J'en reviens. Et je n'en reviens pas.
J'ai été invité au
Salon du livre jeunesse de l'océan indien.
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Coco ou pas coco |
Il me faudrait, il me faudra, des pages et des pages pour te raconter en vrac l'accueil à la fois génial et simple, le lagon, les baleines, la sieste épuisé sur la plage, les routes belles à te faire changer de sous-vêtements, les rencontres, les enthousiasmes, les moments avec Elle et avec les autres, l'émerveillement tout simple et permanent ; mais d'abord - et je m'en excuse - j'ai promis de reproduire ici la conférence que j'ai donnée le samedi 6 octobre devant un public ravi d'au moins 5 personnes, et dont le titre... ouais, bon, voilà l'objet.
Comme toujours, c'est en faisant que je sais ce que je veux faire, et tout en lisant ce qui suit à voix haute devant le public en question, je me suis dit que ça pourrait être intéressant à condition de changer le milieu, la fin, le début, le propos et les personnages, mais va savoir, je tiens peut-être un truc.
Bref, ce fut ce qui suit.
Une conférence en environ 36000 signes sur un sujet
important et grave quoique pas forcément sérieux
Par Manu Causse
Je sais pas si ça
compte dans le nombre de signes, « par Manu Causse ». Parce que je
compte les signes. Le nombre de caractères.
Quand on m'a demandé
de faire une conférence pour le salon du livre de jeunesse de l'océan indien,
j'ai dit oui parce que je n'ai jamais fait de conférence. Je trouve ça super
sérieux une conférence. Je ne suis pas sûr d'en avoir déjà vu une en entier, parce
qu'en général je pars ou je m'endors au milieu. Mais j'ai lu des conférences,
en particulier un livre d'Italo Calvino qui s'appelait Leçons américaines, où il exposait six principes de littérature
pour le 21e siècle. Allez savoir pourquoi je n'ai retenu que la légèreté.
J'ai beaucoup lu ces
leçons américaines à l'époque où je rêvais de devenir écrivain sans savoir
comment faire. Et donc quand on m'a demandé sur quel sujet je voulais faire une
conférence, j'ai répondu euuuh.
Je ne sais pas si
Calvino a fait une conférence sur l'indécision. Il aurait pu. Ou pas.
Alors j'ai proposé un
atelier sur l'écriture du handicap, rapport au roman les Cœurs Tordus, prix paille-en-queue dans la catégorie 5e-4e.
Mais il a été annulé, et de toute façon le livre n’a pas trouvé son chemin
jusqu’aux tables du salon. Et aussi une sorte de réflexion ou de « master
class » intitulée De l'autofiction à
la fiction de soi, rassembler ses morceaux. J'avais l'intention de parler d'Oublier mon père, mon dernier roman
adulte, en expliquant comment j'avais rassemblé des fragments de ma vie pour
raconter celle d'un autre, et peut-être ouvrir vers une réflexion sur
l'écriture, façon Italo Calvino en moins érudit.
Mais le sort s'en est
mêlé et sur le programme du salon, il y a écrit « L'enjeu politique de la
littérature jeunesse ». Sujet passionnant, certes, mais qui sera traité
ici demain par ma copine Alice Briere Haquet et sur lequel je me sens aussi
légitime que, mettons, sur le surf réunionnais ou la vie amoureuse du paille en
queue. Quant au roman Oublier mon père,
il n’a pas lui non plus eu la chance de parvenir à La Réunion. Ca va être
compliqué. Toutefois, on m'a invité et accueilli ici avec tant d'amabilité que
je m'en voudrais de ne pas obliger mes hôtes ; aussi cette conférence
tentera de traiter, en désormais environ 34000 signes, de l'impact politique du
rassemblement du moi sur la littérature à travers les âges et les genres. Ou
quelque chose comme ça.
Quand j'ai demandé à
mon amie Clémentine Beauvais, autrice et conférencière, quelle longueur devait
faire une conférence d'une heure et quel était le secret de sa réussite, elle
m'a répondu "une heure" et "mon talent, banane". Après
éclaircissement de mes questions – combien de mots devait contenir une conférence
d’une heure et quelle était le secret pour réussir ladite conférence - elle m'a
précisé qu'on lit environ 100 mots, soit 600 signes, à la minute - et donc que
ma conférence devait mesurer approximativement 36000 caractères. Elle m’a aussi
assuré que la condition pour réussir une conférence est de poser une bonne
problématique. Commençons donc par ce point, et je me hâte de poser ma
problématique : pourquoi ?
J’en profite pour
préciser que mon épouse et autrice préférée Emmanuelle Urien m’a proposé comme
problématique alternative « Qu’est-ce que l’auteur met-il de lui dans son
personnage, et peut-il en mettre moins dans un adulte que dans un
enfant ? » mais cette problématique a été jugée contraire aux bonnes
mœurs et à l’intérêt général. J’en reviens donc à « pourquoi ».
