31.5.09

684 - Roule, je fais 2


Rentré hier soir d'une lecture entre les murs de Lagrasse (Corbières) , je me suis mis à chercher des infos sur le prix Hemingway ; je ne m'étais pas rendu à la remise des prix vendredi à Nîmes, pour cause de distance, de taf, d'ennuis moteurs, d'ondes négatives et de silence radio de la part des organisateurs.

Je savais que ma nouvelle, "Pentecôtavic", n'était pas la gagnante (tant pis pour le gros chèque, inch'Ernest et tout ce genre de choses) ; mais j'ai pensé - ô orgueil coupable, ô hubris - que j'aimerais bien être ce 2e prix "terriblement innovateur" dont parle Laure Adler ici. Que ça aurait de la gueule.

Jusqu'ici, pas de nouvelles du classement.

Voilà. C'était ma pensée coupable du dimanche : parfois, j'espère. Je suis certain que derrière cela, il y a une pensée profonde, une leçon de vie à méditer longuement ; mais 1) c'est dimanche et je reviens du rugby, et 2) je ne suis pas certain de pouvoir méditer plus de 10 secondes. Et puis Toulouse a perdu en demi, je ne sais pas quoi voter aux Européennes, et je ne sais pas s'il reste de la viande au frigo, et il faut que je me dépêche pour aller voir la dernière de la nouvelle pièce de Cécric Chapuis.

N'empêche qu'un jour, je vous la lirai, "Pentecotavic" ; parce que c'est la première fois que j'écris une nouvelle en pensant à la lire/jouer/crier en même temps, et que ça fera peut-être un peu de taf pour Lofi...

Passionnant, non ? Demain, je publie la liste des courses.

29.5.09

683 - Vendredi, je me (la) raconte

Bin moi aussi, comme à mon copain Oh!, on m'a demandé de raconter des choses sur le comment-pourquoi de l'écrivage.
Alors je me suis exécuté.
Je ne suis pas certain que mes réponses ait un autre intérêt que purement médicalo-psychiatrique (un cobay, comme dirait Oh!), mais bon, ça meuble, d'autant plus que je traîne un peu sur ce blog, en ce moment...
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur mes écrits.



VOS PREMIERS TEXTES

Quel regard posez-vous aujourd’hui sur vos premiers textes, lorsque vous les relisez ou lorsque vous vous en souvenez ?

L’impression de grâce, dans l’écriture ou dans les sentiments, reste très présente. Je me dis que je ne retrouverai jamais cette fraîcheur naïve.

Parallèlement, j’ai l’impression de progresser, d’avancer : je vois donc des imperfections, des maladresses ; au final, j’ai souvent l’impression que mes premiers textes ont été écrits par quelqu’un d’autre, ni meilleur ni pire que moi, mais simplement différent. Et j’arrive du coup à les apprécier. Voire à comprendre certaines choses que je (me) disais sans bien savoir que j’étais en train de les dire.

A 32 ans, âge de vos premiers écrits selon vous, vous diriez que :

Vous étiez dans une période de « crise » :

Oui X Non

Précisez : Plutôt mal dans ma vie bien rangée, remis en question par mes enfants qui grandissaient, le confort routinier, la mort de certaines illusions… j’avais l’impression d’être enfermé dans une existence que j’avais choisie sans trop savoir pourquoi.

Mais l’écriture elle-même a plutôt ressemblé à une libération : elle me permettait de me projeter ailleurs que dans cet univers « normal » où je m’ennuyais, et où je souffrais, aussi.

Vous aviez le sentiment d’être seul :

Plutôt oui x Plutôt non x

J’avais plutôt l’impression de ne jamais pouvoir être seul ; de devoir endosser en permanence des rôles (celui de père, de mari, d’enseignant…) que je ne connaissais pas, où je ne me reconnaissais pas. Je rêvais de solitude, de belle solitude, et j’étais sans cesse dans un groupe ou une cellule ; en même temps, lorsque je me trouvais seul, il y avait souvent cette voix dans ma tête qui m’incitait à faire, à me déplacer, à m’activer – souvent pour me retrouver en groupe. La question était donc bien celle de la solitude, en tant que séparation impossible.

Vous étiez plutôt BIEN / MAL dans votre peau.

Je n’avais pas souvent l’impression d’être dans ma peau, plutôt à côté, en-dehors ; les fois où je m’y trouvais, c’était un sentiment étrange. Pas forcément désagréable, mais surprenant et fugitif.

VOTRE ADOLESCENCE

A l’adolescence, écriviez-vous ?

Oui x Non

Si oui, qu’écriviez-vous ?

Des nouvelles directement inspirées de Vian, un conte pour enfants, des chansons ; je me lançais dans des grands projets de romans qui s’arrêtaient au bout d’un chapitre.

Comment qualifieriez-vous votre adolescence ?

Heureuse : plutôt oui x plutôt non

Chaotique : plutôt oui plutôt non x

Solitaire : plutôt oui plutôt non x

Sociale : plutôt oui x plutôt non

Pleine de questions : plutôt oui x plutôt non

Complexée : plutôt oui x plutôt non

Epanouie : plutôt oui x plutôt non

Créative : plutôt oui x plutôt non

Conflictuelle : plutôt oui x plutôt non

Autres (précisez) :

C’était, si je m’en souviens bien, un vaste bordel ravissant. Ou un vaste ravissement bordélique. Ou du temps gâché, je n’en suis plus très sûr. Cf question suivante : ce n’est sans doute pas tout à fait terminé.

