29.2.08

Vous prendrez bien un peu de métaphysique au cannabols ?

Pff, petite forme, moi... Je fais plein de trucs à la fois, parfois je me désorganise. Mais j'ai quelques trucs pour éviter ça. Je vous en parlerai une autre fois.

En attendant, c'est un échange avec Deizlevr, une nouvelle venue du blog, qui me faisait réfléchir à des machins.

Par exemple à ça :


Le monde est ma représentation. — Cette proposition est une vérité pour tout être vivant et pensant, bien que, chez l’homme seul, elle arrive à se transformer en connaissance abstraite et réfléchie. Dès qu’il est capable de l’amener à cet état, on peut dire que l’esprit philosophique est né en lui. Il possède alors l’entière certitude de ne connaître ni un soleil ni une terre, mais seulement un œil qui voit ce soleil, une main qui touche cette terre ; il sait, en un mot, que le monde dont il est entouré n’existe que comme représentation, dans son rapport avec un être percevant, qui est l’homme lui-même. (...)
Aucune vérité n’est donc plus certaine, plus absolue, plus évidente que celle-ci : tout ce qui existe existe pour la pensée, c’est-à-dire, l’univers entier n’est objet qu’à l’égard d’un sujet, perception que par rapport à un esprit percevant, en un mot, il est pure représentation.


Bon, c'est pas de moi, c'est du Schopenhauer (je ne me rappelle plus ce qu'il fait dans la chanson des philosophes, attendez je vérifie... ah, si, David Hume could outconsume him and Hegel)

J'aurais tendance à souscrire cette opinionsi je n'avais lu le Lila de Robert Pirsig (p'tain, toujours pas trouvé d'éditeur français pour ma traduction, superzut) qui voit en l'interaction du sujet et de l'objet (qu'il appelle Qualité) l'expérience fondamentale du monde. Si tu te brûles le cul en t'asseyant sur un poêle, explique-t-il, il est faux de dire qu'en tant que sujet tu as une expérience du monde qui va t'amener à réagir (genre, rhhaaa p'tin c'est chaud, quoi je fais, je bouge ou je reste ?) ; la brûlure, lieu d'interaction entre toi et le monde, est l'expérience fondamentale. Elle n'existe pas "que pour la pensée", comme le prétend Arthur, mais aussi pour ton futal (ou ton caleçon si tu es imprudent. Aussi, tu ne peux pas faire gaffe quand tu t'assoies ? ), voire pour le poêle. A cause des lambeaux de chair qui donnent une odeur particulière.

Quoi qu'il en soit, ces deux considérations métaphysiques ont une même conclusion : la relativisation de la morale.
Bin oui, parce que si tout est dans ta tête (ou le cas échéant dans ton cul), le Bien et le Mal, c'est ce que tu décides, non ? Troublant.
C'est ce qu'expérimente un personnage des Buddenbrock de Thomas Mann lorsque, au milieu d'une vie bourgeoise parfaitement réglée, la lecture de Schopenhauer l'amène à comprendre qu'il ne fait que reproduire un comportement hérité, alors même qu'il croit dur comme fer qu'il agit pour le Bien absolu.
C'est ce que n'expérimente pas, disons, un homme politique persuadé qu'il a raison, que ses idées (et celles dont il a hérité) sont les bonnes, qu'il agit pour les bien des autres (ces pauvres cons qui ne s'en rendent même pas compte) ou d'une entité supérieure définie comme idéal (La FFFffrance, la Lllliberté, la SSsssécurité, Dieu...)

Mais, me direz-vous, si y'a pas de bien pas de mal, si les entités soi-disant supérieures
ne sont qu'une hiérarchie que je me crée ou dont j'ai hérité, je fais quoi, alors ? Je laisse tout tomber et je pars faire l'amour à des chèvres par les matins de rosée ?

C'est là que la "métaphysique de la Qualité" de Pirsig me semble intéressante, quand elle pose pour idéal la Qualité dynamique, c'est-à-dire l'évolution, le changement - celui-ci étant toujours "moral" s'il respecte la hiérachie entre le matériel, le biologique, le social et l'intellectuel.

Exemple-type : tu es malade. Dans la représentation de Pirsig, il y a un conflit entre deux représentations du monde : celle des microbes, qui ont pour but de se développer, et la tienne, qui cherche à préserver son intégrité. Or, au fond, pourquoi choisir l'un plutôt que l'autre ? Tous deux sont des entités biologiques qui cherchent à se développer, et en ont parfaitement le droit.

La réponse des gens moins extrêmistes est grosso modo : je suis socialement et intellectuellement au-dessus d'un microbe, donc j'ai le droit et le devoir moral de m'en défendre, le personnel étant plus important que le biologique. Je peux même m'en servir - me faire vacciner, par exemple... A condition de connaître l'existence et le fonctionnement des microbes, évidemment.
(Mais je peux aussi me tromper, et me défendre de façon anormale face à une sollicitation normale : si tu es allergique aux fraises, par exemple. Merde, une fraise, c'est normal, non ? Ou bien encore, développer une attitude hygiéniste extrême, en me protégeant de toute sollicitation potentiellement dangereuse. C'est l'exemple du type qui ne sort pas de chez lui ou s'enferme dans ses habitudes pour fuir le changement).

Il en va de même pour le personnel et le social : lois, devoirs et droits gèrent leurs interactions. Le corps social réagit au fond, face aux sollicitations individuelles, comme un organisme réagit face à des stimuli extérieurs : il s'adapte, se protège, ou les inclut pour se construire et se modifier.
Mais, pour une société, où commence le danger ? La France interdit le cannabis ; les Pays-Bas, une autre région d'Europe, lui accordent un espace réglementé. Les deux le considèrent comme un élément potentiellement modificateur ; l'une le rejette, l'autre l'intègre.

Oh, vous pensez que je prêche pour la légalisation ? Loin de moi cette idée. En fait, je m'en tape. Je pourrais prendre l'exemple de l'Occitan (éliminé comme une mauvaise herbe, alors que le Catalan a résisté), du PACS, de la dépénalisation du droit des affaires, des pédophiles (choquant, non ? mais une certaine loi est dans l'air qui cherche à nier leur statut d'individus et de citoyens - à ce propos, l'édito de Philippe Val dans Charlie Hebdo de cette semaine, sur le rapport entre Guy Môquet et les lois Dati m'a semblé excellent), des artistes, ça fonctionne pareil : l'essentiel est dans l'interaction entre l'individu et la société. Où est la morale ?

Pour Pirsig, la réponse est dans la dynamique : ce qui fait évoluer est "bon" (à défaut de meilleur terme), ce qui se replie est mauvais : évoluer, c'est inclure ; exclure, c'est se couper d'une source potentielle de changement.

Qu'est-ce qui est mieux pour une société et ses membres ? Exclure les "déviants" (enfermer les pédophiles dans des mouroirs hospitalisés) ou les comprendre et leur définir une place (peine de prison, traitements psychiatriques adaptés, mais aussi questionnement sur la pédophilie - ultime péché pourquoi, et depuis quand ? - et instruction des victimes potentielles) ?

Pour Pirsig encore, l'intellectuel est un niveau "supérieur" au social, en cela qu'il permet de l'organiser

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