Pourquoi... Pourquoi
un adulte ou presque se retrouve un matin d’octobre à La Réunion, à lutter
contre des assauts de moustique tigre en attendant l'arrivée d'une hypothétique
classe de 6ème pour une rencontre, et pourquoi cet adulte décide-t-il de
remplir le vide en tapant des mots sur son clavier de portable - admirez
toutefois la prouesse technologique, quand on pense que Calvino tapait tout à
la machine, j'ai envie de dire un peu d'humilité monsieur Calvino, vous avez
peut-être plus de choses que moi à dire de la littérature mais moi je tape avec
deux pouces.
Et corollaire de cette
problématique, pourquoi un lecteur, en particulier un lecteur réunionnais à qui
l'île offre des possibilités de loisir et de détente aussi riches et variés
que, dans le désordre, le surf le parapente la randonnée le rougail entre amis
la visite de Chelonia ou du cirque de Mafate, pourquoi ce lecteur sursaturé de
sollicitations systématiques se soucierait-il des écrits fréquemment
autocentrés d'un métro entre deux âges, bref, pourquoi sommes-nous ici, vous et
moi ?
Il faudra que je
demande à Clémentine si ma problématique est suffisamment problématique mais,
pour l'instant, nous voilà dans le vif du sujet. J'en profite pour ouvrir notre
première partie, Le Sujet, sa vie, son œuvre.
I)
Le sujet sa vie son œuvre
Je m’apprêtais donc à
me lancer dans une longue dissertation sur ce thème quand je fus successivement
interrompu par deux groupes de collégiens venus me poser des questions sur le
métier d’auteur, puis par un rougail-saucisse en barquette accompagné de sa
dodo endémique de l’île, suivi d’un bain dans l’océan indien, mon tout premier
d’ailleurs. Et, je dois le dire : elle était bonne.
Après cet interlude,
je me suis retrouvé dans ma chambre d’hôtel à chercher un peu de connexion et
beaucoup d’inspiration.
C’est d’ailleurs la
première question que posent les élèves, que l’on soit à Saint Leu ou à Saint
Pons (dans l’Hérault, mais peu importe) : d’où vous vient votre
inspiration ?
Avant de répondre à
cette interrogation somme toute légitime, je me suis fait la remarque que les
élèves et les enfants en général commencent leur question par
« Comment », « Où » ou « pourquoi » alors que la
plupart des adultes – et moi le premier – commencent toujours leur question à
la suite d’une conférence par « Ne trouvez-vous pas que », ce qui est
une façon de donner un avis qu’en général on ne vous demande pas sur un sujet
qui en général n’intéresse personne, et surtout pas l’interlocuteur à qui vous
posez votre question.
L’autre remarque que
je me fais, c’est que le plus difficile quand on écrit c’est de ne pas
s’écouter écrire et que franchement quand on prépare une conférence depuis sa
chambre d’hôtel qui donne sur la baie de St Gilles c’est vachement difficile de
ne pas se brancher en pilote automatique pour faire des phrases qui ronflent
toute seule et produisent un nombre de signes suffisant pour impressionner
l’auditoire ou l’endormir c’est selon et surtout permettent de s’éloigner tout
en douceur de ce qui nous concerne à savoir le sujet. Ouf, bientôt 6000 signes,
si j’ai bien compté ça fait dix minutes que nous avons commencé cette
conférence et je n’ai pas encore dit la moindre chose intéressante sur le
thème, mais si vous me le permettez, je vais boire une gorgée d’eau avec un air
pénétré pour vous laisser le temps d’apprécier le silence, avant d’hocher la
tête et de reprendre ma lecture.
BOIRE/SURVEILLER LE
TEMPS
Le sujet, sa vie son
œuvre, donc. Quand un élève me demande « où trouvez-vous le sujet de vos
romans ? », ou quand un adulte me demande « ne pensez-vous pas
qu’au fond, le sujet du livre est toujours l’auteur lui-même ? », je
réponds… Je réponds « ah bin si » à l’adulte et « au fond je
pense que le sujet du livre est toujours l’auteur lui-même » à l’élève –
en remerciant ce dernier pour me laisser la place de me sentir plus intelligent
que lui.
Tout roman – et même
pour aller plus loin toute œuvre, toute production artistique – n’est-il au
fond qu’une sorte de selfie sur fond de plage paradisiaque – ou, suivant
l’époque et l’intention, sur fond de mine de charbon dans le nord, de bas-fonds
de Paris en plein cœur du XIXe siècle ou d’étude où nous nous trouvions quand
le proviseur entra suivi d’un nouveau qui – je m’interromps une seconde pour
rassurer nos plus jeunes auditeurs, c’est le seul moment où je fais étalage de
ma culture littéraire parce qu’en fait elle s’arrête là.
Mais, oui, quand j’y
réfléchis, je me dis qu’au fond Balzac est sans doute le protagoniste principal
de la Comédie humaine – qu’Eugénie Grandet, Ferragus ou Le lys dans la vallée, ne
sont pas en fait très éloignés des albums jeunesse façon Martine, avec Honoré
et le vieux rapiat, Honoré et les brigands et Honoré est amoureux. Décrire les
états d’âme d’un personnage, voire d’une société, c’est peut-être d’abord une
façon de se dire, en ombre plus ou moins chinoise.
Dire le monde, est-ce
se dire ? Se dire, est-ce se réparer ? Se réparer, est-ce tenter de
réparer le monde ? Ce sont là d’excellentes questions, et si un adulte me
les posait en commençant par « ne croyez-vous pas que », je
répondrais certainement par « ah bin si, sans doute ». Ce qui
permettrait à l’adulte en question de dire qu’il est, ça tombe bien, tout à
fait d’accord avec ma vision de la littérature, et je me lèverais sous les
bravos après avoir invité toute l’assistance à me retrouver pour boire un verre
après la conférence.
Au lieu de ça, c’est
en discutant avec des élèves de 4e du Tampon que j’ai fini, grâce à
leurs questions, par formuler un truc du genre « ah mais au fond la
lecture, les romans, et l’expression artistique en général, c’est une façon
d’enrichir sa palette d’émotions et de mieux se comprendre soi-même, de comprendre
l’autre et le monde ». Pour vous, public averti, cela n’a rien d’une
révélation, mais j’ai eu l’impression de prononcer des paroles intelligentes
devant cette classe de quatrième et vu que ça m’arrive rarement je vous en fais
profiter.
BOIRE
Et je vous refais le
coup de l’air pénétré, d’autant plus que j’avais un peu soif.
Arrivé à ce point de
ma conférence sur l’impact politique du moi de la jeunesse dans la littérature
du morceau, force m’est de constater que je n’ai pas encore utilisé
l’expression force m’est de constater et que je me suis perdu dans mes pages,
aussi j’interromps cette écriture le temps d’insérer le numéro de page en bas
de mes pages et de recompter pour la trentième fois le nombre de signes, 8800
et des brouettes, presque le quart, on tient le bon bout les gars.
TOUSSOTER
Je m’étais marqué de
toussoter pour réveiller les dormeurs éventuels et repartir sur un bon pied
dans cette première partie qui a tendance je le crains à tourner en rond. Parce
que justement : si écrire sur le monde, c’est écrire sur soi, l’auteur
n’est-il pas en permanence menacé par la tendance à comme on dit faire du petit
vélo autour de son nombril ?
J’ai écrit mon premier
texte à 30 ans et quelques ; il racontait l’histoire d’un type qui vit une
histoire d’amour tellement dingue qu’elle remet tout en question dans sa vie.
Vous allez rire, mais je vivais justement à ce moment-là une histoire d’amour
tellement dingue qu’elle remettait tout en question dans ma vie. Tout se passe
donc comme si de La Comédie humaine au Petit
guide des transports à l’usage du trentenaire amoureux (il n’y a que dans
une conférence que je donne que je peux me permettre de citer le titre de mon
premier recueil de nouvelles à côté des œuvres de Balzac, pardon pour ce moment
d’autosatisfation) tout se passe comme si en évoluant de la fiction à
l’autofiction, le roman s’était débarrassé de l’hypocrisie qui consistait à
dire « je parle de l’autre » pour se recentrer sur sa mission
première : parler de soi.
Mais.
Car il y a un mais.
L’année dernière, en
lisant La serpe de Philippe Jaenada –
je suis désolé, je ne sais pas bien prononcer son nom, c’est comme pour le
jaracanda, cet arbre magnifique qui s’appelle en réalité jacaranda – en lisant La serpe, donc, je me suis dit « ah
la vache comme j’aurais aimé écrire ça, moi ». Parce que dans la serpe,
l’autofiction – l’histoire d’un écrivain qui se lance dans une enquête – est le
point de départ d’une quête de la vérité qui ne concerne absolument pas
l’auteur et son personnage, mais qui concerne un autre auteur, lui-même accusé
de meurtre, qui se révèle être un sacré personnage ; et au-delà, l’auteur
montre comment la forme d’un récit affecte le jugement du lecteur, tout comme
la plaidoirie d’un avocat transforme le regard du jury sur le coupable – ou la
victime. Pas la peine d’analyser le fonctionnement des « alternative
truth » ou les discours politiques où chaque affirmation est contredite
par la suivante : dans ce roman, l’autofiction devient fiction en auto
(une Opel de location, pour être précis) et la fiction se fixe pour mission
rien moins que la réalité ; l’écrivain est là pour rétablir la vérité,
pour redéfinir, réécrire le réel ; son parcours, sa découverte, devient
une mise en abyme du monde lui-même, où l’auteur, de sujet, devient objet de la
fiction.
Vous m’objecterez que
je viens d’établir un raccourci tout sauf scientifique et une confusion entre
auteur, écrivain, sujet et même narrateur ; et je vous répondrais que,
sans doute, mais c’est ma conférence et je fais ce que je veux, d’abord. Mais
c’est bien tout le problème : quand on écrit, il y a toujours quelqu’un –
époux, parent, collègue, éditeur, libraire, voire lecteur – pour vous faire
remarque vos contradictions, vos approximations et vos erreurs. C’est même le
drame de cette profession, on n’est jamais tranquille : il faut toujours
penser à ce que pensera le lecteur.