Si l’on vous disait : « D’une certaine façon, vous êtes encore un peu un adolescent », vous diriez que c’est :

tout à fait vrai plutôt vrai x plutôt faux totalement faux

VOS THEMES D’ECRITURE

Selon vous, les thèmes récurrents de vos écrits sont : l’amour, les séparations, le sexe, les regrets, le rugby, l’adolescence, le suicide, la nature, l’enfance, la fracture…

Ces thèmes ont-ils un lien direct avec votre vie et votre histoire personnelle ?

Oui x Non

Précisez : J’écris sur ce qui me fait battre le cœur ; ce que je vois, ce que je comprends de ce que je vois, ce que je sens. Même lorsque j’envisage de me lancer dans des romans sur des thèmes différents (SF, policier), je sais que j’y retrouverai ce qui m’agite au quotidien.

Quand vous écrivez un texte, son thème est-il en lien avec ce que vous êtes en train de vivre ?

Oui x Non x

Comment l’expliquez-vous : Cela dépend des textes. Il m’est arrivé d’écrire quasiment « en direct » mes sentiments et de mes pensées, quelque part entre autofiction et psychanalyse sauvage. Dans ces moments-là, j’utilisais tout ce que je vivais pour en faire de l’écriture. Notez, je ne vivais pas grand-chose (dans le monde réel s’entend), vu que je restais assis à ma table pendant des heures.

D’autre fois, il m’arrive d’écrire « sur commande », dans un but précis, pour un projet personnel, un concours, un format donné… dans ces cas-là, je peux m’éloigner davantage de ce que je vis, me mettre dans la peau des personnages (quand il y en a), dans le rythme du récit.

Inversement, ce que vous vivez ou ressentez est-il influencé par ce que vous écrivez ?

Oui x Non x

Précisez : Dans les cas dont je viens de parler, j’ai tendance à écouter le monde en fonction du projet du moment. Ce que je lis, ce que je vis, cherche d’une certaine façon à s’intégrer à ce que j’écris ; je « prends des notes ». Mais cela se fait de soi-même, comme des petits cadeaux du destin. J’évite de vivre et ressentir « en fonction » de ce que j’écris.

Qu’est-ce qui vous donne l’envie ou le besoin d’écrire un texte ?

Je me sens souvent mal à l’aise quand je n’ai pas écrit depuis longtemps ; le blog me sert d’ailleurs d’exutoire – écrire à propos de tout et n’importe quoi, à peu près n’importe quand, avec la certitude, non pas d’être lu, mais d’avoir la possibilité de l’être. Cette idée-là, ce sentiment-là, est sorti, je n’ai donc plus à y revenir.

Des thèmes (commandes, concours de nouvelles…) me donnent souvent l’envie d’écrire ; ce sont d’ailleurs les productions que je montre le plus facilement, sans doute grâce à la distance que cet élément extérieur introduit.

Des idées me viennent souvent – scénarios, « pitches », directions ; j’aurais tendance à vouloir les écrire pratiquement sur-le-champ, mais je sais maintenant que c’est impossible, et souvent inutile. Je me console en me disant que je les retrouverai plus tard, modifiées et transformées ; mûries.

Enfin, il y a certains textes que j’ai besoin d’écrire, tout simplement parce qu’ils sont « plus forts que moi » : ils demandent, impérieusement, à être exprimés.

L’ECRITURE DANS VOTRE VIE

Ecrire vous a-t-il parfois empêché de vivre certaines choses ?

Plutôt oui Plutôt non x

Précisez : Même si je pourrais « me réfugier » dans l’écriture pour éviter de vivre certaines choses, je me refuse à le faire. En même temps, votre question m’intrigue. Quand on écrit, forcément, on n’est pas en train de faire autre chose, de vivre autre chose (ou alors on triche, ou alors c’est dangereux – écrire m’empêche parfois de conduire, et je pense que c’est préférable). J’ai plutôt l’impression qu’écrire permet de vivre les choses plus intensément, à la fois intellectuellement et physiquement, sans se laisser emporter par elles.

Néanmoins, je sens bien que je me justifie dans cette réponse, aussi je dois pouvoir avouer que certaines fois, je me réfugie dans l’écriture pour dépasser un malaise. Dans une situation où je ne me sens pas à ma place, il m’arrive souvent d’écrire (ou d’imaginer que j’écris) pour me « déplacer », justement, et changer de point de vue. Ecrire m’empêcherait donc de vivre des situation gênantes ou embarrassantes…

Penser à un texte ou l’écrire vous a-t-il déjà perturbé au point de vous déstabiliser dans votre vie ?

Oui X Non

Précisez : L’autofiction, en particulier lorsqu’elle traite du couple et de l’amour, peut déstabiliser les proches. Mon premier texte racontait l’histoire d’un homme qui part rejoindre sa maîtresse… ma future ex-femme l’a lu. Et l’a compris comme une demande de divorce. Ce qu’il était sûrement, d’ailleurs.

Du coup, j’ai plutôt l’impression que certains textes déstabilisent les autres de ma vie, mais me stabilisent, moi. Comme si, une fois écrite, la tempête était passée, dépassée.

En revanche, penser à un texte a pu me déstabiliser : comme si des mots se mettaient d’eux-mêmes dans ma tête à se ranger en phrases, à raconter des histoires – que j’avais à la fois très peur et très envie d’entendre.

En général, ça passe quand je l’écris…

Vos relations avec votre entourage ont-elles été compliquées / facilitées / ni l’un ni l’autre par le fait que vous écrivez ?

Ni l’un ni l’autre – et pourtant elles ont été profondément modifiées. Mettons, au plus simple, que j’ai changé d’entourage (amis, profession, relations) à mesure que j’écrivais. Quant aux relations familiales et intimes, je dirais qu’elles se sont à la fois approfondies – il y a certaines choses que j’ai pu exprimer grâce à ou par l’écriture – et allégées, voire amoindries – il y a certaines conventions dans ces relations dont je me suis affranchi.

