Cabaret, préparatifs |
C'était la lumière qui tombait oblique sur les cheveux bleus de Marie : c'était la troupe, à peine formée, tendue déjà, aux gestes efficaces, le ballet autour des plats communs, assis à même le sol.
C'était les feuilles scotchées, les décors, les réglages ; la répétition, les coulisses, les loges, les enchaînements.
A un moment donné de la soirée, je devenais le Déménageur - masque, t-shirt rose. Un par un, les spectateurs montaient vers notre décor - une ourse aux platines, un fakir enturbanné, une table de massage. Un crâne de sanglier. Ils s'allongeaient, les yeux remplis d'une vidéo aux images dansantes, et la musique commençait. La musique, et le massage/message des mots.
- C'est une drogue, votre truc", a lancé un des spectateurs à l'issue des quelques minutes de bombardement sensitif.
Peut-être l'effet recherché.
Puis à nouveau se glisser dans les personnages, entre les corps, dans la salle. Caresser, jouer des yeux, du torse ; danser, faire semblant. Séduire, aguicher.
Les spectateurs hésitaient entre surprise, rire gêné parfois, admiration et trouble. L'une a fui, épouvantée ; l'autre se plaignait d'un manque d'érotisme. Trop ou pas assez suggéré : les numéros alternaient performances sur le corps, chanson post-réaliste et numéros de cabaret. L'ensemble était - le but du jeu ? - déstabilisant, dense, incomplet.
Quelques retours, glânés ça et là : "Ca laisse à désirer sans laisser à désirer" (de la bouche d'une artiste qui néanmoins envisage de faire partie de la prochaine édition) ; "trop petit, ce n'est pas érotique de se faire marcher sur les pieds" ; "on dirait un bordel de l'avant-guerre" ; "pourquoi l'érotisme ressemble autant à la décadence ?" ; "où est l'intention, dans tout ça ? Pourquoi les propositions ne sont-elles pas plus abouties ?", "C'est chouette, c'est amateur, et maintenant, ça devient quoi ?". Et aussi, souvent, "C'est bien. J'ai aimé, merci."
J'ai pensé quelques instants à ce que diraient mes chers amis ââârtistes, ceux qui ont un avis sur tout et en particulier sur le travail des autres quand eux-mêmes ne font rien. "Déjà vu", auraient-ils dit, "Pas terminé. Ridicule comme un club échangiste de province", pourquoi pas ?
Mais cinquante personnes ont travaillé de concert (et bénévolement) ; transformé un lieu de fond en comble, organisé un programme, passé par-delà les querelles, les égos, l'épuisement parfois ; cinquante personnes ont mené ensemble une envie jusqu'à son terme provisoire. Le Cabaret Erotique From Toulouse France existe, et c'est déjà énorme ; je suis curieux de voir où il ira maintenant.
2) Danse
Je n'y connais rien en danse, mais la plaquette (signée Philippe Ségur) m'avait avertie : ne pas chercher de sens. Se laisser prendre aux images, aux sons. Et c'est ce que j'ai fait : juste ouvert les yeux sur EWS - Les yeux grands fermés, de la compagnie Barra-Foglia.
Juste tester les limites de l'élastique, de la chute, de la verticalité ; se profiler dans la lumière, entouré de sons métalliques, profonds. Tourner, souffrir, se relever, reprendre. Toucher au corps, à sa surface profonde : un beau moment d'apesanteur.
C'est au Vent des Signes jusqu'à la fin de la semaine. Tu t'y plairas.
3) Correspondre
Récapituler face à une autre, virtuelle et pourtant présente ; tendre, tendre vers elle, vers lui, crépiter comme les mots. Imaginer les phrases, les scénarios. Une rencontre avant la rencontre.
Voilà qui me préoccupe, en ce moment - dépasse le quotidien, le normal, le laborieux. Voilà qui m'entraîne en avant.
Ce n'est pas sans danger, évidemment. Pour les sentiments réels ; pour le temps qui se consume, pour le chemin qui se dessine hors des rails de sécurité. Pour l'autre, réelle, qui attend près de moi, moitié virtuel.
Au même moment, une autre voix m'interroge : pourquoi ce besoin presque vital de s'éloigner, de se rapprocher d'un ailleurs, d'un autre virtuel ? Une fuite, une suite, une réussite ? Un pari, un projet, une échappatoire ? Ou simplement avancer sans mensonge / dans l'honnêteté du mensonge, ou réciproquement ?
Rechercher la logique dans la diagonale du fou.
Rêver d'amour comme d'une torche, allumant d'autres feux au passage sans jamais s'épuiser / se réveiller les pieds dans le mélodrame / interroger les sentiments.
Peut-être que je cherche à me perdre, tout simplement. Ou à trouver un chemin sans panneau signalétique ni moralisateur.
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