Et donc, si le sujet
du livre est toujours l’auteur, il me semble assez évident qu’il est en même
temps – et par un retournement diabolique digne d’une excellente problématique
– le lecteur. Je sais, cette phrase est limite incompréhensible mais à l’écrit
ça passait crème, bref, le sujet du livre n’est pas seulement l’auteur, mais il
est aussi le lecteur.
On aborde les 14000
signes, il est temps de refermer cette première partie. Je bois un coup d’eau
et je vous parle de mon copain Seb qui vend des panneaux de béton.
I)
Mon copain Seb vend des panneaux de béton ou : le lecteur, mais
qu’est-ce qu’il veut celui-là ?
Avec un rapide calcul,
je me rends compte que ma première partie était un tout petit peu courte, à
peine 7000 signes et du coup on va finir à moins de 30000 signes en conclusion,
aussi je me propose de faire diversion quelques instants pour remplacer des mots
par du silence (SE TAIRE). Au début, j’avais pensé boire un coup, mais à force
de faire des effets j’ai peur de devoir me lever avant la fin de la conférence
et ça, je sais que ça ne fait pas sérieux.
Vous avez lu mes
livres ? Vous avez de la chance. Non, parce qu’apparemment il y a eu comme
un problème et vous ne pourrez pas les trouver à la librairie – et je ne sais
pas si Amazon livre à la Réunion, mais sinon je m’engage à vous les ramener
sous peu en container. Mais de toute façon, ça n’a pas grande importance :
vous n’êtes pas les seuls. Un auteur qui vend bien touche, allez, à la louche,
60000 personnes, et mon éditrice jeunesse était ravie que Nos cœurs tordus ait atteint les 6000 exemplaires. Quand on pense
que ça représente respectivement moins de 1% et de 0,1% de la population
française, bin, ça calme. Et même si je vendais 843 617 exemplaires de mes
livres, soit un par réunionnais, ça ferait… ça ferait que je reviendrais plus
souvent vous voir, bref, à vous de voir. Ce qui m’intéresse ici, c’est qu’il y
a, et qu’il y aura quoi qu’on fasse, beaucoup plus de gens qui ne lisent pas
mes livres que de gens qui les.
(Ouais, j’ai pas fini
cette phrase, parce que grammaticalement je trouve qu’on comprend très).
Et pour parler du
lecteur, donc, normalement, mon copain Seb, qui vend des panneaux de béton, ne
lis pas mes bouquins. Attention, il aime bien bouquiner, il s’intéresse à plein
de trucs, on a des conversations passionnantes, mais bon, 600 bouquins
paraissent à chaque rentrée littéraire, il doit en lire un ou deux par mois
quand il n’a pas trop de mémos et de docs techniques à parcourir, bref, il a
mieux à faire qu’à tenter de savoir ce qui se passe dans ma tête ou dans mes
pages.
C’est pour ça que je
lui ai confié les épreuves de mon dernier roman adulte, Oublier mon père, dont à l’heure où j’écris cette conférence
j’ignore encore la disponibilité sur ce salon, et vu que c’était au départ un
tout petit peu le sujet du truc vous imaginez que je ne me sens pas super à
l’aise. Bref, mon roman terminé, mon Seb qui vend des panneaux de béton, et paf
moi qui lui dis « Oh dis tiens Seb ça te dit de lire mon prochain roman
pour me dire ce que tu en penses ? »
S’il reste des
aspirants écrivains dans le public, notez qu’en Français la répétition passe
mal et que donc il ne vaut mieux pas écrire la phrase qui précède. Mais c’est
vraiment ce que je lui ai dit.
Il m’a répondu
« ça dépend, qu’est-ce que tu penses des panneaux de béton ? »
Je lui ai répondu
« Je sais que Ces dernières années, notamment sous la
pression des exigences croissantes en matière de résistance au feu, la société
pour laquelle tu travailles a fortement investi dans le développement de
processus et de produits et est responsable d’un certain nombre de
développements significatifs dans le domaine des mousses expansées
anti-incendie. Sur la base des résultats de ce développement continu de
produits, l’organisation de vente néerlandaise a créé une gamme de produits qui
s’adapte strictement aux réglementations néerlandaises très spécifiques en
matière de construction. »
Il m’a répondu
« Tu as trouvé ça sur internet ? » et j’ai dit « Oui, ça me
fait toujours 600 signes en plus ».
Alors il m’a dit,
« Mais ça tu l’as inventé, non ? Cette conversation qu’on est censés
avoir toi et moi ? » J’ai dit oui. Ce qui était courageux de ma
part, parce que ça reconnaissait que cette deuxième question elle-même était
une pure invention ; et de fil en aiguille, cela pouvait remettre en
question l’existence de mon copain Seb.
Toutefois, Seb existe,
je l’ai rencontré ; et je lui ai vraiment demandé de lire mon dernier
roman justement pour avoir l’opinion d’un lecteur homme (la plupart des
lecteurs sont des lectrices) et peu spécialisé (il semblerait de façon
empirique que les ouvrages les plus vendus sont ceux qui touchent les lecteurs
peu spécialisés, et je me demandais donc de façon très commerciale si je
pouvais toucher mon copain Seb).
Merci de ne pas noter
la phrase précédente dans le compte-rendu de la conférence.
Et donc, après avoir
lu la première version d’Oublier mon père,
Seb m’a dit : « Ah la vache, ça m’a complètement rappelé mon
enfance. »
- Euh, quoi,
Seb ? Tu as grandi dans l’Aveyron ?
- Non, dans le
Périgord, mais quand même.
- Et ton père est mort
quand tu étais petit ? Et ta mère te mentait et te frappait ?
- Non, non, mais quand
même. Au fait, je te plains, ça a pas dû être facile avec ta mère.
Et on y était. On
était dans le cœur du sujet – enfin, dans le cœur du lecteur, de par le fait.
Dans le cœur partagé entre Seb et moi. Et dans le cœur d’Alexandre, aussi.
Alexandre, c’est un
personnage. Un personnage qui pourrait être le sujet de mon roman Oublier mon père, ou son objet, je n’en
sais rien, on n’en est plus là. La seule chose dont je suis sûr, c’est que je
ne suis pas Alexandre. Si vous achetez le livre, ou si vous le commandez par
container via l’île Maurice, vous verrez qu’il se termine par la mention
« aucune mère n’a été maltraitée pendant la fabrication de ce roman ».
Ou un truc comme ça, mais une chose est claire : l’histoire d’Alexandre,
de sa mère et de ses femmes toxiques, n’est pas la mienne.
Même s’il m’a piqué
plein de trucs.
Mon père avait un
camion rouge. Il faisait du ski de fond, il rêvait de courir la vasaloppett. Il
a vécu en Aveyron. Il est mort. Un jour, je suis allé à Tarbes. Et en Suède.
Dans le Gers, j’ai visité une maison où j’ai cru entendre les fantômes de deux
petits enfants. Je m’intéresse à la photo, en particulier depuis que j’ai
traduit quelques bouquins dans le domaine.
Tous ces trucs,
Alexandre me les a piqués. Sans rien me demander ou presque. Et c’est tous ces
trucs que Seb – mon copain qui vend des plaques de béton – trouvaient si
proches de sa vie, de son expérience. C’est presque comme si le personnage
incarnait une expérience de vie de l’auteur où le lecteur se retrouve ;
c’est presque comme si l’auteur et le lecteur se retrouvaient dans le
personnage.
C’est bête, j’aurais
dû préciser que j’avais connu Seb en jouant au rugby, ça m’aurait permis de
faire des jeux de mots avec « terrain d’entente » ou même « se
faire la passe ». Sauf qu’il jouait 9 et moi devant, je n’ai pas souvenir
de lui avoir fait une passe en dix ans sous le même maillot. Donc, pas de
regret de ce côté-là. Mais, voilà : le personnage, ou le sujet, ou le
livre, semble être un lieu de rencontre entre auteur et lecteur.
Ma copine Clémentine
parle d’auteur induit : la représentation que le lecteur se fait du type –
ou de la typesse, donc – qui raconte toutes ces jolies choses. La notion est
plutôt utilisée, apparemment, du côté des universitaires anglais, mais je
trouvais qu’en parler dans une conférence faisait style, alors je l’ai casé.
Quoi qu’il en soit, avec mon pote Seb, pas besoin d’auteur induit – ou alors
juste pour induire les panneaux de béton.
Je vais boire pour
laisser passer ce déplorable jeu de mots.
BOIRE
Bref, Seb ne
s’imaginait pas que j’étais le personnage, puisqu’il me connaît ; mais ce
qu’il aimait dans le roman, c’était s’y reconnaître, et plus précisément de
nous y reconnaître. De trouver une part d’humanité commune, une ressemblance,
une vraisemblance – une semblance, pour faire court ; et c’est sans doute
ce qu’il cherche dans un roman. Même si là, il était obligé d’aimer, sinon
j’aurais arrêté de lui parler.
A ce moment de la
conférence, comme prévu, je patine dans la semoule, ça me semble à la fois
interminable et creux, un ramassis de poncifs qui ne vaut pas le mal que je me
donne et je vérifie furieusement l’heure et ma boîte mail afin de trouver un
prétexte pour tout laisser en plan.
C’est marrant, parce
que ça ressemble vachement au processus d’écriture d’un roman. Maintenant que
j’ai vérifié de quoi parlaient les Leçons
américaines de Calvino, et qu’Internet m’a appris qu’il s’agissait de six
principes de littérature pour lutter contre l’inconsistance, je me dis
qu’effectivement, l’auteur doit lutter en permanence contre une double
inconsistance : l’inconsistance du lecteur prompt à fuir le livre pour
s’immerger dans la vulgarité du monde réel, et sa propre inconsistance
d’autrice ou auteur, qui à force de se raconter des histoires ne sait plus ce
qu’il raconte de lui.
Je me permets
d’attirer votre attention sur le front de mer, derrière vous, où une baleine
est en train de gracieusement danser – oooh, une baleine !!!!
Hélas, le lecteur
moderne est exigeant, il ne tombe plus dans les trucs éculés de détournement de
l’attention. Et la tâche de l’auteur, Sisyphe moderne, est donc de conserver
sans cesse l’attention de son lecteur, de l’emmener par des chemins touffus
dans des buts à peine avouables.
Il existe pour cela
bien des subterfuges, qu’on peut nommer style, personnages, thème, sujet,
dialogue, mais j’aime par-dessus tout ce mot, intrigue – à la fois éveil de la curiosité et complot, plot en anglais, pour garder le lecteur
prisonnier du labyrinthe du livre. Et, oui, il est possible – c’est ce que je
me dis les jours de déprime – que la littérature ne soit rien d’autre qu’un
passe-temps, un jeu sophistiqué de l’esprit que le lecteur achète à l’auteur
pour ne pas souffrir de son propre vide.
Je rappelle que j’ai
commencé à taper cette conférence en attendant l’arrivée d’une classe de
sixième qui apparemment disparut corps et biens ; que mon pote Seb est en
ce moment du côté de Toulouse à regarder sans doute un match à la télé, et
qu’il se fiche éperdument de ce que j’écris ou dis (en revanche, les photos
depuis la plage le font râler, ça c’est marrant). Bref, je vous le dis
crûment : il est possible que les libres, la littérature, le grand bazar
des intrigues, des auteurs, des personnages et des histoires ne soit qu’un
miroir aux alouettes – un miroir aux paille-en-queue plus précisément – une
tentative absurde pour masquer l’absurdité profonde de la condition humaine.
Faut que j’arrête la
Dodo, ça me déprime vite. Toutefois, il faut l’admettre : la plupart du
temps, en tant que personne comme en tant qu’auteur, je me demande ce que je
fais là.
Là, ici, à la
Réunion ; mais là aussi dans la vie, dans mes rôles d’homme, d’écrivain,
de mari, de père, de fils, d’amoureux, de citoyen, d’artiste, tous ces éclats
de rôles qui ne constituent jamais un tout. C’est peut-être pour ça que
j’écris, d’ailleurs, y compris cette conférence : faire taire ce concert
de voix discordantes, et écouter la voix unique du roman, du personnage, du
sujet. C’est peut-être aussi pour ça que je lis, que je ne prends jamais autant
de plaisir à la lecture que quand elle me fait oublier tout le reste.
Et au fond :
lire, écrire, ne serait-ce pas tenter de savoir ce qu’on fait là ?
En fait, à cet instant
critique de ma conférence, où je me rends cruellement compte que j’ai très
envie de m’endormir moi-même, je me dis que le lecteur n’existe pas, pas plus
que l’auteur, pas plus que le personnage ; ce qui existe, c’est le livre,
où se rencontrent les imaginaires des uns et des autres, de la société et de
ses membres ; ce qui existe, c’est cette étrange interface émotionnelle où
par les destins et les trajectoires d’êtres de fiction chacun tente de
construire un sens à sa propre existence.
On fait des salons du
livre, pas des salons des auteurs, pas des salons des lecteurs, pas des salons
du personnage ; et c’est tant mieux, parce que ça n’intéresserait sans
doute personne.
Les panneaux de béton
de Seb servent à isoler et protéger ; il est possible que le livre
protège, mais je ne crois pas qu’il isole, même sur une île (oui, parce
qu’étymologiquement, l’île, c’est isola/insula, ce qui est isolé) ; au
contraire, le livre, débarrassé en particulier de l’égo envahissant de son
auteur, ainsi que des exigences impossibles de son lecteur, est le lieu d’une
rencontre, un terrain partagé de l’humain, voire de l’humanité. Ecrire, c’est
donner une voix à des émotions conflictuelles ; lire, c’est chercher les
mots qui définissent nos émotions pour vivre celles-ci plus pleinement.
Voilà pourquoi, à la
suite de cette deuxième partie, et pour laisser un peu notre ami Seb qui a des
panneaux de béton à vendre, je vous propose de nous pencher un peu sur les
émotions.
III) Le livre comme instant d’émotion
En abordant cette
troisième et dernière partie, j’ai d’abord envie de poser la question :
koman ilé ? C’est une très bonne question.
En vrai, j’ai toujours
trouvé pénibles les gens qui ont des réponses. Même Italo Calvino, dont
pourtant j’adore les œuvres – au fond, le type qui explique que la légèreté et
la complexité sont nécessaires à l’élaboration d’une œuvre au XXIe siècle,
qu’est-ce qu’il en sait ? Et Zola, qu’est-ce qu’il y connaît à la
souffrance de l’ouvrier dans la mine, Stendhal à l’amour ? Qu’est-ce que
j’y connais, personnellement, à la souffrance de l’adolescent – je n’ai été ado
que le temps strictement nécessaire, pour devenir très vite prof. Remarque,
prof, c’est bien pour faire souffrir les ados.
Bref, les réponses
m’ennuient ; je préfère les questions. Pas les questions qui commencent
par « ne pensez-vous pas que… » Les questions en suspens. Les
silences. Les phrases qui ne se.