Pour communiquer avec votre entourage, utilisez-vous l’écriture (lettres, mails, notes…) ?

Pas du tout Un peu x Beaucoup

De quelle façon ? Pourquoi ?

MSN avec ma compagne (nous travaillons de concert, mais à un étage de différence ; pour ne pas avoir à crier, nous passons par l’écrit…)

J’ai aussi entrepris d’écrire une série de posts (le mardi) dont mon fils aîné est le principal destinataire ; ce sont des histoires improvisées sur le thème de l’apprentissage et de la relation père/fils. C’est une façon, je pense, de lui transmettre des choses que je sens ou que je pense sans le côté pesant et didactique de la « conversation à bâtons rompus » ; cela lui laisse davantage de latitude, de liberté de lecteur. D’ailleurs, il ne les lit pas…

Quelle(s) différence(s) faîtes-vous entre « écrire » et « parler » en ce qui vous concerne ?

Aïe. Je ne sais pas. Je suppose qu’écrire implique davantage de construction, de réflexion ; en même temps, j’essaie souvent de m’en débarrasser pour écrire « au fil de la pensée »… Parfois même, j’ai l’impression de parler plus librement quand j’écris.

Les textes que j’écris en ce moment (nouvelles, théâtre) portent en particulier sur ce rapport écrit/parlé : j’écris « à haute voix », en pensant à la parole.

Ah, si : quand j’écris, on me coupe rarement la parole. Ca fait une différence.

Lorsque vous avez connu des « crises » dans votre vie (deuil, séparation, doute, maladie, chômage…), vous avez écrit :

Plus que d’habitude Moins que d’habitude Ni l’un ni l’autre X

Comment l’expliquez-vous ?

Je serais tenté de penser que l’écriture permet de mettre ces crises à distance ; néanmoins, je préfère ne pas m’en servir dans ce but. Quand je traverse une crise, j’ai tendance à écrire de façon très brève (poésie essentiellement), peut-être parce que je me méfie de la surécriture, du mélodrame, et que j’essaie d’accueillir les crises et la tristesse au même titre que les autres émotions.

En résumé, pendant les moments difficiles, j’écris différemment (comme d’habitude…)

Ecrire ou ne pas écrire pendant ces périodes vous a-t-il aidé à traverser cette crise ?

Oui Non

De quelle façon ? : Je l’ignore. Ecrire quand je suis triste, bouleversé, constitue pour moi plutôt un signe – quelque chose est là, quelque chose existe, à un moment donné, qui est capable d’écrire « malgré » le bouleversement où je me trouve. A vrai dire, pendant mes pires moments, je me tourne plutôt vers la peinture – plus physique, plus matérielle.

Effacer une page où vous avez décrit vos agonies organiques, ça ne fait pas grand-chose. Ca ne soulage pas spécialement, vu que la page redevient blanche et appelle déjà un autre texte. Briser un clavier ou un écran serait une solution, mais relativement onéreuse.

En revanche, recouvrir/écraser/crever une toile m’a permis une fois ou deux de continuer à avancer. Ne serait-ce que parce que ce n’était pas ma propre peau.

Bref, pour utiliser des termes techniques, ça m’a permis, sinon de traverser la crise, du moins de transcender le désespoir ontologique.

Disons qu’une crise, on la traverse ou en meurt (ce qui constitue d’ailleurs une façon de la traverser…).Et que l’écriture fait partie de la traversée.

Questions fermées :

Ecrire me donne de l’énergie.

Tout à fait d’accord Plutôt d’accord X Plutôt pas d’accord Pas d’accord du tout

Quand je n’écris pas, j’ai l’impression de moins exister.

Tout à fait d’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord X Pas d’accord du tout

Rahhahaha je déteste les questions fermées…

28.5.09

682 - Anecdotique


Je pensais à un poème qui aurait commencé comme ça

Je
Ne souffre plus
J'ai oublié

(pas la souffrance bien sûr mais le Je qui souffrait)

Je
Me contente
De traverser les clous pour
Rejoindre le solei sur le trottoir...

Mais au coin de la rue, à l'ombre, un type chevelu trônait immobile,
Dans une position de lotus assez réussie, ma foi ;
Autour de lui les deux gamins de l'agence immobilière
Attendaient les pompiers en fumant empathie et agacement.

Je lui ai tapé sur l'épaule (main de rugby, ça va, camarade ?)
Il a fini par répondre,
A quelques milliers de kilomètres à peine - ce qui convenons-en n'est rien, à l'échelle de l'univers.

De "qu'est-ce que tu veux" à "tu es personne" (mais je ne cède pas à la flatterie), je n'ai pu le convaincre
D'aller poser ses doutes au Parc Bonnefoy
De marcher pour réactiver ses fonctions vitales
Dont la première était sans doute de repousser les curieux.

Et puis sont arrivés, blancs et bleus et en bande,
Les cow-boys de la brigade urbaine.

"Reculez-vous, Monsieur" m'a lancé la fliquette
Sans même me regarder, sourcils vissés au manuel ;
J'ai ricané bonne journée madame,
En pensant que parfois on n'est
Qu'un élément gênant dans le scénar des autres.

Chevelu, à l'heure actuelle, doit se trouver au Parc, au chaud,
Mieux assis que sur le trottoir de pisse
Ou peut-être en cellule, ou bien à l'hôpital.

On n'est parfois même pas
Un élément dans le scénar des autres.

26.5.09

681 - Mardi, je te raconte


- Bon alors, Papa, tu la racontes, la légende du grand arbre ? Allez, dis, heu, steuplé, tu la racontes quoi ?"

Rahoul venait d'inventer la litanie ; mais son père l'interrompit :

- Chut, enfant... Je vois... Je vois..."

