que l'on peut voir sur youtube depuis des mois) ; musique qui pique tous les plans des meilleures "musique qui colle", façon Polnareff/Sardou/Nicolas Peyrac, pour les remettre au goût du jour et leur insuffler l'esprit de dérision que l'on trouvait déjà chez les Fatal Picards, avec un zeste d'absurdité et d'observation qui donnent toute l'acidulité, par exemple, de la chanson
Vendredi (featuring Sophie Truchet).
Dieu quelle vilaine phrase. Tant pis, je laisse - une fois n'est pas critique.
De toute évidence, la chanson française me semble plus accessible/crédible quand elle utilise cette distance, cette dérision ; mais n'est-ce pas, aussi, une forme de défense, de fuite devant le sentiment ?
Fuir le sentiment, c'est ce que ne fait pas
Bertand Betsch. Disons-le tout de suite : c'est un copain, et je n'aime pas tout ce qu'il fait. Chanson fragile, électriquement nostalgique, paroles ciselées (parfois trop à mon goût, mais écoutez-les et vous me direz) : son nouvel album est dans la lignée des
précédents - car Bertrand est fidèle, concentré, rectiligne dans son art.
Et en concert... Derrière les grandes baies vitrées, le
lieu était délicieusement irréaliste, salle et bar et galerie et maison tout à la fois ; l'installation, après une première partie, était des plus précaires, quelques câbles, tabouret, pas de véritable lumière... Juste Bertrand, parfois sa choriste et compagne Audrey, et son fin guitariste, pour égrener les chansons et les citations existentielles ("Où ai-je mis mon capodastre ?" "L'élastique de mon caleçon a craqué tout à l'heure", "Je tiens à me remercier, moi, pour mon talent"). Que te dire, sinon que
ça marche, que l'émotion, dans la voix fêlée et précise de B.B, nous gagne comme une douce marée montante, que l'on suit avec volupté (oui, c'est le mot qui vient, il y en a là-dedans) le fil de ses pérégrinations au pays de la mélancolie... Oui, c'était un moment chaud et fort, magique, certainement.
Prochain concert, le 8/12 au Cri de la Mouette : qui vient ?
Et dilemme diabolique : L'album de Bertand sort aujourd'hui, celui d'Oldelaf dans quelques jours. Lequel acheter ?
Les deux, bien sûr.
2. Conversation entre Monsieur Moua et son diable
Mr Moua : Tu vas bien, toi ?
Petit diable : PAS MAL, CONNARD.
M : Ah, tiens, tu as l'air en forme. Ca te met toujours de bonne humeur de me traîner dans la.
PD : CA VA, FAIS PAS TA CHOCHOTTE. ALORS, TU VOULAIS ME VOIR, IL PARAIT ?
M : Oui. Il faut dire qu'en ce moment, j'ai un peu l'impression que tu me mets le souk, là, là et là (
il désigne successivement un point entre ses yeux, contre sa poitrine, vers son ventre)
PD : QUOI, CE SERAIT DE MA FAUTE, ENCORE ? TU ES QUOI, AMOUREUX ? COMME LA FOIS OU TU AS ECRIT TON PREMIER RECUEIL DE NOUVELLES ? OU COMME QUAND TU CORRESPONDAIS AVEC DES CREATURES DE REVE ? NON, NE ME DIS RIEN, JE SAIS : TU AS DES SENTIMENTS PARTOUT DANS TOUS LES SENS, CONTRADICTOIRES, PERTURBANTS ; TU AS ENVIE DE TOUT QUITTER ET DE TOUT CONTINUER, DE TE TAPER LA TÊTE CONTRE LES MURS, DE CRIER RIRE CHANTER EN MÊME TEMPS, DE BAISER AUSSI. C'EST BIEN CA ?
M : Tu pousses un peu, diabolo. Et puis tes accents sont tout pourris, et personne n'aime lire en capitales. Alors quoi... bon, admettons, il y a dans le domaine affectif des éléments un peu perturbants en ce moment. Des sentiments qui se contredisent. Ou qui ne devraient pas se trouver là. Ou qui devraient s'y trouver, mais pas comme ça, voire...
PD : C'est le bordel, quoi.
M : Exactement. Et je me demandais si tu avais un rapport avec tout ça.
PD : Pourquoi j'aurais un rapport ? Il y a le feu dans ton ventre ? Tu te sens con et damné ?
M : Pas envie de répondre à ça. Ce serait plutôt le contraire. Je me sens terriblement intelligent et limite saint.Et loin, aussi, de mes sentiments.
PD : Tu peux m'en dire plus ?
M : Plus, ducon.
