19.12.16

1132 - Rafales de Noël, 2 : une idée-cadeau

Les à-côtés de l'apocalypse

Trop habitué à Walking dead, tu crois encore naïvement que les survivants de la fin du monde passeront leur temps à lutter, à se battre, à se planter dans le crâne des battes de base-ball munies de barbelés. Tu crois encore que des hommes justes, droits, virils et taciturnes se chargeront d'organiser la survie de groupes aux aspects de famille bourgeoise.

Mais non, bien évidemment. Les hommes et les femmes feront du théâtre. Ils tenteront de recréer du lien entre les poches lointaines d'humanité.

Ils joueront du Shakespeare entre des avions immobiles.

C'est ce que raconte le magnifique Station Eleven d'Emily St John Mandel, canadienne au nom à rallonge et à l'écriture d'une brillance absolue.

Alors bien sûr il y aura des réminiscences de ce passé mythique - l'époque des emails, de l'électricité, l'époque où un acteur nommé Arthur Leander fascinait l'Amérique par ses frasques ; et les derniers soubresauts de cette ère aussi morte que celle des dinosaures agiteront encore l'étrange printemps de cette civilisation balbutiante.

Mais tu liras le passage du temps, ses soubresauts dans le rythme changeant du récit ; tu liras les à-côtés de l'aventure. Les petits riens, les regrets, les accrochages idiots entre les membres d'une troupe qui s'adorent et se détestent à la fois. La façon dont chacun apprend à oublier ce qu'il fut. Bref, tu liras le futur de l'humanité - qui ressemble d'ailleurs à son passé, à son présent, dans des circonstances différentes.

Tu liras un roman superbe, d'une originalité et d'un souffle impressionnants, qui dans un monde de plus en plus marqué par le retour à la brutale bêtise rappelle que la beauté, la poésie et l'intelligence finissent toujours par trouver leur chemin, comme des mauvaises herbes qui fissurent l'asphalte et le béton usés.

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