9.12.10

903. Une brève histoire de l'édition


1) Il s'appelait JF

Il fut mon premier éditeur. Chaud, rassurant, enthousiaste. Il me promettait merveilles et monts, voiture de rêve, nouvelle vie.
Au bout de quelques mois d'un Petit guide qui ne décollait pas, il brûla lui-même les derniers exemplaires restants, pour ne pas qu'ils tombent entre les mains de ses créanciers.
Je ne lui en voulus pas. Je le tuai simplement - un matin froid, du côté de Lille, une voiture l'a renversé et laissé pour mort sur le trottoir. On ne retrouva jamais le conducteur.

2) Elle s'appelait LN

C'était une femme double, complexe, entre féminisme militant et rêves de petite fille. Elle aimait mon style, j'étais fou de son corps et de son caractère.
D'imprimerie, bien entendu.
Elle me soutint longtemps, un peu comme une mère, guidant par ici, reprenant par là.
Puis je me mis à écrire des histoires féroces, et elle m'aima moins. Je m'écartai d'elle, décidé à la laisser vivre.
Cet accident qui lui est arrivé n'est pas de ma faute. En tout cas, on ne peut pas me le reprocher.

3) Il s'appelait PA

C'était un homme de chiffres ; sa fine moustache frémissait dès que les comptes passaient dans le rouge, et son oeil rond s'allumait d'étincelles lubriques dès qu'un auteur un peu sexy, un peu osé, passait près de ses griffes.
Il m'édita, je le confesse, avec ferveur et inspiration. Je ne lui en voulus même pas lorsque je me rendis compte qu'il détournait les millions d'euros de droits d'auteur qui provenaient de la vente de mes livres. Je ne lui en voulus pas lorsqu'il me refusa un manuscrit au prétexte qu'il était trop bon.
A l'image de la scène du parrain, je me contentai de déposer dans ses draps de satin rouge une tête de cheval (seulement métaphorique ; n'ayant aucun équidé sous la main, je déposai le crâne d'une petite fille qui avait croisé mon chemin). Il comprit le message et se prépara à publier mes extraordinaires nouvelles.
Las, la mort le faucha précisément à cette époque, incarnée, selon les enquêtes, par un autostoppeur qu'il eut le tort de ne pas laisser sur le bord de la route.

4) Barbe-bleue

Tu seras donc le quatrième. Je te confierai mes clés.
Malheur à toi si tu t'en sers.

5) Provocation

A l'heure même où j'écrivais ces lignes, je recevais un mail d'un éditeur, refusant un superbe recueil de nouvelles à quatre mains.

Très bien. J'ai voulu être gentil jusqu'à présent, on me montre que j'ai eu tort. Vous l'aurez voulu. Je vais m'en prendre à Emmanuelle Urien.

Je préviens : à côté de moi, Wrath est une baba-cool fumeuse de chèvres qui milite pour la paix dans le milieu de l'édition.

Aucun commentaire: