17.2.09

603 - Mardi, je te raconte


Ton histoire a commencé, je crois que je te l'ai dit, dans une voiture. Sauf que je ne sais plus laquelle.

Il y avait la ZX dont j'avais rêvé (à l'époque je rêvais de voitures rapides quoique familiales - et celle-là était d'autant plus familiale que tes deux grands-pères en avaient une aussi). Dans celle-là, je me suis arrêté sur le bord du chemin pour hurler ta venue au monde,

et quelques années plus tard, un matin trop rapide, je l'ai finie contre un camion.

Tu vois, mon ange, quand je pense aux voitures, je pense aussi aux disputes que nous avions ta mère et moi - souvent dans les voitures, ça commençait comme ça :

Tu me fais chier.

Tu me fais chier aussi.

C’est toujours la même chose, avec toi.

Avec toi aussi.

1. Le dialogue est essentiel

Ça commencerait sur une route de montagne, à l’intérieur d’une petite voiture. Un modèle à essence, boîte à quatre rapports, du genre de celles qu’un grand-père offre à ses petits enfants étudiants - à la fois pour leur faire plaisir et parce qu’il ne peut plus la conduire.

Troisième. Deuxième. Accélérer. Troisième.

L’un de nous dirait, d’une voix qui se veut neutre

une voix : Tu roules vite

l'autre voix : Je connais la route par cœur.

une voix : Ça tourne beaucoup. On n’est pas pressés.

l'aurte voix : J’ai dit qu’on arriverait vers cinq heures. Et puis je déteste me traîner… elle marche bien, cette voiture.

Deuxième. Freinage. Accélération. Troisième.

une voix : Ton grand-père sera content de nous voir.

l'autre voix : Oui.

Nous n’aurions pas grand-chose à nous dire, dans cet habitacle.

Et puis il y aurait cette petite phrase,

une voix : On s’arrête prendre un café ?

l'autre voix : Ici ?

une voix : Il y a un genre de buvette, là…

l'autre voix : Tu veux t’arrêter dans un endroit comme ça ?

une voix : Pas toi ?

l'autre voix : Trop tard. On ne va pas faire demi-tour maintenant, si ? On sera arrivés dans moins d’une heure. Tu auras ton café, il sera meilleur.

une voix : Ce n’est pas le café qui m’intéresse.

l'autre voix : Tu viens de dire le contraire.

une voix : Je voulais simplement qu’on s’arrête. Qu’on soit ensemble.

l'autre voix : On n’est pas ensemble, là ?

On secouerait la tête.

une voix : Tu fais la gueule ?

l'autre voix : Non.

une voix : On dirait que si, à ta voix.

l'autre voix : Si tu insistes, je vais faire la gueule.


Le soleil se coucherait déjà derrière les montagnes. A moins qu’il ne passe derrière un nuage.

une voix : Tout ça pour un café. Parce que pour une fois, on n’a pas les mêmes envies au même moment. Ça peut arriver, non ?

l'autre voix : Ça arrive. Tout le temps.

une voix : Tu exagères.



Tu vois à quoi ça ressemblait ? Pas des disputes, vraiment (même si les mots étaient durs). Des petits moments de disgrâce, des moments où l'un n'arrivait pas à écouter l'autre - ou à s'écouter lui-même.

Ton histoire, je le crains, commence par une dispute. Tu as été conçu en mai, dans ma chambre d'enfant - et ta mère et moi nous réconcilions après une scène que j'ai oubliée, mais pendant laquelle, j'en suis sûr, nous avions parlé de nous séparer.
Tu étais tout l'amour en nous qui se battait pour sortir

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