En écriture, j’ai
commencé par le silence. Alors, c’était compliqué : j’ai écrit mon premier
texte, le premier dont je me souvienne, sur la mort. Mon côté fun.
J’ai raconté dans le
journal de l’école la mort de mon grand-père, celle qui me nouait la gorge,
l’histoire de l’homme qui se blessa accidentellement dans la vigne et mourut
seul face au ciel.
Le directeur de
l’école trouvait l’histoire très belle, et ma mère aussi, je suppose. Moi je la
trouvais juste très triste – et je me suis dit qu’être écrivain, c’était
recevoir les honneurs qui vont avec le récit d’une histoire très juste, très
triste et très belle.
Quinze ans plus tard
une conversation sans importance m’a révélé que, au fait, mon grand-père ne
s’était pas blessé dans la vigne ; il s’était suicidé.
J’ai découvert que le
monde peut se renverser. C’était aussi simple que ça : soudain, tout le réel
qu’on s’est construit se révèle faussé, gauchi. Soudain on se rend compte qu’il
n’y a pas de monde, il n’y a que les récits qu’on nous en donne.
Ca a sans doute joué
un peu dans ma future carrière, cette prise de conscience, même s’il a fallu de
nouveau plus de quinze ans avant que les mots jaillissent. En tout cas, c’est
devenu le sujet d’une nouvelle, puis d’un roman – L’eau des rêves, que vous trouverez à la boutique souvenir, à la
sortie du musée, et qui s’est écrit plus ou moins en dépit de moi, d’abord sous
la forme d’un storyboard puis d’un roman qui tentait de décrire les dessins en
question. Bref, j’ai regardé ce roman s’écrire – puisque nous sommes en petit
comité, je peux avouer que j’ai encouragé cette distance au moi écrivant par
l’usage de produits plus ou moins licites ; et que le résultat, pour
déroutant qu’il soit, me donne l’impression d’avoir accouché d’un livre qui
n’était pas moi tout en l’étant, d’avoir expulsé une partie de mon histoire
dont je ne voulais plus. En relisant les première pages du bouquin, hier sur
mon stand, j’avoue que j’ai pensé : « Ah ouais quand même ». Six
ans après sa publication – j’aurais dit douze, ou vingt, ou cent – je retrouve
cette souffrance sortie de moi, cette colère, cette volonté de tout vider dans
l’écriture.
J’ai donc commencé à
écrire par rapport à ces renversements du monde ; un roman pour moi
accompagne le passage d’un état à un autre, ou le produit, ou l’accélère.
Mais une fois passé
l’effet cathartique, une fois purgées les émotions, le mauvais sang en quelque
sorte, que reste-t-il à l’écrivain ? Doit-il continuer à creuser
l’émotion, la scène initiale, le trauma plus ou moins refoulé qui a donné
naissance à l’œuvre ? En d’autres termes, jusqu’où pousser
l’autofiction ?
Il fut un temps où je
pensais que ma vie se devait d’être trépidante pour avoir de la matière à
raconter ; il fut un temps où je m’agitais sans cesse, où je me secouais
de haut en bas comme une bouteille d’orangina pour trouver quelque chose à dire
au fond de moi ; j’ai arrêté. J’ai trop mal partout pour que les cahots,
quels qu’en soient l’orthographe, me soient agréables.
Il me semble désormais
que le traumatisme est épuisable et que l’écriture comme réparation a ses
limites, pour l’auteur comme pour son lecteur. Et il faut bien avouer que
j’aurais mauvaise grâce à parler de douleur et de souffrance assis dans ce
cadre proprement paradisiaque.
Mais alors, si ce
n’est ma vie, qu’est-ce que je vais raconter ? me suis-je dit au moment
d’entamer l’écriture de mon dernier roman adulte, Oublier mon père. Si je ne connais du monde que les émotions qu’il
me procure, si je ne le saisis que par les histoires que je m’en raconte, et si
le lecteur, de son côté, attend de moi que je lui tende des questions sur son
propre entendement, de quoi vais-je bien pouvoir lui parler ?
La psychologue Lisa
Feldman Barrett écrit que nous ne sommes pas à la merci de nos émotions,
qu’elles ne sont pas des réactions instinctives et incontournables. Selon elle,
c’est notre cerveau qui crée les émotions dans la perspective de nous aider à
appréhender le monde. Elle prend l’exemple d’émotions qui n’existent que dans
certains pays, dans certaines langues – de mots qui désignent des émotions que
nous ne connaissons pas forcément. C’est l’idée de hygge danois – la chaleur paisible et confortable de l’amitié ;
c’est aussi, peut-être, la réponse créole à la question koman il lé – léla,
lélamême : ici, aller bien, c’est juste être là. Le métro va, il va bien,
il gaze – il file, quoi – le réunionnais est ici, et ça lui suffit. Et le
livre, alors, le roman en particulier, est peut-être justement ça : la
formulation d’émotions complexes qui permettent au lecteur comme à l’auteur de
faire le point sur son propre état du monde.
