Inspir, expir.
Inspir, expir.
Zen.
Le coeur bat comme un gosse.
C'est allé vite. Beaucoup plus vite que je ne le pensais.
Ils m'ont appelé ce matin - la principale m'a lue la lettre des parents d'élèves.
Démagogie. Déconstruction. Anarchie.
Pas de programme. Improvisation.
Voix métallique dans le téléphone. Inquiétude. Gentillesse, tout de même.
Hier, les élèves ont testé leurs capacités à se situer dans l'espace, dans le temps, dans un cours. Il a été question de niveau sonore, de prise de parole, de liberté, de démocratie.
J'ai essayé de les amener doucement à des idées littéraires, à des projets qu'ils formuleraient eux-mêmes.
Ca a très bien marché : ce matin, le rectorat veut examiner d'urgence ma demande de démission.
Jusqu'où va la liberté d'un prof ? Suis-je réellement en train de me moquer d'eux, ou est-ce que pour la première fois de ma carrière d'enseignant, je tente une expérimentation pédagogique pour que les élèves construisent eux-mêmes leur savoir ?
Je me heurte aux "il faut" ; je me laisse flatter par cette phrase entendue hier, en partant du collège, "Lui, c'est le meilleur prof du monde".
Elle appelle aussi la phrase "C'est le pire enseignant que l'on connaisse".
Je ne pense pas au Cercle des poètes disparus.
L'inquiétude du futur trace son sillon dans mon ventre - pour une moisson à venir ?
Je ne dois pas détester déranger autant que je le crois.
Un jour, je raconterai comment, il y a quelques mois, je suis allé au rectorat, confier mes inquiétudes, mes questions sur le rôle de prof, les possibilités qui s'ouvraient à moi - et comment l'entrevue, dans un bureau sous les toits, n'a rien donné. Ah bin non on ne sait pas. C'est à vous de voir.
Je suis venu. J'ai vu.
Je ne suis pas encore certain qu'il y ait de vaincu, ni de victoire.
De quel combat parlions-nous ?
Je peux enseigner à écouter, à regarder, à lire. Je peux enseigner à écrire, à poser les bases d'une pensée. À distinguer des saillies dans la masse d'informations et de stimuli que les adolescents reçoivent chaque jour (infiniment plus nombreux que ceux que j'ai pu recevoir à leur âge). Je peux enseigner l'amour des livres et des mots.
Et pourtant mes jambes tremblent un peu, dans ma posture.
Inspir. Expir.
Apprécier l'instant.
Maman, j'ai peur d'aller à l'école. Mon cartable est trop lourd, les autres sont méchants, je m'accroche à mon enfance en la bourrant de coups de poing.
Je me sens parfois capable d'enseigner le doute à une montagne.
Est-ce que je faillis à ma mission, ou est-ce que je tente de la porter au plus loin ?
Inspir. Expir.
Une belle journée commence.
Illus : Quelqu'un écrit, ep
6 commentaires:
Si jamais tu l'écris un jour, cette satanée lettre, ce n'eat pas toi qui aura quitté l'enseignement, c'est l'enseignement qui t'aura quitté, avec ses structures idiotes, inadaptées, castratrices et dépassées. C'est toi qui es dans le coup.
Toujours plus juste,et plus précis.déjà tant de choses!
Sourir:O cap'tain my cap'tain.
Le meilleur prof du collège, ça c'est du solide et du tangible. Pour le reste nous essayons tous de faire la peau à la gorgone, avec nos petits muscles et notre immense naiveté. Bravo pour le courage, courage pour la suite. BIZ
C'est dur de ne pas s'adapter, Manu. Il faut du courage et aussi de l'inconscience et une bonne dose de... je ne sais trop comment le nommer. Mais c'est dur, ça on ne peut pas le nier.
je comprends tout ceci... je le partage aussi... et si de mon côté, je compose (dois-je écrire "avec lâcheté"?!), je tente malgré tout de rester fidèle à moi-même... c'est justement pour qu'Ils me foutent la paix et me laissent tranquillement nourrir avec "mes" élèves ces relations qui n'appartiennent qu'à nous (pas très politiquement correct ce que je viens d'écrire là!!!)...
Parce que "sortir du moule", c'est pas compatible, et que "sortir du moule" ne se conjugue pas avec "enseigner dans l'EducNat"... Mais tu auras essayé (et même réveillé "tes" élèves!), convaincu mais dubitatif, fidèle à tes idéaux (ou presque) et ce mot d'élève est à mes yeux toutes les plus belles récompenses du monde! courage! fuyons! ;)
Chèr Mr. Plisson,
Vous nous manquez tous, franchement ! En plus notre nouvelle prof est vraiment... Comment dire, "inintéressante" ! Revenez ! Je vous en prie ! Vous nous manquez . Et c'est vrai, oui, vous êtes le meilleur prof au monde ! =) ! J'apprécie vraiment le fait que vous nous faites des cours dans lequel on construit nous même notre savoir . Vous n'êtes pas comme les autres profs, vous êtes différent . Vous nous comprenez, vous nous ressemblez. (en plus vous faites de la musique & de l'art! Et bien en plus) Tout comme nous (moi)
Vous avez franchment eu beaucoup de courage pour vous lancer dans ce "combat" contre nous les élèves, malqrès tous ce qu'on vous avez fait subir, on fond on le regrette, on vous regrette .
A bientôt . ( J'espère )
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