Rahoul se renfrogna. C'était reparti pour un tour. Son père, et ses fameuses visions.
Parce que c'était son truc, à Esag. Parfois, il se figeait, comme absent au reste du monde ; puis d'une voix caverneuse, il se mettait à raconter des choses - des choses qui n'existaient pas, mais qui d'après lui finiraient par exister un jour ou l'autre.

Ca le mettait dans de drôles d'états, mais bon, il était comme ça, alors tout le monde faisait avec. Même Rahoul, qui aurait préféré que son papa s'occupe de lui, là, maintenant, sans penser au futur de l'avenir, sans s'inquiéter de ce qui pourrait arriver...

Esag continua :

- Je vois... un jour plein de cadres. Des cadres partout. Des cadres autour."

Rahoul leva la tête. C'était quoi, un cadre ?

- Je vois les mots qui deviennent des formes, des formes qui deviennent des angles, des angles qui deviennent des cadres ; et des cadres qui disent des mots sur ce que nous ressentons".

Ouh là. C'était parti pour être complexe. En général, le père de Rahoul se perdait un peu, quand il commençait comme ça. Mais il poursuivit :

"L'arbre, cet arbre, tu sais... c'est toi mon fils qui a inventé ce mot, le mot arbre qui dit ce que tous les arbres ont en commun... eh bien, cet arbre, un jour, il sera..."

Le suspens, encore. Décidément, depuis qu'il avait inventé ça, le père de Rahoul en abusait.

"Il sera pris dans un cadre, un cadre où il sera représenté ; il ne sera plus l'arbre-qui-est-l'arbre-qui-est-là, mais l'image-de-l'arbre-qui-est-là-et-qui-peut-être-ailleurs..."

Rahoul commençait à se demander si son père n'avait pas abusé des décoctions de plantes.

"Et toi, mon fils, ou les fils des fils des fils de tes fils, regarderont dans ce cadre, et y verront l'arbre-qui-est-là-dans-ton-coeur... Même que ça pourrait leur poser des problèmes, tous ces cadres qui mettent dans le dehors tout ce qui est dans le dedans - ils se demanderont où s'arrête le dehors où commence le dedans..."

A propos de dedans, Rahoul était dans la soupe, et en plein.

- Je vois... rho, plein de trucs, tu sais. Des cadres pour voir des mots des cadres pour voir des couleurs, des cadres pour entendre des voix des cadres pour se reposer... Je ne pourrais pas te les citer tous, car un jour ils seront partout..."

Rahoul pensa que son père venait d'inventer le délire de persécution, et comme c'était moyen amusant, il l'interrompit :

- Oué, mais dis : quel rapport avec mon arbre ?"

Les yeux d'Esag s'allumèrent :

- Je vois... un parmi des (chiffres chiffres nombres chiffres, ni Rahoul ni son père n'avaient encore pensé à inventer la numération), je vois un cadre, avec des images d'arbres - je vois des noms, comme Ooksonlézenfans, Juliétarmanhac, MaanukOooss... je vois des images qui disent des mots qui disent le dedans du dehors... je vois...

Soudain, il s'interrompit, et enchaîna tout de suite :

- Oh pardon, je déconne, on disait quoi, là ?

Et Rahoul soupira. Parce que son père venait d'inventer le coq-à-l'âne, et que franchement, cette histoire d'arbre, ça commençait à faire.

25.5.09

680 - Lundi, on écoute


L'oreille aux aguets, je le jure, je tentais de ne pas écouter les silences et les soupirs, de ne pas épier les gestes, entre ces deux qui passaient au milieu de mes toiles, de mes dessins, de mes ratés.

Ils prirent leur temps, au-delà du supportable ; je finis par m'enfuir, prétextant avoir à rendre les otages. J'avais un peu peur qu'ils me disent, désolés, mais c'est de la merde, rien à exposer. Trop mou, trop dur, à côté, sans saveur.

Je me mets souvent dans cette situation : exposé au regard des autres. Je suppose que je sais pourquoi. Ce que je me demande, c'est pourquoi ça me gêne toujours autant.

Mais ça y est, c'est fait : une dizaine de toiles sont préselectionnées pour l'exposition qui aura lieu à partir du 11 juin, à la fameuse galerie Zofer (où vous devriez passer avant pour profiter de l'expo "Corps et graphie").

Dans le même temps, j'apprends qu'une nouvelle nouvelle, intitulée "Pentecotavic", est sélectionnée pour le prix Hemingway. Si un lecteur de ce blog m'offre l'hospitalité à Nîmes, il se pourrait même que je descende écouter les lectures et le verdict du jury, qui sait ?

Il y aura également, samedi prochain, une lecture d'Emmanuelle Urien à Lagrasse (Aude, et c'est beau), où j'aurai l'immense et l'honneur et l'avantage de l'accompagner à la guitare. Vous ne pouvez pas être à Lagrasse ? Pas grave. Le marathon des mots, session 2009, vous offrira une chance de vous rattraper (aux alentours du 14).

Ca s'agite pas mal, pour un lundi. Et je ne dis même pas que j'ai passé le ouikend à écouter un torrent en contrebas des montagnes, les enfants qui jouaient, le bois qui s'entassait et les champignons qui séchaient.

Chut. On écoute en silence.

20.5.09

679 - Mercredi, je galère


Epaules tétanisées, dos bloqué, yeux carrés qui pleurent, répétition en boucle de la phrase "je finis ça et j'arrête", développement de la capacité à percevoir une espacemanquante au milieu d'un texte de 80.000 mots (pas de points au nombres, c'est typo U.S), déplacement du cerveau vers les zones digitales (je fais autre chose = Alt+tab) : pas de doute, on est en plein taf.

Et dire que l'air est doux aux terrasses toulousaines et que le ouikend s'annonçait vacancier...