A la question d’un
élève de 5e, qui ne commençait pas par « ne pensez-vous
pas… », j’ai répondu (sans vraiment savoir si je répondais à sa question)
que le roman est l’élaboration individuelle d’une histoire collective. Je crois
que je voulais vaguement parler de la nécessité vitale du récit comme lieu de
connaissance et de reconnaissance ; que c’est par l’écriture plus que par
tout autre moyen qu’on parvient à explorer le monde et à partager cette
exploration.
On est partis
loin, là ; normalement, il faudrait au moins un bon exemple pour 1)
tester la validité de cette théorie et 2) me prouver à moi-même que je ne
raconte pas n’importe quoi.
Le monde selon Garp. C’est sans doute un
des romans que j’ai le plus lu. Je me rends compte que j’ignore tout des rapports
de John Irving avec son père ; je me rends compte que je ne sais rien de
son point de vue sur ce qu’on nomme le genre, la transsexualité ; il
faudrait que je cherche sur wiki pour savoir si Irving a perdu un fils comme il
le raconte dans cette scène atroce de la voiture – mais moi lecteur, moi
adolescent imaginant le monde qui s’ouvrait à moi, je savais, je sentais, je
comprenais qu’il y aurait des luttes, des deuils, des infidélités, des pannes
de cœur et de sexe, des hauts et des bas, des lâchetés et des moments de
grâce ; j’avais envie d’être Garp, sa mère, sa femme, ses enfants ;
je vivais par procuration sa première nuit d’amour, sa victoire sur le chien
Bonkers et la famille Percy aux cheveux blonds ; et vous voyez, en
écrivant ces lignes, je retrouve en moi les émotions convoquées par cette
lecture, pas seulement comme des scènes, mais comme des gammes émotionnelles
que j’applique sans cesse à ma vie. Je me méfie des familles parfaites, des
chiens méchants, des femmes silencieuses – même si j’ai très peu connu des unes
et des autres, au fond. Bref, le monde selon Garp m’a fourni une palette
d’émotions qui m’ont permis de lire et comprendre le monde, de considérer qu’un
footballeur américain peut devenir une femme pleine de charme et que la disparition
ou l’absence d’un père peuvent constituer à la fois une blessure et un
tremplin. Bref, je dois tout non pas à John Irving mais aux livres qui m’ont
appris le monde ; d’un côté comme de l’autre de l’objet livre, je suis et
je reste un lecteur du monde.
Nous arrivons ainsi au
bout de votre patience et surtout de cette conférence ; elle avait pour
titre quelque chose entre « De l’autofiction à la fiction de soi,
rassembler ses morceaux », « L’impact politique de la littérature
jeunesse » et « Qu’est-ce que l’auteur met-il de lui dans ses livres
et si oui pourquoi. » Je me rends compte non sans une certaine fierté que
je n’ai répondu à aucune de ces questions, et que si je vous ai appris quelque
chose ou donné matière à réflexion, c’est de manière purement fortuite et
indépendante de ma volonté.
Oui, on met des
morceaux de soi dans des livres, qu’on les écrive, qu’on les lise ou qu’on les
utilise de quelque autre façon que ce soit. Et, oui, la littérature a un impact
politique, sur la jeunesse comme sur l’âge mûr ; elle est peut-être une des rares voies qui
nous permet de changer de point de vue, de comprendre le monde au lieu de le
juger au travers de nos filtres permanents. Quand on m’assène une réponse,
quand on m’impose une vision, je me raidis, je m’arc-boute sur mes
convictions ; un livre au contraire n’est qu’une question, une question
non pas que l’auteur me pose, ni que je
me pose, mais une question qui se pose d’elle-même à nos sens, nos
consciences, nos émotions.
En posant comme
problématique la question « pourquoi », je me suis condamné sans
doute à répondre pour finir « parce que », ou encore « allez
savoir ». Je pensais également
conclure par une invitation à boire un coup, ou par une chanson d’Aznavour,
mais on me le déconseille dans l’oreillette.
C’est donc sans autre
forme de procès que je termine cette conférence, ma toute première, donnée en
ce jour sur l’île de la Réunion qui devrait s’en remettre ; et je vous
encourage donc à lire, écrire, sentir, explorer la richesse de vos émotions.
Et je voudrais
remercier, surtout, toute l’équipe du salon du livre jeunesse de l’océan
indien, qui m’a non seulement invité ici et fait découvrir l’île, mais s’occupe
chaque jour de notre bien-être d’auteurs, de lecteurs et d’êtres humains ;
merci pour ce petit morceau de bonheur en plein cœur de l’océan – Muriel,
Marie, Coco, Patrick, toutes et tous les autres, bénévoles, libraires,
chauffeurs, merci du fond du cœur. Et pour vous prouver ma reconnaissance, j’ai
le regret de vous annoncer que je vais vraiment vous chanter du Aznavour.
Je n’aurais jamais cru qu’on se retrouverait le hasard
est curieux il provoque les choses…
Et pour conclure : Clémentine m'avait raconté n'importe quoi, 36000 signes, ça fait 36 minutes et des bananes, parce que 1000 signes = 1 minute en lecture à voix haute. Hop.