28.2.09

621 - Samemidi dans le salon du bien et du mal


Dire du mal, je m'y adonnais avec délice du temps de mon adolescence ; c'est un exercice ravissant, au sens propre, où l'on se sent curieusement fort et spirituel.

Ensuite, j'ai arrêté - je trouvais que ça donnait mauvaise haleine à la pensée.

Dire du bien, alors ? Mais (et à moins qu'on parle d'amour, auquel cas on peut souvent s'en sortir le cul propre, comme on dit par chez moi) on risque souvent de passer pour l'imbécile de service, le ringard, l'extraterrestre.

C'est pour cela qu'on a inventé l'humour. Tiens, par exemple, si je dis Une fois, j'ai pleuré en lisant "Le mot ronce" d'Yves Bonnefoy, au mieux je passe pour une tapette d'étudiant en littérature, au pire pour une Emma Bovary du Sud-Ouest (une Maïté Bovary). Et encore au pire je fais un gros blanc dans la conversation. Genre






Voilà, quoi. C'est ce que Véro appelle l'affect.
Donc je dis : "Aaaaaaaaaaaankulé, comment il assure grave, le père Bonnefoy" (version sud-ouest) ou "C'est une tuerie" (version Pontoise).

Du coup, pour moi, évoquer l'affect avec le filtre du rire est parfois une habitude. Mais hier.

J'assistais donc au vernissage de Recto Verso, l'exposition où les portraits blancs, crus et presque paisibles de Juliana Musitelli dialoguent avec ceux, chargés, noirs et nerveux, de Régis Feugère. Sur un autre mur, comme une réponse ou un commentaire, quelques Tentatives d'autoportrait où Yrf (faut-il dire Yannick Zofer ?) exerce la précision lunaire de son oeil sur une forme de lui-même, tandis que Véronique Pourrinet est allé chercher dans ses travaux des portraits de femmes-oiseaux.

Noir, blanc, couleurs ; forme, contre-forme. Portraits qui parlents d'yeux de bouches de mouvements de refus et de fuite, d'imaginaire et du magma créateur.

Normalement, j'aurais dit Bon, c'est quand qu'on boit ? (je l'ai dit, d'ailleurs), regardé, fermé ma gueule, et je me serais échappé pour le match de rugby.

Sauf qu'il s'est passé autre chose. Les visiteurs, d'abord, ont commencé à poser des questions aux artistes - de vraies questions, intimes, profondes, affectueuses ; et les artistes ont répondu.
Ca faisait comme un déballage d'art et de beauté dans l'Atelier expo. Et les mots sont venus.

Il y avait un morceau de monde réconcilié - dans un espace de paradoxe, au 24 de la rue du Dix Avril.

En d'autres termes : c'est le moment où jamais de découvrir Régis Feugère, Juliana Musitelli, le lieu et les travaux de Véronique et Yannick Pourrinet-Zofer.

Pour ce qu'ils ont de vrai et d'émouvant.

Et moi je retourne faire le ménage, parce que quand même, faudrait pas déconner.

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