PD : Très drôle. On t'a déjà dit que tu utilisais l'humour pour détourner les ?
M : Bon, la situation, tu la connais. Il y a cette vie-là, cet amour-là, ce confort, cette plénitude zénitude. Elle, majuscule, elle, mon amour, mon bonheur. Et il y a ces yeux-là, ce coeur noir-là, ce minimaelström d'automne, cet oiseau blessé qui cherche un nid. Or tu le sais, il se trouve qu'il y a un nid dans notre cour, un nid vide, depuis cet été.
PD : Tu es en amour de deux personnes ?
M : Comme d'habitude, oui.
PD : Tu peux m'en dire plus, sur ton habitude ?
M : Je n'aime pas trop quand tu parles comme un psy.
PD : Bin va te faire mettre.
M : D'accord. Bon, il se trouve que. Je suis d'accord que. Il est possible, j'admets. Disons que depuis, ouhla avant ça, même, je me suis souvent senti partagé du coeur. Obligé d'être partagé du coeur.
PD : Tu vas me parler de tes petites amoureuses, c'est ça ?
M : Ca te gêne ?
PD : Non.
M : Moi si. Là, tu vois, je suis en train de me demander à qui j'adresse ce texte. Blog, perso, carnet caché. J'ai très peur de te parler d'elles, donc.
PD : Pourquoi ? C'est du passé. C'est loin. Inutile que tu le laisses te faire souffrir encore.
M : Il y avait Sophie, la petite brune, la sage ; pas forcément très jolie, sinon quand elle souriait, sinon pour la finesse de ses traits et la poussière de la cour sur sa joue ; la douceur de ses cheveux. Nous devions nous marier, je crois même me souvenir que nous l'avions fait, sur la pierre à l'angle des poteaux de but de la cour de récréation, sous la fenêtre de la cantine.
PD : Je me souviens d'elle. Elle était... un peu chiante. Tu aurais pu avoir mieux. Mais tu l'aimais.
M : Oui, je crois. Sincèrement. Et puis, il y avait Emmanuelle. Emmanuelle était relativement laide, sauf quand elle devenait très belle. Elle me faisait peur. Elle m'aimait. Follement.
Et il fallait que je l'aime - ma mère me le disait,
ce n'est pas parce qu'elle est folle qu'il ne faut pas l'aimer. Du coup, je me montrais gentil avec elle. Et du coup, elle m'aimait.
Follement.
Elle me mordait, elle me griffait. Elle refusait que j'aille jouer avec les autres. C'était sa façon d'aimer. Je me suis dit que je l'aimais aussi.
PD : C'est confus, ma loute.
M : Absolument. Tout était mélangé. Celle que j'aimais... ce n'était ni Sophie la sage, dont les yeux noirs lançaient des éclairs tristes, ni Emmanuelle la folle, qui crachait comme un chat de gouttière. C'était... oh je n'en sais rien. Peut-être.
PD : Peut-être ?
M : Peut-être les garçons ?
PD : C'est à moi que tu poses la question ?
M : Bin, faut dire, tes initiales...
PD : Evidemment. Mais non, je n'ai pas la réponse. Qui aimais-tu ? L'une, l'autre, aucune ? Tout le monde ?
M : Tout le monde. Personne. Je voulais une femme parfaite, je voulais qu'on vienne me chercher. Je voulais qu'on me tire de là, qu'on me sorte de cette cour de récréprison. Je voulais marcher seul sur les causses, et rencontrer au bout du chemin la sauvageonne qui m'attendait. Qui venait pour moi.
PD : Tu sais que tu étais un petit garçon très délicat, toi ?
M : Ta gueule.
PD : Moi aussi je t'aime. Tu veux qu'on écrive à suivre ?
M : Je préfèrerais. Ou alors fin ?
(Fin à suivre)
PS du PD : Tu as dit "obligé d'être partagé du coeur". Et tu n'as pas parlé de ce nid vide.
M : C'est moi qui devais poser les questions.
3. Et le coeur des autres
Est-ce que l'on chasse
Des petites places
De nos coeurs
Ceux
Que l'on aime
Quand on aime
D'autres qu'eux ?
... ça, c'est le début d'une chanson, mais laquelle ?
4) Ours
Rassurons nos lecteurs : toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite et à mettre sur le compte d'un travail d'écriture en lien avec la traduction d'un ouvrage psychologique dont au sujet duquel, ainsi que d'un futur roman pour lequel oui bon. La société protectrice des coeurs délicats vous informe que toutes les précautions ont été prises pour qu'aucun sentiment vivant n'ait été blessé dans l'élaboration de ce post.