8.7.09

710 - Manu Causse contre les fournisseurs d'accès


Toulouse, le 8 juillet 2009

Madame Free, Monsieur F...,


C’est toujours difficile de se séparer, personne ne le conteste. Les rancoeurs, les coups bas, les vieilles histoires qui remontent, tout ça est un cliché. Sans parler de l’argent, bien sûr.


Pourtant, vous et moi étions si heureux ensemble.


J’ai été votre fidèle abonné pendant quoi, 5 ans ? Je vous ai loué un modem, et vous m’avez fourni du réseau, des chaînes télévisées, bref, une ouverture sur le monde…


En septembre dernier, j’ai déménagé pour aller vivre avec quelqu’un d’autre. Une femme. Elle était abonnée à Free, comme moi ; c’est ce que je lui avais conseillé, quand elle avait pris son propre abonnement. Puis nous avons décidé de vivre ensemble.


Et c’est là que les ennuis ont commencé. Nous aurions aimé conserver chez vous un abonnement, et peut-être même ce superbe modem HD dont elle disposait ; mais au téléphone, vos techniciens se sont montrés inflexibles : il fallait résilier, renvoyer, réinscrire, recommencer. Le tout en faisant ouvrir une ligne F.. Télécom, votre grande rivale.


Nous étions faibles, démunis, face à tous les changements et dépenses qu’occasionnait notre emménagement. Nous étions faibles, et nous avons cédé à l’appel des sirènes de la concurrence – qui nous remboursait ceci, nous faisait cadeau de cela… tandis qu’au téléphone, vos conseillers encore nous faisaient la leçon, la voix pleine de mépris.

La mort dans l’âme, nous avons tous deux résilié notre abonnement F... – exactement comme le demandait votre site, en deux temps : LRAR de résiliation, colis AR pour les modems.


Et nous avons attendu.


Je ne vous cacherai pas que nos nouveaux fournisseurs, Monsieur et Madame O..., ont été loin de tenir leurs promesses, et que plus d’une fois nous vous avons regretté. Aussi, quand j’ai reçu la confirmation de ma résiliation, j’ai écrasé une larme, et je me suis débarrassé des papiers qui me rappelaient notre engagement passé – je suis parfois faible, vous dis-je, aussi je préférais ne garder aucune trace de nous.


Et le temps est passé.


La semaine dernière, en jetant un coup d’œil à mes comptes bancaires, je me suis rendu compte que vous ne m’aviez pas oublié. Vous avez prélevé 190 €, avec comme ligne d’excuse le mot « modem ».


190 euros. Huit mois après notre séparation.


J’ai fouillé dans mes documents, mais j’ai dû me rendre à l’évidence : vous n’avez jamais renvoyé l’accusé de réception de mon modem. Et, pour mon malheur, je n’ai pas conservé la preuve de dépôt. Que voulez-vous, je vous faisais encore confiance…

Bien sûr, j’ai envisagé la possibilité que vous n’ayez pas reçu ledit modem – j’avais fait le colis moi-même, avec amour. Mais alors, pourquoi n’ai-je reçu aucune demande d’explication, aucune mise en garde, aucune injonction à payer ? Plus encore, la femme avec qui je partage désormais un abonnement Internet s’est rendu compte qu’elle était dans le même cas : aucun accusé de réception, aucune trace de son colis ! Et sur les forums d’Internet, le nombre de plaintes s’élevant contre ce genre de pratiques est loin d’être négligeable ; notre bureau de poste, lui aussi, nous a confié qu’il n’en était pas à son premier cas.


En d’autres termes, malgré tout ce qui nous a unis, Madame ou Monsieur F..., j’ai la nette impression que vous avez décidé de ne pas être totalement honnête dans cette transaction. Je pense à mon colis, abandonné dans une boîte postale à Longjumeau (Longjumeau ! Le pauvre !) – une boîte postale dont vous n’allez jamais relever les compteurs, que vous laissez à elle-même, remplie à ras bord de modems usagés.

Je pense à ces conditions drastiques que vous imposez à ceux qui vous quittent – de votre côté, vous avez la liberté de ne pas répondre aux LRAR, et celle de prélever sans avertissement des comptes bancaires ; du nôtre, nous n’avons que quinze jours pour contester, nous devons apporter des preuves de tout ce que nous avons fait ou dit ou pensé…


Et je dois avouer, Madame ou Monsieur F..., que je suis en colère. Que j’ai dans la tête des actes, sinon de violence, du moins de vengeance.


Inonder Internet de messages dénonçant votre comportement ; porter plainte auprès du médiateur de la République et autres instances concernées (ou non), signaler mon cas à la Poste, dont en refusant de signer les LRAR vous dévoyez la mission, aux associations de consommateurs… voilà à quoi je rêve, parfois, le soir. Pas pour moi, bien entendu – vous pourrez toujours m’opposer que je n’ai pas conservé (au bout de huit mois) ma preuve de dépôt, et que c’est bien fait pour ma pomme – mais pour d’autres qui seraient tentés de céder à vos publicités malines. Et pour vérifier la légalité de vos pratiques de prélèvement sauvage, de non-réception systématique des LRAR, etc.


Pourtant je rêve qu’il reste entre nous une petite étincelle, un courant encore, un reste de réseau, qui vous ferait dire « ah pardon, on a retrouvé votre envoi, on a fait une erreur, on s’excuse et on vous rembourse, n’en parlons plus, la prochaine fois que vous changez d’opérateur repensez à nous et n’hésitez pas à nous conseiller à vos amis ». Ce serait bien. Ce serait commercial. Ce serait – pardon si le terme vous choque - humain. On se quitterait en bons termes, peut-être, allez savoir, pour mieux se retrouver.


Dans le cas contraire, conservez mes 190 euros, et dites-vous que vous les avez gagnés légalement, efficacement et sans encombre. Dites-vous que vous les méritez. Et emportez-les avec vous là où vous irez de ma part.



Bien à vous

2 commentaires:

fg a dit…

Je compatis (ce qui ne te rend pas tes 190 euros). J'ai échangé quelques lettres avec Finaref et quelques mails avec Numéricable, deux sociétés humanistes qui voulaient que je discute avec leur service contentieux. Mais j'avais été plus prévoyant que toi...

fournisseurs a dit…

Je trouve que vous avez bien choisi le sujet et la rédaction est bien soigné, tel article va sans doute plaire à tout le monde car c'est intéressant et instructif, j'attends de vous plus d'article de ce niveau, bon courage !!