9.11.11

995 - Ne pleure pas, mon ange



(le mot chimiothérapie)

Cette nuit j'ai rêvé de fin du monde - les oiseaux passaient comme des ouragans, tête en feu - balayaient les paysages,
je plongeais au secret de la rivière, dans le gouffre, vers une autre femme et pourtant

quelqu'un, ma mère je crois
me disait

tu as peur pour ton père.

Et bien sûr, oui. Je préfèrerais je crois l'apocalypse, ne plus rien sentir.

Sous mes épaules le flot des chagrins,
refus - non, je ne veux pas, je veux que le monde s'arrête, je ne veux rien penser, rien sentir, cesser de respirer attendre figer
car le hurlement serait trop fort
trop forte l'injustice
trop

le silence

et pourtant je me tais, j'esquive, je m'agite en cuisine en coulisse j'intrigue j'ourdis,
j'organise je vaisselle je range je nettoie

Hier soir, comme chaque fois qu'il vient, la bouteille de gaz est tombée en panne,
la vanne,
C'est lui qui l'a changée, de ses mains bourrues, râleuses,
De ses remarques sur ce que je ne serai jamais,

Je me suis demandé si la prochaine bouteille,
si le prochain pas de vis inversé,

Je ne veux pas de ce chagrin, je ne veux pas le savoir,
Je veux que je me trompe,
Je veux mon ordinaire
Où tout est bien, mal rangé.

Et tu voudrais que je vive, que je gagne ma croûte, que je m'efforce,
Que je fidèle ?

Pleure, mon ange,
Pleure et va-t'en.

(Il se réveilla sans pleurer, dans l'espoir)

3 commentaires:

Zoë Lucider a dit…

Peux rien dire, juste te faire un gros baiser

Audrey Betsch a dit…

...
Pas mieux, pas moins que Zoé.
Pas plus non plus.

lucie a dit…

ce texte me touche, je suis passée par là, c'était ma mère qui luttait contre un ennemi trop fort pour elle...