Que veux-tu : fourmis, on prépare notre été de cigales.

Cri-cri-cri-cri...

19.5.09

678 - Mardi, je te raconte


Et le papa de Rahoul (il s'appelait Esag, et on le surnommait "le farouche", ce qui fait que Rahoul était le fils d'Esag le farouche, bin oui) se mit à raconter :

- Au commencement était le ook ; et le ook était ook. Ce qui ne doit pas t'emmener, mon cher fils, à conclure que le ook qui est le ook est le ook véritable, car..."
Rahoul l'interrompit :
- Ah non, alors ! Tu ne vas pas commencer à me raconter tes histoires bizarres. D'abord, c'est à moitié de la philo, et en plus on ne comprend rien.".

Esag se tut un moment ; on lisait sur son faciès épais comme l'ombre d'une tristesse.
Rahoul poursuivit :

- Non, parce qu'une histoire, mince, c'est simple. Tu prends un personnage plutôt petit, mais qui a plein de pouvoirs. Genre Aoook, Graoook, Yaaaoork ou Beuoork. Ouais, non, pas lui. Et puis tu mets en face des méchants très méchants, avec plein de super pouvoirs super puissants (mais pas trop quand même), et puis des épreuves, des pièges, des embûches. Et puis à la fin il triomphe. C'est quand même pas compliqué, si ?"

Esag haussit les épaules, et répondèrent (il venait d'inventer l'erreur d'accord des terminaisons verbales) :

- Mais ces histoires-là, mon ook, tu les connais déjà. Tu peux les inventer et les raconter mille fois mieux que moi - car je note bien que tu possèdes déjà beaucoup plus de ooks que moi. Mais moi, je voulais te raconter l'histoire de tes origines, l'histoire secrète, l'histoire cachée, l'histoire qui ne peut pas se dire..."

- Et cette histoire, tu la connais ? répliqua Rahoul, que son père commençait à agacer un peu.

- Oook non, malheureusement. Mais je sais où tu pourrais aller la chercher." répondit Esag.

- Comment ça ?" demanda Rahoul.

- Tu vois cet arbre, là-bas, derrière la colline ? Tu vois comment il dépasse les autres, comment il se tient debout face au vent et aux orages ?"

Rahoul suivit du regard la direction que son père lui indiquait ; et ses yeux tombèrent sur l'Arbre, le grand, le gigantesque, celui d'après lequel on avait nommé les autres arbres.

- Bin oui, je le vois. Je ne vois pas comment je pourrais ne pas le voir. Et alors, ton arbre, il a quoi de particulier ?" (Rahoul venait d'inventer la structure syntaxique propre à l'oral)

- Mmmh ? Oook, rien, rien..." répondit précipitamment Esag. "Je disais juste ça comme ça, oublie, ne t'en occupe pas..."

Ce qui était, tu en conviendras, le meilleur moyen pour attiser la curiosité de Rahoul - et Rahoul le savait, et ça l'agaçait un peu que son père lui fasse le coup, parce que c'était à chaque fois la même chose, et je fais semblant de te raconter une histoire, et je pars sur autre chose, et je dis que ce n'est pas intéressant. Tout ça pour le oook, comment déjà, le suspens, voilà.

Et son père était même capable de le faire attendre jusqu'à la semaine prochaine pour lui raconter la légende du grand arbre.

18.5.09

677 - Ce weekend


Je n'aurais pas pu passer mon lundi sans parler de ce ouikend, et en particulier du vendredi où j'ai débarqué à Monbazillac, un petit festival bon enfant pour les enfants blotti à l'entrée d'un château aux toits ambigus.

Il est possible qu'on m'ait trouvé un peu distant, voire carrément grossier ou timide (ce qui revient malheureusement au même) : les heures de boulot et de voiture s'étaient additionnées entre mes épaules, et j'avais perdu tous mes mots au fond de ma voix caverneuse.

J'avais encore des yeux, heureusement. Des yeux pour voir les livres - ceux de Fanny Millard ou Thierry Murat, tout comme les toiles de Helen Hill, m'ont fasciné un long moment ; des yeux pour voir les gens - les organisateurs aux petits soins dans une ambiance familiale et drôle, Tieri Briet de Où sont les enfants, qui m'a parlé d'Enfin Seule, dont la naissance est retardée depuis plus de trois ans, et qui devrait, inch'machin, paraître sous peu (à ma grande joie).

Des yeux, aussi, pour voir les pierres grises et les pierres blanches, le parc et les vignes, la colline qui boudait Bergerac ; la lumière du beau temps revenu ; et puis ces deux enfants qui jouaient par-dessus le vivier aux carpes, à la fois si drôles et si sages - comme des enfants. Nous avons parlé des carpes, de foot, de rugby. Et des enfants. Je me sentais à peu près de leur âge, pour tout dire - j'avais tendance à me retirer dehors un peu pour fuir les grands. Ca arrive, après tout.

L'un d'eux était un peu triste - son frère à lui était à l'hôpital, pour la seconde fois en quelques semaines.
Le soir, dans la chambre d'hôte (si belle qu'elle en était presque anglaise), j'ai retrouvé cet enfant, qui ne pouvait pas dormir. J'étais gêné de ne pouvoir que lui sourire, le plaindre, plutôt que de le prendre dans mes bras et le rassurer, lui dire que ce n'était rien, que tout allait bien se passer.

Je pensais à mes monstres à moi, j'aurais aimé qu'ils soient là.

Et finalement, ai-je pensé le lendemain (entre quelques pages d'écriture, deux-trois signatures et un concours de Pictionnary /attention nouveau lien !/ avec des illustrateurs professionnels), on ne peut mieux dire d'un salon de littérature jeunesse, sinon : j'y étais bien - j'aurais aimé que mes enfants soient là.

