16.11.09

769 - Il faut que je fais

Il faut que je fais une préface pour la réédition du premier recueil de nouvelles d'Emmanuelle Urien, Court noir sans sucre, à paraître chez les belgiens de Quadrature en février (je crois).

Pas facile. D'autant plus que les élèves ne me laissent pas beaucoup de temps. Depuis ce matin, ils me parlent de tout - de leur vie, de la violence, du travail, des notes, de la sexualité, des pétards, de musique, de projets... C'est peut-être depuis que je leur ai annoncé, ce matin, que je comptais partir prochainement, malgré l'envie pressante de m'sieur le recteur de me voir continuer les cours au moins jusqu'à septembre.
Enrichissant, comme expérience.

Mais revenons-en à Emmanuelle Urien et à sa préface.

Je connais bien Emmanuelle Urien.
Elle est noire, parfois. Tragique, même.
Sa respiration...

Non, ça ne marche pas.

Je connais un peu ses nouvelles. Elles me font pleurer.
Je pleure pour Mélanie Bix, et pour cette infirmière qui l'accompagne et attire nos coeurs vers elle ; je pleurerais, aussi, ne serait-ce la colère, pour cette autre infirmière qui tient entre ses mains le pouvoir de justice, le droit - ou le devoir ? - de remettre de l'ordre, du sens dans un monde dévoré par la guerre et les mouches.
J'ai pleuré pour cet homme qui ne rentrera jamais de guerre.
J'ai souri des larmes tristes pour ce chauffeur de taxi magnifique, qui offre son coeur à tous ses passagers, j'ai...

Non, ça ne marche pas.


Personne ne peut lire Emmanuelle Urien sans mourir - au moins une petite fois.

Mourir avec Mélanie Bix, avec son infirmière ; avec cette autre infirmière, perdue dans les guerres Rwandaises ; avec Tonio, ce chauffeur de taxi qui fait admirer le monde.

Mourir, encore, à regarder une boîte qui contient la promesse inutile d'un monde.

Personne ne peut lire Court, noir, sans sucre, sans aimer - au moins une grande fois.

Aimer la douce humanité, la cruauté tendre qui s'évapore de chaque nouvelle. Aimer croire, vouloir encore même quand la fin a sonné - nous a sonnés.

Chaque histoire de ce recueil est un combat - un combat contre une conteuse redoutable, dangereuse par sa douceur même, sa douceur aigüe et amère ; un combat contre une narration qui vous tient à distance, danse devant vos yeux, avant de vous asséner le coup de grâce.

Si les gens de Quadratures rééditent ce livre, ce n'est pas seulement qu'une solide histoire d'amitié les lient depuis le deuxième recueil d'Emmanuelle, Toute humanité mise à part ; c'est aussi pour poursuivre le travail que, depuis X ans, ils accomplissent sur la nouvelle, ce genre si particulier, entre poésie, court métrage, théâtre et roman - ce genre qui, selon H. Kirnell, "mieux que tout autre restitue les bribes de nos âme et l'étrangeté de nos vies".

Depuis ce recueil, écrit entre 2003 et 2006, Emmanuelle Urien a écrit d'autres nouvelles ainsi que des romans,
chansons et pièces de théâtre ; elle chante, danse et peint, en artiste marathonienne qui ne s'est donné qu'un objectif : écrire pour nous dire.



Ca pourrait faire, je crois.

4 commentaires:

EmmaBovary a dit…

Je confirme: ça le fait! (et en plus c'est bôôô...)

Anonyme a dit…

Tres belle préface pour un très beau recueil ...
PS Pourrais je avoir une bibliographie des ouvrages de H .Kirnel ? (et éventuellement une biographie du même) :Mon arrière petit fils est passionné par cet auteur prolixe MAIS trop peu connu ...et je souhaiterais l'étonner par mon savoir .
merci de votre aide cher Manu Causse ( peut être est ce aussi votre arrière grand mère - était elle une personne fiable ?-qui vous fit découvrir H.Kirniel ?)

Oh!91 a dit…

Putain ! Faut absolument avoir écrit un livre, pour que tu nous fasses une préface, ou bien ?...

Manu Causse a dit…

>Emma Bovary : uh, uh, uh... J'espère qu'elle sera contente.

>Anonyme : Hectore Kirnell a écrit, entre autres, El sonrisa de la lluvia (non traduit pour l'instant) et des nouvelles en espagnol (Uruguay, je crois). J'ai égaré mon exemplaire il y a bien longtemps, mais je fouille sur Internet pour vous en dire davantage.

> Pourquoi, tu veux une préface ?