18.7.11

976 - Les mains dans la

Fente nationale
1. Au redébut

Voilà c'est fait : Anton et Zadig déposés chez madame leur mère, va-et-vient habituel des vacances (sauf cette petite larme qui s'est invitée dans mes yeux hier soir très tard en repensant à leurs bouilles, à ce qu'ils sont au-delà de mes fils que je tente foutraquement d'éduquer).
Twaduction d'une histoiwe d'amouw hypew émouvante, you see ? Je peux pas te waconter, mais ça fait poulser le coeuw, oui. Et puis s'interroger sur l'intêrégrité de L'eau des rêves, que le silence semble pousser vers une réécriture ; commencer peut-être un travail de mise en scène sur un nouveau texte de théâtre, penser à des scénarios, retrouver les potes... Doux comme l'air frais en été, voilà, exactement.
Mais avant tout (enfin, pas avant tout, plutôt après quelques heures de stupre télévisuel et physique, ainsi qu'une remise en jambe traductive), voir ce que ça fait de remonter sur le vélo de ce blog.

2. Le sens de la nationale.

Juillet, route d'été. Le Tour de France à la radio. On s'est gourés à Limoges, tout le monde se goure à Limoges. Mais on s'en fout. Fenêtres ouvertes, fougères et hêtres, bornes jaunes et villages vides paresseux sur la route : la nationale, dans toute sa splendeur.
Le mot trotte dans la tête. Nationale, oui. Mais national, lui, devient très vite bleublancrouge, Front Nazional. Des imbéciles gradés de certitudes, le vitriol au ventre, crachant sur les différents, les autres - tous responsables de ce qu'ils ne reconnaissent pas comme une souffrance personnelle. Les nationaux, si amoureux de leur colère.
Voilà ce que l'on se dit, au kilomètre 62 entre Popogne et Bellac-la-chantouille. Nationale, c'est joli, ça coule comme un ruban paisible entre les arbres et les champs empaquetés, aimablement policés - paisible terroir ; national, c'est milice, violence, territoire rageur, fortifié, pétrifié.
Nationale, c'est comme les vacances. Le moment où tu penses que tu n'es pas fier d'être Français, que tu n'as pas de la chance d'être né ici - vu ce que tu y peux, ce serait comme être fier de respirer ou d'avoir le pied grec, ou marin, ou à coulisse - mais que, simplement, tu peux t'en dire heureux, un tout petit peu. Même si tu serais heureux, sans doute, dans un autre petit bout du monde, sous un ciel plus chaud ou plus froid. Bon, tu es là, et tu te sens bien. Tu penses même que d'autres se sentiraient bien à ta place, et tu te dis qu'ils auraient raison. Mais le mot national, non, décidément, tu as du mal.
Tu préfères les maisons bleues accrochées à la colline, les couleurs de l'espoir, le ciel quand il est tranquille. A l'étranger, tu t'excuses d'être Français - avoir eu Ronsard et Zola et Louise Labé et Diderot, Jaurès et Lafayette, et se retrouver avec BHL...
National. National. Non, décidément. Le concept même t'est étranger. Tu te dis que tu es vaguement occitan, un peu poitevin, un peu atlantique, ruthène ou gaulois, celte ou assyrien, avec des racines qui courent trop loin pour t'en souvenir (gibbon ou gorille ?) ; tu te dis que les gens avant toi, comme ceux qui suivront, comme ceux qui t'accompagnent, n'étaient ni meilleurs ni pire que toi. Tu te dis qu'à pousser le truc à fond, tu monterais une nation dans ta cuisine, tu retournerais à la tribu, à la horde pourquoi pas ?
Et pourtant à la radio tu te réjouis que le national de la course garde son maillot jaune. Mais les couleurs, sur un vélo, c'est juste pour faire joli.
Au kilomètre 80, tu te demandes s'il ne serait pas plus simple de déclarer la nation Europe, ou Terre, le peuple humain. Pour éviter d'appeler "mon pays" le siège qui te colle la sueur dans le dos.
Tu déclarerais bien l'indépendance de ta couille droite, mais tu ne saurais pas quoi faire sans elle, et réciproquement.
Au kilomètre 87, comme les enfants s'envoient des torgnoles à l'arrière de la voiture, tu te dis que tu vis dans un pays d'éternels mécontents incapables d'apprécier le simple bonheur d'être ensemble, de parler comme des êtres civilisés, adultes, intelligents.
La nationale, elle, file entre les collines, et tu te dis que merde, ce serait pas compliqué d'être heureux - il suffirait d'accepter que les jouets, le numéro de Spirou ou la commande du poste ne soit pas, toujours et tout le temps, à toi. Que ton droit de propriété sur le ciel ou la place près de la fenêtre n'est qu'une question de circonstances, et que tu peux si tu le souhaites t'en faire une montagne, en souffrir, ou juste l'accepter et jouir d'être en vie, quelques instants.
Le national revient, et tu te dis que la guerre, la haine, sont consubstantielles à l'espèce humaine, surtout quand elle s'enferme dans une nation. Tu te dis que la circulation des biens se définit par une valeur marchande, mais qu'il reste des types qui te sourient dans la rue, comme dans la chanson de Brassens (idée qui te vient peut-être de cette émission sur une radio nationale), et donc que bin, au fond, on ne.
Kilomètre 99, tu aperçois un radar et tu penses que ces cons du gouvernement te prennent vraiment pour des vaches limousines - simultanément, tu te dis que les panneaux blancs et rouges te préviennent aimablement qu'il existe des limites, qu'il te suffit de les respecter pour minimiser les risques routiers ainsi que la consommation de ton véhicule. Toutefois, pour faire rire les gosses, tu lèves un doigt bien haut, dans ton droit puisque tu roules à 80 kilomètres heures, tranquille, au ralenti.

On garde une jolie photo de toi, doigt levé, au kilomètre 101 de la nationale de tes pensées. Bin oui, ça devait être 70, pas 90, la vitesse limite. Tu as enfreint une règle nationale, et tu vas payer à la communauté une certaine somme. Ne serait-ce que pour qu'elle arrange la route, autour du radar.

3. Quelques jours plus tard

Quelques jours plus tard, une candidate qui parle d'amour de la France propose de changer la forme de la fête nationale. Autant l'idée te plaît, puisque tu es objecteur de conscience, autant tu es surpris par les réactions - raides, haineuses, rances. Nationales. Tu pensais que Gotlieb et son Super-Dupont avaient ridiculisé pour toujours le mot AntiFrance.

Alors, tu sors de la nationale et tu prends l'autoroute - celle qui part vers l'Espagne, la Belgique. Vers l'étranger qui te paraît bien plus intéressant que le connu.

Toutefois, tu continues de rêver qut tu marches sous un ciel tranquille, quelque part dans la campagne, sur l'épaule d'une colline, en ne te souciant que de la lutte du vent et des nuages. Et ce truc dans le coeur, mais si, tu sais, l'amour.


4. Parce que 3 est un joli chiffre

J'aime bien lire ça. Et ça, qui me fait dire que notre littérature nationale pourrait se sortit un peu les doigts du luth.

2 commentaires:

nathalie D a dit…

j'aime bien quand on prend les mêmes routes...

Zoë Lucider a dit…

Ah bon, t'as rouvert les commentaires! Suis un peu off en ce moment. J'aime toujours ta prose.