En tout cas, merci à tous : c'était vraiment un très chouette moment...

Samedi, j'ai rejoint un univers de grands, au salon du livre de Villeneuve-sur-Lot ; mais Emmanuelle Urien ou Frédérique Martin (à moins que ce ne soit Magali Duru ou Patricia Parry ?) en parleront sans doute bien mieux que moi-même...

15.5.09

676 - J'y serai


Où ? Bin, à Monbazillac, ce soir et demain. Si c'est Votrebazillac aussi, on s'y verra. Et il est également possible que je fasse un saut samedi et dimanche à Villeneuve sur Lot (Villeneuve d'Agen pour les intimes) pour y voir les Filles du noir en expédition spéciale...

Après une semaine de corrections à tout crin, fiesta (ma ouature) et fiesta (dédicaces et joyeusetés). Et hop.

14.5.09

675 - Elle a dit


"Toi, j'aimerais bien te voir en feu" (pas à moi, mais qu'importe ?)

Donc, le post est court.

12.5.09

674 - Mardi, je te raconte


Avec les mots, donc, était venue à Rahoul l'envie de découvrir ; l'envie d'aller voir ailleurs, si Lieu-que-je-découvre ressemblait à Lieu-que-je-connais.

Depuis son arbre, Vieux singe regardait Rahoul avec curiosité : quel était donc ce petit d'homme qui ne rêvait que de voyages, alors que de la nourriture, un abri et des semblables étaient toujours disponibles dans cet endroit où il avait grandi ?

Et Rahoul sentait bien que la curiosité de Vieux singe était aussi un reproche, qu'elle signifiait : "Pourquoi ne pas te contenter de ce que tu as, pourquoi ne pas faire comme les autres avant toi ?"

Ce qui, en langage de singe, se dit "Oook oook ook, ook ook".

Et Rahoul était partagé entre cette envie si forte d'aller donner des noms à d'autres arbres et l'impression d'abandonner l'arbre qui lui avait donné la vie.

"- Bin là, fiston, tu viens d'inventer le dilemme et le conflit de loyauté", dit une voix, quelques branches en-dessous de Rahoul.

Bon, les mots n'étaient pas bien en place, il y avait du ook-ook-ook dedans, et "conflit de loyauté" ressemblait un peu à "confit d'oie au blé" ; mais Rahoul reconnut cette voix.

"- Papa ? C'est toi ? Mais je croyais que tu avais disparu, dévoré par un tigre dans un des premiers épisodes !"

Le père de Rahoul - car c'était bien lui - haussa les épaules avec un petit sourire :

"- Faut croire que le tigre n'avait pas les dents assez dures..."

Sa peau de bête était pas mal déchirée, et il portait sur les jambes et les bras un certain nombre de griffures, mais il ajouta :

"- Pardonne-moi, j'ai un peu traîné en route, mais le gros minou insistait beaucoup pour que j'aille visiter son estomac ; et puis j'ai eu quelques trucs à faire en chemin."

Rahoul sautillait de joie sur place : son papa, c'était son papa ! Il allait rester avec lui, ils passeraient tout leur temps dans l'arbre à se raconter des histoires, à inventer des jeux, à faire des cabanes ; Rahoul s'amuserait, beaucoup plus qu'avec les Autres, et puis il serait protégé : près de son Papa qui avait survécu à un tigre, il ne risquait rien...

- Oupse là", intervint le Papa, "c'est-à-dire que non, pas vraiment, en fait. D'abord, rien ne prouve que je ne sois pas un simple fantôme, placé ici pour faciliter le début de ta propre histoire ; ensuite, même si j'existe vraiment, je ne pourrais pas toujours te suffire. Un jour, tu me trouveras vieux, un jour tu me trouveras moche, un jour tu me trouveras con ; et moi, peut-être que je me verrai trop laid dans tes yeux, et que je nous aimerai moins.
Et ce jour-là peut arriver dans longtemps, très longtemps ; mais il peut aussi arriver demain, tout à l'heure ; au premier instant où je te dirai bêtise (oook/ ook ! ook) quand tu voudras faire quelque chose, au premier instant où tu me diras je veux et où je te répondrai oooook (pas glop).
Ton envie est de partir, mon oook, de nommer toi-même ton monde ; et la seule chose que je puisse pour toi, c'est te raconter tout ce que je sais. Ce n'est pas facile, à cause des ooook dans ma voix ; mais je vais essayer. Allez, viens t'asseoir près de moi."

Et c'est ainsi que le père de Rahoul raconta sa première histoire.

11.5.09

673 - Reprenons nos esprits


Lundi, 10h36 : encore un peu entouré de nuit, néanmoins, et les pensées pataudes qui patinent.

Il y aura, il va y avoir des choses à faire - et peut-être même que je les ferai avec plaisir.

Il y aura des gens des mots des boulots du sourire ,

Il y aura quelques grâces et des jours sans soleil,

Il y aura des yeux perdus dans le vide,

Il y aura peut-être un soubresaut magique, ou,

Va savoir, une lumière certaine.



Bref, commence la semaine, commence,

Sans se douter de, sans en douter non plus,

Juste parce que, dès ce matin,

Le jour a bien voulu apparaître.

(Et il y a sans doute des sujets d'importance, des sentis d'effiloches méritant que l'on s'y penche,
Mais à quoi bon, à quoi bon faire,
Quand le jour de la lune réside sans luire,
Quand le jour qui revient ne dira pas un mot).

8.5.09

672 - Vendredi, it's the arts...


Pas d'interviou aujourd'hui - allez savoir pourquoi, tout le monde n'y répond pas. Mais un vernissage, celui de l'expo "Corps et graphie", avec les photos de Yannick Zofer (Yrf pour les intimes), les vues de V., les images de FabX.

