6.6.13

1043 - A l'époque où j'écrivais tard...

1. Je racontais des choses sans suite

Marisol Touraine, outre le fait que tu portes le prénom d'une magicienne traîtresse dans le bouquin que je traduis, sais-tu bien ce que tu fais, malheureuse ? Voilà que tu m'interdis à tout le monde de vapoter. Et l'interdiction, et les lieux publics, et les mineurs... Du coup, tu sais quoi ? Je me ressens tenté d'en griller une.
Non, parce que fumer de l'eau, ça ne me dit rien ; j'ai essayé le narguilé, j'aimais bien à part l'odeur de loukoum. Je me suis débarrassé du geste, de la nicotine, de tout. Je suis ravi que mes potes puissent rester avec moi dans les bars tout en tirant sur leur sucette.
Et voilà que tu arrives avec tes bonnes intentions. Mais dis-moi, ma bonne, c'est quoi la logique ? Aaaalors, le vilain fumeur est dépendant de la nicotine - produit somme toute relativement inoffensif ; du coup, on lui propose sa fixette autrement qu'avec des TAR - des Total Aerosol Residues, honteusement traduit par "goudrons" en français, mais qui n'ont rien à voir avec le macadam de nos routes ; il s'agit simplement de toutes les petites saloperies qui se mettent dans la fumée, les résidus de pesticides sur les plantes, de teinture sur les papiers, etc.
On lui enlève ça au fumeur, et du coup il vapote. Je ne dis pas que ce soit parfaitement inoffensif, ni que ça suffise à arrêter de fumer, ni même que ça remplace ; simplement, ça paraissait une bonne solution. Et toi tu interdis, comme si c'était néfaste, dangereux. Illégal. Tu recrées une interdiction là où l'usage, en plus de la logique, considérait que finalement, c'était pas mal, ce machin.
Je suis déçu, Marisol. Tu avais l'occasion, sinon la chance, d'arriver à un moment crucial : celui ou l'addiction à la nicotine pouvait être séparée de l'addiction à la cigarette ; celui où l'on pouvait décider que la nicotine était tolérable, le tabac beaucoup moins. Celui où on pouvait proposer, tant qu'à y être, d'éradiquer la plante - pourquoi pas ? Ce serait un peu logique, au moins. Un bon pesticide sélectif, l'interdiction des plants ou leur manipulation génétique - tu laisses faire ça pour le blé et le maïs et les semences bio, alors pourquoi pas pour une solanacée à peine ornementale ?
Tu pouvais poser la question de ce que la loi interdisait, de la schizophrénie de l'état qui contrôle des drogues puissantes - tabac et alcool - et continue à proscrire d'autres drogues aux effets ni plus ni moins ravageurs. Tu parles de santé publique ? Mais Marisol, qu'est-ce qui est sain ? Ne pas fumer ? Ne pas vapoter ? Ne pas respirer l'air auprès des usines pétrochimiques ? Les particules de gasoil dans l'atmosphère ? Où finit la santé publique, où commence le lobbying ?
Alors donc, ma Marisol, en tant qu'ancien fumeur, même pas vapoteur et encore de gauche, j'avais envie de te dire : ça me paraît très con. Tu pouvais poser le problème sur la table, dire que c'est tout de même un peu con de balancer des sous d'un côté pour les ramasser de l'autre et réciproquement ; te demander s'il valait mieux développer ces clopes électroniques, comment et pourquoi ; au lieu de ça, tu optes pour la méthode de la prohibition.
Au fond, je m'en tape - ça ne me concerne plus vraiment, je ne fume que des choses hors marché, et encore, quand la lune est pleine. Mais j'avais envie de te dire, Marisol : je pourrais te pardonner de te planter politiquement. Beaucoup plus difficilement d'être lâche.

2. ... je faisais long au lieu de faire court

Nan mais c'est vrai quoi à la fin. C'est à peine si je peux encore lire plus de 140 signes, si je peux apprécier un spectacle ou un film ou un article autrement qu'en appuyant sur le bouton "like". C'est à peine si je peux passer une heure sans vérifier mon mail ou la dernière info qui vient de tomber. Des blogs ? Je n'en lis plus, alors pourquoi en écrire ?
Et pendant ce temps, les commentaires se déploient sur la toile ; chaque événement, même microscopique, devient l'occasion de développer les harmoniques de nos phobies habituelles. Fachos d'un côté, arabes de l'autre, sionistes si ça vous fait plaisir : tout devient complot, tout devient signe que notre vision du monde est la bonne.
Ca me fatigue, cette histoire. Ce couillon de monde se passe de notre avis/vie depuis des milliards d'. Il était là avant que nos cervelles étroites inventent le temps. Respirons un bon coup et regardons ce qu'il nous raconte - oreilles et coeur ouverts.

3. J'avais des priorités

Il me fallait découvrir ce qu'était l'amour - le pur, le vrai, l'indicible. Bon, bin quoi ? Depuis, j'écris plutôt le matin. En milieu d'après-midi, peut-être. Pas le soir. Le soir est propice à des confidences que l'on regrette le lendemain.
Tiens, si je te disais qu'en ce moment j'étouffe un peu ? Oh, je te rassure, tout va bien, la vie les gosses l'écriture la santé l'argent tout bien tout comme il faut merci mon Machin et tout ce genre de choses ; et pourtant je me sens comme un pur-sang dans son paddock (ou un poney Mérens dans sa cahute, faudrait pas non plus que je me laisse enfler les pâturons).
Est-ce l'écho du monde qui trouble ma sérénité, ou ma sérénité qui résiste mal au monde (si tant est que j'en aie possédé une, de sérénité, à un moment ou un autre) ?
On s'en tape. Je geins, je le sens bien. Et ça m'agace. Et je m'en plains.

4. Je ne me mettais pas en colère

Je me mettais juste hors de moi.

5. Tout ça pour dire quoi ?

Oh, rien du tout vraiment. Que tu me manques. Que je crois encore en toi, en nous, en la littérature. En la surprise que nous font les mots, parfois. Qu'avec ce printemps tardif, quelque chose arrive. Je ne sais pas quoi, mais je l'attends de pied ferme.

Le changement - c'était quand, déjà ?

6. J'avais des pensées pour d'autres que moi-même

Et je pense à P. ; je pense à C.
Je pense à mes morts ; je pense à mes vifs.
Je pense à elle, à ce que je lis comme sa tristesse, sa folie, à l'absence qu'elle m'oppose, de plus en plus chaque jour.
Je me demande de quel côté elle se trouve, maintenant.


 

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