Une approche du nu où l'oeil d'Yrf fait des merveilles.

C'est à Toulouse, bien évidemment, pas loin de la médiathèque Jojo Cannabis. On s'y voit ?

5.5.09

671 - Mardi, je te raconte


Or donc, Rahoul avait inventé le mot. Attention, pas le grognement, pas le cri du fond de la gorge qui pouvait signifier "Tigre à dents de sabre en vue, grimpe dans l'arbre !" aussi bien que "Rahaha fait suer, tu as encore déchiré ta peau de bête en jouant au jeu des hyènes !"? Non, le mot-mot, celui qui désigne une et une seule chose.

Tiens, le mot arbre, par exemple. Auparavant, Rahoul y grimpait y jouait y dormait s'y abritait ; ses mains connaissaient les différences entre cet arbre-ci et cet arbre-là, son ventre savait reconnaître lequel portait des fruits et lequel recelait des insectes croustillants ; mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, personne n'avait jamais pensé à appeler "arbre" indifféremment cet arbre-ci et cet arbre-là. Personne n'avait jamais pensé qu'utiliser une suite de sons définis pour désigner un ensemble essentiellement vertical et branchu pouvait servir à quelque chose.

Et pendant quelques temps, Rahoul lui-même n'aurait su dire à quoi servaient les mots. Les Autres, par exemple, étaient des autres ; à quoi bon les nommer Jean-Luc, Anne-Marie, Mowgli ou Chewbacca ?

Pourtant, Rahoul s'y amusait, dans son coin. Il avait remarqué que, dans les autres, il y avait des autres comme ci (grosso modo comme lui, à peu de choses près), et des autres comme ça (pas tout à fait pareil, mais quand même). Il décida de les appeler garçons et filles. Ca ne changeait pas grand-chose, parce qu'à l'époque, quand on jouait, des hyènes restaient des hyènes ; néanmoins, il s'aperçut vite que certains Autres garçons et certaines Autres filles étaient souvent plus sympathiques avec lui, qu'il avait plus de plaisir à les retrouver que les autres Autres. Rahoul venait d'inventer les Amis.

Mais n'anticipons pas. Car avec les mots, Rahoul avait senti naître en lui une idée étrange. Comme si une voix dans sa tête disait : puisque cet arbre-ci est essentiellement semblable à cet arbre-là, et pourtant différent, y a-t-il d'autres arbres que je ne connais pas encore et qui mériteraient le nom d'arbres sans pour autant être les mêmes arbres ?

Je te rassure, ça ne venait pas aussi vite : ça poussait doucement, comme un arbre justement (Rahoul venait d'inventer l'analogie, comme ça, sans même y faire attention). Mais il y avait déjà dans la tête de Rahoul l'idée que les autres arbres, ceux qu'il ne connaissais pas encore, pouvait valoir le coup d'oeil.

4.5.09

670 - Lundi, on écoute


Non, on n'écoute pas, justement. On n'écoute pas ce reste de week-end chargé, de gris dans les yeux, de à-quoi-bon et tout ça. Je veux dire, on pourrait l'écouter, mais on sait d'expérience que cela ne dira rien de vraiment plus intéressant.

En revanche, j'en profite pour parler de mes nuits. Qui sont fiévreuses, je vous l'avoue, à force de fréquenter des écrivains. Ainsi, j'ai récemment eu une liaison magnétique avec le dernier livre de Fred Vargas, qui m'a tenu en éveil jusqu'à l'aube. Et retrouvé du coup le plaisir de lire malgré la fatigue, malgré le demain matin.

J'ai enchaîne par un gros poche dont la couverture floue m'avait tapé dans l'oeil : c'est ainsi que j'ai découvert, avec plein de retard mais m'en fous, Haruki Murakami. J'ai passé quelques jours à marcher dans Tokyo, sur les pas d'un étudiant étrangement calme, à remarquer avec lui l'odeur des fleurs et la couleur des feuilles pendant que l'impossible amour luttait pour exister. Ca s'appelle La ballade de l'impossible, et c'est tout simplement un merveilleux roman.

Quoi ça ? Tout le monde connaît déjà Vargas et Murakami, et en plus j'en parle avec le talent d'un journaliste de Midi-Olympique traitant de primitifs hollandais ? Oh hé, je sais bin. Mais je ne suis pas critique littéraire, moi. Je ne suis même pas critique.

D'ailleurs, à qui ça servirait, que je le sois ? Si je devais parler des autres livres qui m'ont plu récemment, ce post se mettrait à publier le copinage à plein nez.

Parce que, tiens, par exemple, Nuageux à serein, de Patrick Dupuys : comment voudriez-vous que j'en dise quelque chose, alors que je connais et que j'aime Patrick, et qu'il est un des membres fondateurs des géniales éditions Quadratures from Belgique, qui publient plein de gens que j'aime et que j'admire ? Sans compter que j'ai aussi rencontré son éditeur, Luce Wilquin, et qu'un auteur ne doit jamais dire du mal d'un éditeur, surtout quand il en pense énormément de bien.

Impossible, donc, de vous parler de ce recueil de nouvelles - imparfaites, légères, mélancoliques, boîteuses à souhait, tendres, drôles, comme nous, comme l'humain, comme l'amour ; elles parlent des grandes séparations et des petites blessures, du temps qui passe comme la silhouette d'une femme sur laquelle nous aimerions nous retourner. Impossible de vous dire ce que ces nouvelles ont de masculin - elles parlent de nous les hommes, nous grands enfants adolescents vieillards qui ne réussiront jamais à être tout à fait celui que nous voudrions nous voir devenir, nous autres les bavards les hâbleurs les maladroits les pleins d'illusion encore, nous les faiseurs d'histoire, nous qui nous cachons parfois pour respirer l'odeur d'une fleur, surtout quand elle est bleue.

Impossible, tout autant, de vous parler de l'écriture féminine d'Anne-Christine Tinel : je l'ai croisée au salon de Balma, où nous avons sympathisé ; qui plus est, elle détient sur mon lourd passé d'enseignant des éléments compromettants à l'extrême. Son roman, Tunis, par hasard, paru chez Elyzad, raconte l'exil d'une mère blessé vers la capitale tunisienne. Je ne dirai donc pas que son sens du détail, de l'émerveillement, me rappelle Murakami ; que les tranquilles tourments de son personnage coulent dans une langue ciselée et fiévreuse ; que ce qu'elle dit des femmes, de la Méditerrannée, du voyage, de la rencontre de l'autre et de soi-même, éclaire des ombres qui parfois m'effraient. Non, je ne dirai rien de tout ça - serais-je vraiment crédible en parlant de la beauté de son roman ?

Enfin, je ne terminerai pas en parlant d'un manuscrit encore inédit que j'ai eu la chance de lire ; son auteur est en effet le Rodophe Artaud des CMR, qui en plus d'être un ami, est mon voisin d'en face, que je peux voir à l'instant même depuis ma fenêtre couper ses rosiers en costume-cravate. Plus copinage, on ne fait pas. Il est donc inutile que je vous dise que son roman Credo ou le goût du sel raconte les aventures d'un rationaliste à tout crin devenu guérisseur-gourou (plus précisément sodopathe-anusologue) par la force du hasard (voire de l'amour, on ne sait jamais) ; que les analyses mathématiques érudites y côtoient les jeux de mots les plus oulipiens, que l'enchaînement des circonstances, des personnages et des genres, tout en me rappelant à la fois Le nom de la rose et les premiers romans de Pennac, me surprennent par leur innovation radicale, et, surtout, me font rire. Et que si j'étais éditeur...

Bref, le copinage fait des ravages : j'ai lu de belles choses, et je ne peux pas en parler, car j'aime leurs auteurs.

Font chier, ces auteurs.
Mais je vous mets quand même quelques liens pour les textes, des fois que.

2.5.09

669 - Industrie lourde


Après Emmanuelle Urien, c'est au tour de Cyrille Pomès, auteur du très beau Chemins de fer (Emmanuel Proust) paru il y a quelques semaines, de répondre aux questions de l'inteview DTB.



Dans ton blog industrie lourde : Quels sont les produits et services que propose votre société ?

Ma société met à disposition, moyennant finance, une farandole de prestations graphiques et littéraires, aussi bien de manière dissociative que complémentaire.


Dans ton blog industrie lourde : Votre société emploie combien de personnes ?

Mes effectifs sont réduits au strict minimum, ce qui évite des débats superflus tant sur le plan créatif que rétributaire.


Dans ton blog (industrie lourde) : Comment se compose votre flotte actuelle, et avez-vous des appareils en commande ?

Ma flotte actuelle navigue à vue, les intempéries les plus dissuasives étant le premier argument pour quitter terre.

Les appareils en commande se multiplient en dépit de leurs promesses à court terme d’une quelconque récompense (ça devient obsessionnel ces histoires de thune, à croire que l’échéance d’un prochain loyer se fait pressante...)


DTB : Quels sont vos fournisseurs actuels, et pourquoi les avoir choisis ?

La liste de mes fournisseurs actuels se composent essentiellement de prestataires sérieux, ambitieux et motivés, qui de ma part n’en attendent pas moins.

Quant à partir du fait que je les ai choisis, pourquoi l’inverse ne serait-il pas envisageable, grands Dieux ?


DTB : D’où vient la majorité de vos clients ?

Des classes moyennes pour la plupart ; ils semblent avoir trouvé au travers de mes prestations l’étendard de leurs aspirations inavouées.

Il faut dire qu’ils faisaient au préalable partie d’un plan marquetting précis et déterminé élaboré par mon service com’.


DTB : Quel impact a votre FBO (fixed base of operation) sur votre entreprise ?

Tout dépend de la volonté et de la fréquence de renouvellement du cadre de travail. L’aile du bâtiment A, au même titre que le self, ont été entièrement redécorés pour les fêtes, ce qui n’a pas manqué d’insuffler une nouvelle dynamique de travail au sein de l’entreprise.


DTB : comment envisagez-vous le développement de votre entreprise à l’heure actuelle, à l’intérieur du marché, et en particulier en cette période de crise ?

La « crise » n’est pas de ces concepts qui circulent dans les couloirs de la boîte ; à ce type d’invention technocratique morose nous préférons ici débattre « productivité », « prise d’altitude économique », « Europe ».


DTB : Quelles sont les prévisions pour le marché cette année ?

On va tous les niquer.

1.5.09

668 - Premiers mais


Oui, oui, je sais, je néglige ce blog, je vous néglige. Mais.

Mais une pluie fine d'hélicoptères s'abat sur nos têtes, et je parcours le net toute la journée à la recherche de goujons de fixation en titane pour boîte d'engrenages, mais il fait un temps de chien en ce vendredi pour le concert de la Teigne, mais mes nuits, que je brûle de vous raconter, sont peuplées de lectures fiévreuses, mais je décide ne pas publier aujourd'hui d'interview DTB pour cause de fête du Travail.

Il fait un jour entre gris pâle et gris massif, entre envie et pas envie, entre y croire et renoncer, entre espérer et craindre ; une journée mu, comme on dirait en bouddhisme appliqué.

Oui mais alors tant qu'à faire, autant que ce soit un mu gai.





Ah ben oui fallait que je la fasse.

Travailleurs de tous les pays, faites-vous une sieste. Câline, si possible.